Les femmes sont de plus en plus présentes dans le métier, très recherché mais difficile, d’agent de footballeurs professionnels. Longtemps domaine réservé aux hommes. Une nouvelle vague remarquable surtout en Europe. La Roumaine Niubliana Nedelcu en fait partie. Dans l’entretien qui suit, elle nous raconte son arrivée et sa progression dans ce qui est pour elle plus qu’un profession, une passion.
– Il y a quelques années , vous déclariez ceci au sujet de votre carrière : « J’ai travaillé en tant que responsable des relations publiques et du marketing dans le football, mais je pense qu’il est temps de prouver que j’en sais plus sur le football et pas seulement en matière de relations publiques et de marketing! En 2008, le transfert de joueurs de football et les conseils juridiques pour eux J’ai commencé à travailler dans le football, mais mon rêve est devenu réalité depuis 2012. Le football est plus qu’une passion « .
Parlez nous de ce parcours ?
– Ma vie a pris un tournant lorsque j’ai renoncé à une carrière prometteuse en tant qu’officier des relations internationales au sein de la gendarmerie roumaine pour accepter l’offre de travailler comme responsable des relations publiques du Rapid Bucarest. Il faut dire que j’ai toujours eu une passion immodérée pour le football. Et que l’on m’offre l’opportunité de travailler dans ce domaine était un cadeau tombé du ciel. Mon rêve allait devenir réalité. Bien sûr, les débuts n’ont pas été faciles, car je n’avais pas grand monde pour m’aider à apprivoiser ce nouveau métier. J’ai dû compter sur moi-même. Mais cet apprentissage à la dure était un bien pour un mal puisqu’il m’a permis de me donner des bases solides pour mon futur dans le football. !J’ai passé les étapes l’une après l’autre. Et aujourd’hui, le monde du football roumain sait qui est Liubliana Nedelcu !
– Mais quel a été le déclic pour passer de l’autre côté de la barrière ?
Mon expérience au Rapid Bucarest m’ appris beaucoup des choses. J’ai très bien travaillé avec les joueurs j’ai réalisé que que j’étais faite pour ce métier d’agent de joueurs! J’ai vu que je pouvais les comprendre et qu’ils me faisaient confiance! Voilà pourquoi j’ai franchi la barrière.
– Cela fait déjà près de dix ans que vous êtes dans le monde du football en Roumanie et vous dites que c’est une vraie passion. Comment se manifeste cette passion ? Vous mangez, vous dormez, vous vivez foot 24h sur 24 autant qu’un joueur professionnel ?
Ah, oui ! On peut le dire . ! Je vis football ! Je vis pour le football! Je vis pour mes joueurs ! Je ressens tout leur bonheur, comme leur souffrance. Bien sûr, ce n’est pas toujours facile. Car je travaille avec des joueurs au caractère, à la personnalité et au parcours différents et je dois m’ adapter. Comme je dois le faire avec les clubs qui les recrute. Je suis le lien entre les deux parties . Et même si cela me prend beaucoup d’énergie, je ne renoncerai pour rien au monde au football. C’est ça ma vie . Je garde un oeil sur les prestations de mes joueurs et quand le temps me le permet je vais au stade pour chacun d’eux.
– Quel accueil avez-vous reçue dans ce métier ?
Je n’ai pas été accueillie à bras ouverts. C’est le moins que l’on puisse dire. Il faut savoir qu’en Roumanie les hommes sont misogynes dans leur majorité. Ils considèrent que la place d’une femme est dans la cuisine pas sur un terrain de football. Loin de me décourager, ce comportement a redoublé mon ambition. Je voulais montrer qu’une femme pouvait assumer ce travail aussi bien voire mieux qu’un homme. Je pense avoir fini par changer le regard que les hommes me portent. . Même si certains continuent de me voir comme une femme et non pas comme un agent de footballeurs, la plupart me regardent avec respect! Il faut dire aussi que lorsque je voyage à l’étranger pour le travail je rencontre moins de problèmes. Ma vie professionnelle est plus plus simple parce que la misogynie est moins prégnante que dans mon pays.
– Avez-vous été aidée ou bien avez vous dû forcer les choses pour vous imposez ?
Personne dans ma famille ou parmi mes amis n’était dans le monde du football. Il a donc été très très difficile de se faire une place. J’ai dû travailler énormément pour me faire une nom dans le football .Maintenant, quand je regarde dans le rétroviseur, je constate que seul le travail acharné et la patience ont fait que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui.
– En même temps, lorsqu’on s’attarde sur votre profil professionnel, on peut dire que vous êtes arrivée « blindée » dans ce milieu. Puisque vous étiez déjà titulaire d’une licence de droit et d’un diplôme universitaire de management. Uns sacré bagage intellectuel !
C’est vrai. Des années de formation dans deux universités différentes et la maitrise parfaite de trois langues étrangères cela aide forcément.
– Avez-vous grandi dans un environnement familial favorable à la passion du football ? Des parents ou des frères ou soeurs impliqués dans ce sport ?
Non, personne. Je n’avais pas d’exemple pour me guider ou de modèle à suivre.
