Exclusif : voici la contribution, exceptionnel témoignage, de Noureddine Ould Ali, un jeune technicien franco-algérien qui a connu le quotidien compliqué d’un homme de football à Ramallah et aux quatre coins du pays. A quelques heures du premier match de l’histoire de la Palestine en Asian Cup, Nourredine nous raconte ce qu’il a partagé avec Moussa Bezaz, le sélectionneur français de la Palestine pendant deux ans.
« Ma quête du savoir m’a toujours amené à opter pour un itinéraire pour le moins atypique.
C’est ainsi qu’une opportunité s’est présentée pour rejoindre le staff technique de la sélection de la Palestine. Enthousiaste comme un débutant et plein d’espoir, j’ai du déchanter dès mon arrivée sur le sol Palestinien qui n’avait de Palestinien que le nom, puisque les postes frontières sont assurés par les militaires de Tsahal.
Une garde à vue de 8 heures m’a été soumise sous prétexte de pseudo motifs d’ordre sécuritaire. Ce qui, pour le moins était complètement aberrant, vu les raisons uniquement sportives de ma présence. Malgré plusieurs tentatives de ma part avec justificatifs à l’appui, rien n’y fait. L’attente a été d’une souffrance intenable.
Je pensais que la garde à vue était un passage obligatoire pour les ressortissants étrangers qui entraient en Palestine pour la première fois. Malheureusement, ce fut la même rengaine à chaque fois que l’on passait la frontière.
Je pensais que mon rang d’entraîneur de football pouvait constituer un frein à l’excès de zèle de ces personnes chargées du contrôle frontalier. Que nenni, au contraire, ils arrivaient à pousser le bouchon à l’extrême. Il fallait faire preuve de patience et de diplomatie.
Néanmoins, je ne perdis pas de vu la mission première, qui était, d’encadrer un groupe de jeunes footballeurs à qui, il fallait inculquer une discipline de jeu, malgré les vicissitudes de la vie de tous les jours. En un mot, le mental devait jouer un grand rôle dans ma mission.
La joie de jouer, de faire vivre le groupe en bonne harmonie, devait passer par la prise en charge du mental de façon permanente. Les défaillances des uns et des autres guettaient à tout moment, les plus grandes motivations pouvaient flancher dès lors que le regroupement de la sélection qui provenait des cinq entités (CI-JORDANIE, GAZA, JERUSALEM, ARABE 48, DIASPORA PALESTINIENNE).
En effet, au gré et au bon vouloir des autorités Israéliennes, la circulation des uns et des autres des joueurs retenus, se heurtait à des difficultés parfois insurmontables. Un travail planifié ne pouvait être appliqué vu les aléas dont on dépendait.
Malgré cette situation parfois ubuesque, l’enthousiasme qui m’animait, restait intact et l’aventure pouvait commencer. Compte tenu des difficultés, le bilan reste à mon humble avis plus que positif et pour la sélection de la Palestine qui a surpris bon nombres de nations et pour ma propre expérience, je découvris le football des continents, africain et asiatique, lors des différentes compétitions auxquelles la sélection palestinienne participait :
En amical : (Soudan à Khartoum 0-0, Tanzanie à Dar salam 1-0, Mauritanie à Nouakchott 0-0, Pakistan à Lahore 1-2, puis à Karachi 0-0, Koweït au Koweït 2-0, Dynamo Moscou 1-1), en West Asian Cup en Jordanie (Yémen 3-1, Irak 3-0), Classée 1er du groupe au éliminatoire de la challenge Cup en Birmanie ( Bangladesh 2-0, Philippine 0-0, Birmanie 3-1) et enfin les éliminatoires de la coupe du monde 2014 ( Afghanistan au Tadjikistan 0-2, et à Ramallah 1-1, Thaïlande à Buriram 1-0, et à Ramallah 2-2), ont été autant des repères pour un technicien comme moi.
Des moments de joie, de peine ont jalonné cette grande aventure qui me faisait repartir de plus belle à chaque rencontre internationale. Ce n’était guère les petites mesquineries des autorités israéliennes qui allaient me faire baisser les bras. Même pas l’internement de trois mois de l’un des mes joueurs, qui à notre retour du Soudan – rendez vous compte- n’avait plus le droit de regagner son domicile, après avoir été autorisé à quitter le territoire. Des anecdotes comme celles-ci, je peux en fournir une multitude, qui au début me faisait sourire, mais à la longue, laissait place à une révolte difficilement contenue.
Profitant de ma présence ici, cela m’amenait tout naturellement à visiter les lieux Saints. Plus que l’admiration, j’ai éprouvé un sentiment que je n’avais jamais ressenti en d’autres lieux. Une certaine plénitude, quiétude, voire une extase m’envahit dans ces lieux mythiques. Rien que d’imaginer que je foulais le sol sur lequel ont marché tous les envoyés de Dieu, me procurait un sentiment incommensurable de bien être.
En déambulant dans les dédales de Jérusalem, dans les artères de Bethléem et à Hébron, de l’église de Saint Sépulcre au Dôme du Rocher, à la mosquée d’Al Aqsa en passant par le Chemin de Croix, le tombeau des Patriarches ou l’Eglise de la Nativité, me donnait l’impression d’un devoir accompli.
Retirer le positif malgré tout ce que l’on peut endurer est désormais mon leitmotiv. J’ai vécu ma propre expérience, je verrai les difficultés des uns et des autres dans cette partie du monde d’un autre œil, le mien.
Aujourd’hui malgré les embûches , les progrès de la sélection palestinienne sont indéniables, pour preuve sa brillante et méritoire qualification à la phase finale de la coupe d’Asie des nations, une première. Cette sélection constituée d’une ossature (14 joueurs que j’avais personnellement pris en charge) aura son nul doute son mot à dire dans cette compétition.
Cette génération dont l’éclosion me réjouit a plus d’un titre, fera en sorte de me donner raison , moi qui ai misé sur son potentiel. Il est clair que sa motivation sera facile à mettre en place, ce qui permettra le dépassement de soi.
J’avais à l’époque décelé cette facette du tempérament dans ce groupe et j’ai longtemps axé mon travail dans ce sens. Malgré les difficultés de toutes sortes, cette sélection, dont la seule participation est déjà une grande victoire, saura puiser dans son mental inébranlable pour s’envoler vers d’autres exploits. Ce qui, moi, ne me surprendra guère. ALLEZ LES FIDAII ! »
Nourredine Ould Ali, entraîneur adjoint de la Palestine (2010-2012)