Nommé parmi les « légendes » du football africain, le vainqueur de la CAN 2004 et du CHAN 2011 vit intensément sa première expérience d’ambassadeur de la CAF. Devenu entraîneur, il se destine aussi à cette carrière, en France ou ailleurs. Rencontre.
« Bonjour Adel Chedli , que faites-vous au Maroc ?
Je suis présent ici en qualité d’ambassadeur pour le CHAN. J’ai été surpris ! C’est en reconnaissance de ma carrière en Afrique, où j’ai remporté la CAN puis le CHAN (il est le seul joueur dans ce cas, NDLR). Je ne sais pas si je le mérite mais c’est flatteur.
C’est un grand honneur…
Ca a fait très plaisir à ma fille. J’ai été nommé légende en compagnie de Nourreddine Naybet et Robert Kidiaba, l’ancien gardien de la RDC et du TP Mazembe. C’est aussi une fierté. Je suis là pour représenter mon pays, la Tunisie. Si je n’avais pas disputé ces compétitions sous le maillot des Aigles de Carthage, je n’aurais pas eu cette renommé. Et je sais que je ne serais pas là aujourd’hui.
Où vivez-vous actuellement ?
J’habite Istres, près de Marseille. J’y ai évolué comme joueur une saison en L1 (2004-05) et deux en L2 (2008-10). Ensuite, le décès de ma maman a fait en sorte que j’aille vivre en Tunisie auprès de mon père. Je vis à Istres et j’ai passé mes diplômes de coach après un gros problème de santé (cervicales). J’ai le BEF depuis 2014 et j’avais passé la session de DES, j’ai entraîné du côté de Belfort.
On n’est pas vraiment surpris de vous voir poursuivre sur un banc…
Le BEF, ça équivaut à la licence A UEFA et j’entraîne l’Olympique Rovenain en Régionale 2, pour passer en même temps les diplômes supérieurs. Je suis dans un club amateur mais je sais qu’il faut en passer par là. J’essaie d’aider certains jeunes avec mon expérience. Ca se passe bien, on est leader. Je vois ça comme un tremplin. Je ne partirai pas comme un voleur même si mon but est évidemment d’évoluer plus haut. C’est plus dur pour un ancien footballeur de passer ses diplômes. Un président m’a fait confiance, en R2. Ma passion c’est le football. Cela fait quatre ans que j’ai arrêté le foot, je ne touche plus le chômage. Je suis quasiment bénévole en attendant de devenir adjoint ou autre. Ce qui me fait mal, c’est qu’on m’ait un peu oublié en France.
Expliquez-nous. Vous avez évolué à Saint-Etienne et à Sochaux, deux clubs historiques du football français. Etes-vous resté en contact ?
Oui. Je connais le président Romeyer du temps où j’étais en U17. Il m’avait dit « passe tes diplômes ». Je l’ai rencontré plusieurs fois depuis. On m’a fait la même chose à Sochaux où j’ai joué huit ans et gagné des titres. Quand je retourne là-bas, des gens que j’ai connus me tournent le dos ou m’accueillent d’une façon bizarre. Aujourd’hui, même avoir un billet pour un match est compliqué. Est-ce que je gêne ? Je sais qu’il y a un bon Dieu et que la roue va tourner, en France ou à l’étranger.
Justement, peut-être que vous pouvez aller à l’étranger trouver ce que vous cherchez en France…
Je suis prêt çà passer mes diplômes ailleurs, en Afrique. Je vais voir avec la CAF. Ma renommée, je la dois au foot africain et j’ai envie d’aider ce football que j’aime. Les gens de la CAF, eux, ne m’ont pas oublié, c’est une récompense. Rendez-vous compte, on m’a placé au niveau des Drogba, des méga stars et c’est une fierté pour les miens et le foot tunisien ! J’aimerais vraiment aider le foot africain, le foot tunisien, intégrer durablement la CAF où j’ai été accueilli d’une façon extraordinaire.
Comment ça a réagi en Tunisie ?
