2022mag revient sur l’affaire qui aura empoisonné depuis une semaine le football africain. Et s’interroge sur une décision par certains côtés incompréhensible…
C’était il y a quelques jours déjà, dans la moiteur d’un grand hôtel parisien. La conclusion tardive, et pour le moins inattendue, d’un Comité Exécutif de la CAF, cinq jours après cette finale retour de Ligue des champions qui a laissé à tous ceux qui l’ont suivie un goût amer.
Pour rappel, l’ Espérance a été sacrée ce soir-là après sa victoire (1-0), le Wydad ayant refusé de reprendre le jeu après environ une heure de jeu, arguant du fait qu’il venait d’être privé par l’arbitre gambien Gassama d’un but parfaitement valable. Un élément invérifiable puisque l’assistance vidéo (VAR) n’était pas opérationnelle.
Joueurs et dirigeants ont reçu médailles et trophée. Quelques heures plus tard cependant, le site officiel de la CAF annonçait que cette finale retour serait débattue à Paris au cours d’un ComEx d’urgence, la veille du Congrès de la FIFA, « suite aux évènements survenus (…) pour débattre des issues règlementaires à réserver à cette rencontre ».
Point besoin d’être devin pour comprendre, à travers ces quelques lignes, que de lourdes décisions risquaient d’intervenir dans la capitale française. Commencée le mardi, la réunion du ComEx a ensuite été différée sans qu’aucune décision ne filtre. Elle s’est terminée le lendemain dans la soirée avec l’annonce puis la publication de ce communiqué officiel, dont voici l’intégralité :
« Le Comité Exécutif de la CAF réuni ce 5 juin 2019 à Paris a décidé, à l’unanimité de ses membres, que :
-Les conditions de jeu et de sécurité n’étaient pas réunies lors du match retour de la finale de la Ligue des Champions de la CAF qui s’est tenu le 31 Mai 2019, empêchant le match d’arriver à son terme ;
-En conséquence, le match retour devra être rejoué sur un autre terrain en dehors du territoire tunisien.
-Toutes les dispositions réglementaires de la CAF relative à cette compétition sont maintenues pour ledit match retour ;
-La date et le lieu de cette rencontre seront fixés ultérieurement par le Comité Exécutif de la CAF.
-En conséquence, l’Espérance de Tunis devra restituer au Secrétariat Général de la CAF le trophée et les médailles décernés le 31 mai 2019 dès notification officielle de la présente décision ;
-Tous les autres aspects de discipline, d’organisation et d’arbitrage seront soumis aux Commissions compétentes pour traitement et décisions ».
On attendait en revanche les suites disciplinaires de cette finale retour, en particulier vis-à-vis de l’arbitre Gassama, ou encore du WAC dont les joueurs ont quitté la finale. Ils n’y ont pas été contraints, ils ont pris leur décision en connaissance de cause et l’arbitre, après une heure et demi, a sifflé la fin du match et donc, la victoire des Sang et Or.
Que les joueurs du Wydad se soient sentis victimes d’une injustice est incontestable. Mais ils ont terni un sommet du football arabe et africain en refusant de reprendre. Et ouvert la porte à d’autres équipes ou sélections, susceptibles de reproduire ce même schéma s’ils se sentent victimes d’une erreur aussi grotesque… On attendait la CAF sur ce point, mais aucun élément disciplinaire n’est venu compléter cette décision. Que peut-on en conclure ? N’a-t-elle pas créé un précédent dangereux pour l’avenir du football africain ?
Ainsi donc, le ComEx de la CAF – mais pas à l’unanimité puisque le Nigérian Amaju Pinnick, 1er vice-président, aurait voté contre…- a décidé de revenir sur le résultat final en annulant le résultat de la finale retour. Pour justifier cette décision, elle met en avant des conditions de jeu et de sécurité non réunies. Un argument pour le moins étonnant puisque nous n’avons pas eu écho officiel de blessés parmi les gens du WAC ou même leurs supporters. On a connu Radès bien plus « énervé », et c’est un euphémisme, notamment lors d’une finale retour de LDC, édition finalement perdue contre le TP Mazembe, au cours de laquelle certains supporters de Taraji avaient notamment arraché des sièges jetés sur la pelouse. La semaine passée, on était bien loin de ce climat délétère.
L’énervement – bien compréhensible- se situait côté Wydad, depuis l’annulation du but d’El-Karti parfaitement valable. Ce que tout le monde avait vu grâce au ralenti à la télé, mais dont l’arbitre, auteur de cette erreur capitale, ne pouvait se rendre compte puisque le VAR ne fonctionnait pas.
Si l’on en croit certaines personnes présentes, le président de la CAF aurait également pris ombrage des réactions pour le moins virulentes du président de l’EST, Hamdi Meddeb… Cela ne suffit pas non plus pour demander à faire rejouer une finale, tout en conservant le résultat du match aller.
Dans le communiqué, il n’est pas fait référence au problème de la VAR non opérationnelle ni même au retrait des joueurs du Wydad qui, rappelons-le, ont refusé de venir disputer la dernière demi-heure du match.
Depuis l’annonce de cette décision, on a lu et entendu tous les types d’interprétation, et celle qui revient le plus souvent laisse entendre que le président Ahmad et son ComEx auraient ainsi contenté leurs « amis marocains », au premier rang desquels figure le président de la FRMF Fouzi Lekjaa, qui fait partie des vice-présidents de l’instance continentale et que l’on sait très proche du Malgache Ahmad. On n’est pas obligé d’être d’accord avec cette interprétation. Mais on peut tout de même s’interroger.
De même, on sait que ce match sera reprogrammé, forcément après la CAN, c’est-à-dire au-delà du 19 juillet. Mais on ne sait pas encore où ? Au Caire, en Afrique du Sud ? En Europe, au Qatar comme la dernière Supercoupe d’Afrique ? Avec ou sans public ? Avec une VAR opérationnelle vérifiée bien à l’avance ? Avec un arbitrage africain ou non africain ? Pis, quels joueurs seront alignés par les deux clubs ? Certains sont susceptibles de quitter leurs clubs respectifs à l’intersaison.
Autre interrogation, qui concerne l’Espérance : ira-t-elle au bout du processus en déposant un recours auprès du TAS en Suisse ? Le club tunisois a-t-il vraiment l’intention de rejouer cette finale retour ? L’année de son centenaire, il se serait forcément passé de cette crise qu’il n’a pas déclenchée, rappelons-le ! Il n’a pas obligé les joueurs adverses à quitter le terrain définitivement. Il n’est en rien responsable de la faillite technologique liée au VAR, alors que certains n’ont pas hésité à dire qu’il aurait « débranché » le VAR.
Au-delà de ces interrogations, le grand perdant de cette semaine reste le football africain, qui s’est offert une petite crise à moins de deux semaines du coup d’envoi de la CAN en Egypte. Une CAN qui verra l’utilisation du VAR dès les quarts de finale. En principe.
On ne fera pas l’erreur de mêler à cette crise sportive l’interpellation dont a fait l’objet le président de la CAF à Paris, avant d’être libéré. Une affaire qui n’est liée ni de près ni de loin à la finale incriminée. Tout cela fait évidemment le jeu de tous ceux, et ils restent nombreux, qui se réjouissent des turpitudes du football africain (corruption, dérives arbitrales, tricheries sur l’âge, etc). Lequel, ne le nions pas non plus, donne parfois le bâton pour se faire battre…
@Samir Farasha