Après avoir débuté sa carrière à Niamey, le milieu international A nigérien a choisi le chemin de l’expatriation. Par nécessité. Du Soudan à l’Irak où il est l’un des meilleurs étrangers, il a accepté de se raconter. En exclusivité pour 2022mag.
« Bonjour Abdoul Madjid. Dans quelles circonstances avez-vous été amené à quitter l’AS FAN pour rejoindre le Soudan et El-Merreikh en 2018 ? Pour comprendre, je vais retracer mes débuts. J’ai commencé ma carrière au Mereda FC avant de rejoindre Juvénile où j’ai passé deux saisons. Ensuite, j’ai rejoint la SONIDEP que j’ai aidé à monter en D1. On a aussi remporté la Coupe nationale du Niger. Dans la foulée, j’ai signé à l’AS FAN où j’avais déjà joué dans les petites catégories. C’est à partir de là que la sélection nationale m’a appelé. On est parti jouer au Maroc contre la Mauritanie et le Togo. Après le match contre les Mourabitounes, un agent mauritanien a pris mon contact et m’a proposé de rejoindre El-Merreikh au Soudan.
Votre club a accepté l’offre ? J’ai parlé au Président Danbaba, qui a accepté effectivement que je parte au Soudan. Là-bas, j’ai trouvé un coach tunisien, Yamen Zelfani. Et ça s’est d’abord bien passé parce que je jouais et que l’on a été sacré champion 2018-19. J’ai même terminé meilleur passeur de la compétition avec 14 passes. Par la suite, les choses se sont détériorées…
Expliquez-vous… La guerre a éclaté là-bas quand le président a été déchu et arrêté. C’était devenu compliqué à Khartoum, il y avait des tirs, des morts… LA guerre, quoi. Le championnat était arrêté. On a fait un mois sans connexion internet. Sur le plan personnel, j’avais trois mois de salaires impayés. Il y avait le couvre-feu à 19h. Alors j’ai eu envie de partir, d’autant que le coach Zelfani était lui parti rejoindre un club à Oman. A un moment, le championnat est reparti, ça se jouait tous les deux jours, avec une formule à deux poules. 7 matches ont été disputés. J’ai refusé de rejouer, je ne me sentais pas en sécurité et puis je n’avais plus de salaire. Les dirigeants ne voulaient pas que je rentre au Niger. C’est finalement le président Danbaba qui est intervenu personnellement en m’envoyant mon billet de retour pour Niamey.
Retour à la case départ, donc… Oui mais pour peu de temps. Dix jours en fait, puisque j’ai rapidement reçu une offre d’Al-Minaa, le club irakien de Bassora. A ce moment-là, l’équipe nationale se préparait pour le CHAN 2020 au Cameroun et je me suis entraîné avec eux. A un moment, un agent nigérian prénommé Samuel et basé en Angleterre m’a contacté par le biais d’un de mes parents. Il a pris une de mes vidéos à El-Merreikh et l’a montré au coach roumain d’Al-Minaa Valeriu Tita. Je suis alors venu sur place pour un test. Je n’étais pas seul, il y avait trois Nigérians, deux attaquants et un milieu défensif mais eux, contrairement à moi avaient signé. J’ai donc passé mon test tranquillement et le club m’a offert un contrat. Je peux vous dire que les installations étaient incomparables avec celles d’El-Merreikh ! Il y a ici des gazons superbes. Le championnat 2020 a commencé. Et puis, au bout de quatre matches, tout s’est arrêté avec la crise sanitaire liée au Covid-19. Le championnat a été annulé, et comme le club était convaincu par mes qualités, on m’a renouvelé pour une saison supplémentaire.
Parlez-nous de l’Irak. N’avez-vous pas eu peur en rejoignant ce pays ? Il y a ce que disent les médias, et puis la réalité sur place. Côté football, je peux vous rassurer que tout va bien. Il y a la tranquillité. Je vis sur place depuis 2019, et rien ne me fait peur. Hélas pour l’Irak, son nom seulement est gâté.
Comment s’est passé votre deuxième saison (2020-21) à Bassora ? Elle a démarré doucement et s’est terminée très bien. J’étais blessé au genou lors de la préparation et on m’a envoyé au Liban consulter un spécialiste. Je n’ai intégré l’équipe qu’à partir de la 11e journée, le 2 janvier 2021 contre Al-Shorta. Et je ne l’ai plus quittée. On était bons derniers du championnat et on est remontés autour de la 6e-7e place. C’est là qu’Al-Shorta, le club de Baghdad, est venu me recruter.
Vous vivez donc votre première saison dans la capitale, et dans un club qui fait la course en tête seul depuis des mois… On a perdu il y a quelques jours notre premier match de championnat (2-1) contre Naft Al-Wasat après avoir mené 1-0. Notre entraîneur est égyptien, Moamen Suleiman. C’est quelqu’un de très respectueux. Notre parcours est le suivant : 21 victoires, 4 nuls et une défaite. Le championnat est très dur, très intense. L’effectif compte deux Syriens. Il y avait aussi un Nigérian, qui est parti. Un autre l’a remplacé mais il est aussi vite reparti. Notre meilleur buteur est Syrien, Mahmoud Al-Mawas, auteur de 16 buts. Ma vie, c’est hôtel-entraînement-hôtel. Je sors peu. On veut absolument remporter le titre. Al-Shorta, le club de la Police, reçoit au stade Al-Shab. J’ai marqué quatre buts cette saison, j’espère en ajouter d’autres.
L’Irak attire-t-elle les joueurs étrangers ? Il y a ici des Algériens, des Libanais, des Tunisiens, des Marocains. Et puis beaucoup d’Africains, ivoiriens, nigérians, etc. Economiquement, ça va, on parvient à subvenir aux besoins de nos familles. En attendant de voir ce que Dieu nous réserve. Ca paie en dollars ici pour les étrangers. Il y aussi mon frère nigérien Ousmane Diabaté venu de D2 au Qatar et qui a rejoint Al-Minaa. Pour l’instant, je suis là, je n’ai pas encore pensé à la suite. Mes dirigeants me pressent pour prolonger mais je veux patienter. On ne sait pas ce qui peut sortir ailleurs.
Où en-êtes-vous de la sélection A, le Mena ? D’abord, je voudrais saluer notre coach Jean-Michel Cavalli, un homme au grand cœur qui m’a relancé en sélection. Comme j’étais blessé dernièrement au moment du tournoi de Nouakchott, fin mars, il m’a dit de venir consulter le médecin. Je n’ai pas joué le premier match, en revanche j’ai disputé le second.
Quelle suite comptez-vous donner à votre carrière ? Trouver un club à l’étranger, c’est difficile pour un joueur nigérien. Tout le monde rêve de l’Europe. Je me souviens que lorsque je jouais à El-Merreikh, un dirigeant basé en France m’avait contacté. Il voulait que je le rejoigne mais le coach Zelfani avait besoin de moi. Le destin a voulu alors que j’ai un problème de dos qui m’arrête pendant quelques mois. Cette année encore, un agent français m’a appelé et parlé d’un club de L2. Et puis il n’est jamais revenu vers moi. Je sais qu’à 28 ans, cela devient plus difficile de trouver un club en Europe… »
Propos recueillis par @Frank Simon