Elu jeudi à la tête de la Confédération africaine (CAF) pour un mandat de quatre ans, le successeur d’Issa Hayatou n’est pas un dirigeant très connu du grand public international. Portrait du Malgache.
« Ensemble pour le changement ». C’est ainsi que s’intitule la plaquette de seize pages qui synthétisait le programme d’Ahmad Ahmad. L’homme qui, jeudi, a mis fin au long règne (29 ans) d’ Issa Hayatou à la tête de la CAF. Le Malgache de 58 ans s’est imposé lors de la 39E AG élective de la CAF par 34 voix par 20. Un résultat synonyme de tremblement de terre dans le football africain et mondial.
Personne, hormis les soutiens de M. Ahmad, ne croyait véritablement aux chances du concurrent de Hayatou qui avait débuté sa campagne il y a quelques mois et qui l’a poursuivi jusqu’à la veille de cette élection.
Un programme construit, détaillé, développé : telle est la première différence majeure entre le désormais président sortant et celui qui souhaitait lui succéder. Un programme qu’Ahmad n’a pas hésité à évoquer y compris auprès des médias, tandis que son adversaire camerounais semblait se contenter de vouloir prolonger, jusqu’en 2021, un fonctionnement qui, à l’évidence, ne faisait plus l’unanimité au sein de l’instance faîtière du football africain.
Premier acte à venir: un audit de la CAF
Ahmad Ahmad est né le 30 décembre 1959 à Madagascar. Fils de feu Daroueche Aboudou et de Salumat, c’est au lycée de Maintirano qu’il a décroché son baccalauréat section A2, en 1979. Sept ans plus tard, ce sportif invétéré obtient son CAPEN (maîtrise) en EPS. Durant les premières années de sa carrière professionnelle, il exerce en tant que professeur d’EPS dans un collège puis dans un lycée (1986 à 1989).
Footballeur dans l’âme, il sera entraîneur de l’AC Sotema, le club de Mahajanga, en 1989-90. Durant cette période, il intègre déjà l’administration du sport et du football en particulier, puisqu’il devient CTR (conseiller technique régional) de 1988 à 1993.
A partir de 1994-95, il rejoint le gouvernement malgache, où il a en charge le département des sports. Il exercera aussi en tant que directeur de cabinet du Ministère de la pèche et des ressources halieutiques (1996-98).
En février 2003, l’ancien SG de la Ligue de football de Mahajanga est élu à la tête de la Fédération malgache (FMF), poste qu’il a occupé jusqu’à son élection à la tête de la CAF. Le football africain fait alors sa connaissance à l’occasion de la CAN 2004.
Vice-président du comité olympique de son pays, président de la commission de recours de la FIFA puis membre du Comité exécutif de la CAF, Ahmad Ahmad a gravi peu à peu tous les échelons, sans jamais se précipiter. Il sera également Ministre (2014-16) des ressources halieutiques et de la pêche, avant d’être élu sénateur en 2016. Il est d’ailleurs vice-président du Sénat de son pays.
Stopper le pilage des clubs africains
C’est cet homme, profondément ancré dans la vie politique, sportive et sociale de son pays, qui a donc été porté à la tête de la CAF, devenant son septième président à l’occasion des festivités qui marquent le soixantième anniversaire de l’institution africaine.
Adepte de la transparence, Ahmad a immédiatement fait savoir qu’il fera procéder à un audit de la CAF. Il a déjà énoncé avec précision une série d’idées qui forment son programme.
On a retenu ainsi : l’intégration des fédés dans la stratégie Globale de la CAF, une plus grande place pour les présidents de fédérations ainsi qu’à tous les anciens acteurs du foot africain ; une protection juridique nouvelle pour stopper l’hémorragie et le pillage des clubs africains ; l’intensification des relations avec les autres confédérations ; un personnel de la CAF équilibré issu des 55 fédérations membres avec des critères de compétence et d’expérience ; l’ouverture d’un débat sur le format et le nombre des participants aux différentes compétitions de la CAF ; la création d’un CSP (collège spécial des présidents de fédés) réuni deux fois par an et qui édictera les règles de dépenses et de fonctionnement général de la CAF ; la désignation des organisateurs de compétitions par le Congrès par vote majoritaire et non plus par le Comité exécutif.
On l’a compris, c’est un véritable coup de fouet que va donner Ahmad à la CAF, puisque son mandat est placé sous le signe de la rupture et du changement. « Sortir de la léthargie et de la routine » est au centre de ses préoccupations. Il souhaite aussi « refonder une nouvelle CAF » dans tous les secteurs vitaux, qu’il s’agisse de l’administration, la protection de la jeunesse, de la transparence financière, des droits TV et marketing, de ses partenariats internationaux, de la communication et du développement.
La vision du nouvel homme fort de la CAF a également mis au centre des débats la réconciliation des acteurs du football africain. Après le tremblement de terre de l’AG élective d’Addis-Abeba, qui a porté Ahmad à la présidence tandis que ses principaux soutiens étaient élus au ComEx, la tâche qui attend le nouveau venu est immense. Il ne part pas d’une feuille blanche puisqu’il a déjà énoncé les grands principes de sa présidence.
Naturellement, le monde du football africain suivra pas à pas la mise en place de sa politique, qui pourra s’appuyer sur une manne financière exceptionnelle.
Comme l’a révélé son prédécesseur Issa Hayatou, la CAF bénéficiera d’un contrat de commercialisation des droits médias et marketing qui lui va lui assurer un revenu minimum d’un milliard de dollars sur une période de douze ans. De quoi effectivement mettre en place rapidement des réformes et une politique appelée de leurs vœux par la majorité des dirigeants du football continental. Un seul mot : au travail !
@Samir FARASHA