Je ne sais pas du tout parce que depuis mon départ en 2012, j’essaie de rétablir certaines vérités mais ça ne passe pas. A ce sujet, j’ai eu un passage télévisé sur SFR dans « Le Vestiaire » où j’ai expliqué que j’avais protégé tout le groupe au Gabon, lors de la CAN 2012. Je respecte le pays, les gens, les joueurs. Après, quand j’interviens sur une chaîne pour analyser un match de la sélection à la CAN, j’analyse un match. Je ne juge pas les hommes mais les joueurs d’autant que certains sont mes amis.
Etes-vous resté en contact avec les champions d’Afrique 2004 ?
Avec Mehdi Nafti oui, il entraînait récemment en Segunda B espagnole. Il était en tête mais ils l’ont renvoyé. Selim Benachour vit près de chez moi, et entraîne à Martigues. Santos est rentré au Brésil, Boumnijel est à l’ESS, à Sousse. Certains travaillent pour Beinsport au Qatar, comme Hatem Trabelsi. On était une famille, un groupe soudé, c’est pour cela qu’on a fait des résultats.
Et Roger Lemerre ?
Je sais qu’il a pas mal bougé, on a parlé de lui à l’Etoile. Je ne l’oublierai jamais, ni même notre président de la FTF à l’époque, Hammouda Ben Ammar. Il a donné un élan au football tunisien. C’est une personne extraordinaire !
Dans votre parcours professionnel, il y a aussi le club de Sharjah, aux Emirats…
Oui, le Nadi Shabab. C’est une histoire compliquée. J’étais à Sion (SUI) qui m’interdisait d’aller jouer ailleurs en Suisse alors que je pouvais signer au FC Bâle, au FC Zurich, voire au Neuchâtel Xamax. Bizarrement, je n’ai pas reçu mon CIT, le fameux certificat international de transfert. Je suis resté trois mois sans être payé, ni même jouer de matches officiels.
Que faisiez-vous alors ?
Je me contentais de disputer des amicaux, et ils sont tombés sous le charme. J’ai fini par signer six mois puis quatre ans. Le jour où j’ai reçu le CIT, Sion a pris ma prime de signature. Là-bas, quand tu es bon, tu es porté aux nues. Sur six mois, j’ai fait un mauvais match et ils ont déchiré mon contrat de quatre ans. J’ai récupéré mon passeport et j’ai pu repartir normalement. Avant cela, j’ai joué les derniers matches, et puis le père d’un coéquipier – un monsieur qui appartenait au bureau du club- m’a fait remettre un chèque qui correspondait à trois mois de salaires. J’étais gêné mais j’ai pu rentrer à Istres.
Retour à la case départ, en quelque sorte !
Je m’entrainais seul le temps de rebondir. J’ai croisé Nicolas Usai et Henri Stambouli qui avaient le projet de remonter en L2 avec Istres, et j’ai accepté. C’était juste l’envie de rejouer au foot, et j’ai vécu les deux montées, de National en L1.
Cela vous a remis en selle, et puis vous avez subitement pris la direction de la Tunisie…
Au décès de ma mère, je suis parti à l’Etoile. C’était son vœu, elle a toujours voulu que je joue au pays. Mon père était là-bas. J’ai rejoint le club, qui était dirigé par le Marocain M’hamed Fakhir. J’avais arrêté la sélection en 2007, mais mes performances, à 36 ans, m’ont valu d’être rappelé par Samir Trabelsi et Faouzi Benzarti. Je me souviens que j’avais fait un match exceptionnel lors du clasico Espérance – Etoile. J’ai joué la champions league africaine. C’était une superbe expérience, je suis allé jouer au Nigeria. En club, c’est autre chose qu’en sélection sur le plan des conditions de voyage !
Et puis, vous avez connu un évènement considérable au pays, avec la Révolution de 2011…
Absolument, je l’ai vécue… »
Propos recueillis par @Fayçal Chehat et @Samir Farasha, à Casablanca
Vous retrouverez samedi la deuxième partie de l’entretien que nous a consacré Adel Chedli à Casablanca, où il évoque la Révolution de 2011, le CHAN au Soudan et sa fin de carrière au Maroc.