Dans ce métier, la meilleure publicité est faite par les joueurs
– Avez-vous pratiqué le football à un bon niveau ?
Je n’ai pas été une joueuse professionnelle. Je n’ai pratiqué le football que comme un hobby. Il m’est également arrivé de participer, dans le cadre de mon travail et pour quelques émissions de télévision, à des matches à but humanitaire…
– Sept ans après avoir acquis le statut de manager quel bilan faites-vous ? Avez-vous étoffé votre portefeuille joueurs ?
Oui! J’ai grandi doucement mai sûrement. Je suis satisfaite de ma progression. Il n’y a pas de mystère. Je pense que la meilleure publicité pour un agent est faite par les joueurs dont il gère la carrière. C’est eux qui font ( ou défont) ta réputation.
– Quels sont les transferts dont vous êtes le plus fière, en Roumanie et à l’étranger ?
Comprenez que je ne veux pas parler de ça et citer des noms . Sinon, je pourrais donner l’impression que je fais une différence entre mes joueurs, alors qu’ils sont tous importants à mes yeux. Qu’importe si un joueur évolue sous les couleurs du CFR Cluj, le champion de Roumanie, ou dans les rangs d’un club de deuxième division. C’est mon joueur.
– Il semblerait qu’une fois que les femmes ont fait leurs preuves, les joueurs leur montrent une confiance souvent plus grande que celle qu’ils accordent à leurs homologues masculins. Est-ce vrai ?
C’est très vrai! Parce que les femmes ont cette capacité et cette volonté de s’occuper de tout pour un joueur. Par exemple, moi je me charge de l’aider à trouver une place dans un jardin d’enfant ou dans une école. Quand je signe des joueurs étrangers en Roumanie, je fais ce qu’il faut pour les mettre à l’aise en aidant leurs compagnes ou épouses à trouver leur marque dans leur nouvel environnement. C’est très important pour la confiance.
La Roumanie est un bon plan pour relancer des joueurs
– Justement, cette confiance est la même avec les dirigeants de clubs ?
Globalement, oui. J’ai une très bonne relation avec tous les présidents ou les propriétaires de clubs. Ainsi qu’avec les entraîneurs. Le fait d’avoir travaillé dans un club avant de prendre une licence d’agent fait que je sais comment agir pour conserver un équilibre avec toutes les composantes de la structure.
– Depuis la chute du mur de Berlin et celle de l’empire soviétique, le football roumain n’est plus dans le top dix du football européen. Les grandes épopées de clubs tels le Steaua Bucarest ou le Dinamo Bucarest remontent aux année 70 et 80. En tant qu’actrice du football local, vous que votre pays est en mesure de retrouver les sommets ?
Malheureusement non! Le niveau du football roumain a beaucoup baissé dans la dernière période même si nous avons très bonne une équipe nationale U21. Aujourd’hui, la majorité de nos bons éléments évoluent à l’étranger. Mais je suis une personne optimiste et j’espère vraiment voir, dans un futur pas trop moins lointain, nos clubs arriver à lutter avec les grands d’Europe. Nous avons beaucoup de joueurs très doués. Mais il nous faudra aussi d’améliorer les conditions d’entraînement, de préparation et de nutrition pour en titrer le meilleur.
– A l’instar de pays comme la Bulgarie ou la Turquie, le football roumain donne sa chance à beaucoup de joueurs ayant des difficultés à s’imposer dans les grandes ligues européennes .Le football roumain est-il devenu un tremplin pour des professionnels qui ont besoin de relancer leur carrière ?
Ouin on peut le dire. Car si le niveau n’est pas très bon comparativement à certaines grandes nations d’Europe, la Roumanie demeure un bon marché pour le football et beaucoup des joueurs viennent ici pour se donner une nouvelle chance et rebondir.
– La ligue 1 roumaine est également friande de joueurs originaire d’Afrique, du Nord notamment, vous confirmez ? En avez-vous dans votre écurie ? Vous négociez récemment, je crois, avec l’attaquant international algérien Omrani (champion avec Cluj). Ce dossier avance ?
J’essaye de signer ici de jeunes joueurs avant de les aider à rejoindre des ligues plus performantes. Billel (Omrani ndlr ) est un très bon joueur. Il est arrivé en Roumanie en provenance de l’équipe réserve de l’Olympique de Marseille. Aujourd’hui, avec ses buts et sa façon de jouer, il fait le spectacle. J’ai cet avantage de parler français et comme beaucoup des joueurs viennent de France… Alors, je les intéresse et ils m’intéressent. Je vous l’ai déjà dit : la meilleure publicité est faite par les joueurs. C’es un petit monde et tout se sait très vite: le bon et le mauvais
– En 2019, peut-on dire qu’il y a en Roumanie des joueurs capables de suivre les traces des illustres Gheorghe Popescu, Gheorghe Hagi, Adrian Mutu, Nicolae Dobrin etc. ? Des joueurs capables de rejoindre des clubs d’un niveau Ligue des champions ?
On en quelques bons jeunes joueurs. Ils pourront aller loin si on leur offrait la possibilité de quitter la Roumanie pour évoluer dans des clubs disposant de conditions d’entraînement et de préparation de très haut niveau.