Si un entraîneur connaît parfaitement le football maghrébin dans ses trois composantes que sont le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, c’est bien l’actuel coach du Mouloudia Club d’Oujda, c’est bien l’Algérien Azzedine Aït Djoudi. Il s’est confié dans un entretien exclusif à 2022mag.com.
2022.mag : Depuis le début de votre carrière, il y a plus de 20 ans, vous avez changé de clubs presque tous les ans. Vous aimez voyager ou c’est plutôt à cause de l’instabilité sur les bancs dans les championnats maghrébins ?
Azzedine Aït Djoudi: Sincèrement j’ai toujours souhaité travailler sur la durée mais à chaque fin de saison dans les clubs il y a des changements d’objectifs, des promesses non tenues… Malheureusement, je suis rarement resté dans un club et je le regrette. Soit par manque d’ambition du club soit par manque de visibilité de la part des dirigeants. Je regrette de ne pas avoir continué avec le MAS de Fés qui est un club bien structuré. En plus j’ai eu une véritable relation de confiance avec les dirigeants de ce club. Mais j’ai préféré retourner à la JSK. Je pense que j’ai commis une erreur en revenant à la JSK. Certes, j’ai eu de bons résultats (deuxième en championnat et finaliste de la coupe), mais le président et son entourage ne pensent malheureusement qu’à eux-mêmes et pas à l’intérêt du club. Dans certains clubs que j’ai entraîné j’aurais vraiment aimé m’inscrire sur la durée, mais cela n’a jamais été le cas.
On peut vous présenter comme un entraîneur spécialiste du football maghrébin puisque vous avez entraîné dans les trois pays du Maghreb. Quel regard portez-vous sur l’évolution de ce football ?
Il y a beaucoup de choses positives mais il y a globalement un manque de vision à long terme. C’est la recherche du résultat qui prime sur tout le reste. Le championnat tunisien, avant la révolution, était un football très structuré et en avance. Au Maroc, le Wydad, le Raja, le FUS sont des clubs bien structurés aussi et des exemples à suivre. Notre football algérien n’ a pas assez développé certains aspects. Les clubs attendent trop de l’Etat, les subventions… Quand je vois les infrastructures au Maroc ou en Tunisie, c’est quelque chose que l’on ne retrouve pas en Algérie. Pour l’ensemble du football maghrébin il y a un manque au niveau de la formation. On a délaissé les écoles de football pour faire des centres de formation. Mais on a pas réussi à faire des centres de formation de qualité et surtout à construire sur la durée. Les dirigeants ont une part de responsabilité dans ce manquement.
Quels sont les points à améliorer, les choses à créer ou à copier à l’étranger ?
Du côté de la formation on doit former nos cadres nationaux. Je n’ai pas de complexe par rapport à l’étranger et on doit prendre ce qu’il y a de mieux, en France ou en Belgique, pour former nos propres cadres. C’est les échanges qui vont nous permettre de nous développer et d’aider le football maghrébin.
Vous avez déjà été élu trois fois entraîneur de l’année en Algérie. Vous avez également vécu deux expériences avec les sélections d’Algérie (adjoint en A, sélectionneur des espoirs). Comment expliquer qu’aucune proposition d’un club français n’ai jamais existé ?
On a vécu la décennie noire en Algérie. Ce n’était pas facile à l’époque et rester au pays c’était important aussi pour nous. C’est vrai que dans ma carrière j’aurais aimé avoir une opportunité en France, par exemple. Mais le cahier des charges français est très strict, ce n’est pas évident. Après ce sont les choix des clubs et des présidents, on doit les respecter. Notre relation avec la France est toujours un peu particulière. Mais aujourd’hui on a Zidane ou Djamel Belmadi qui nous représentent aussi. C’est une fierté !
Vous avez été plusieurs fois entraîneur de votre club de cœur, la JSK. Mais vos relations semblent difficiles, peut-on vous appliquer l’expression « Nul n’est prophète en son pays » ?
Mes passages, en tant que joueur ou entraîneur, ont plutôt été couronnés de succès. Je pense que les supporters de la JSK ont une bonne image de moi. En fait les problèmes sont plus avec les dirigeants, d’ailleurs j’ai toujours des impayés avec eux. Je pense donc que cette expression ne s’applique pas vraiment à mon cas, car, à chaque fois que je reviens au club, c’est plutôt pour ramener la JSK vers les sommets.
Aujourd’hui à Oujda avec le MCO, vous êtes dans le plus « algérien » des clubs marocains. C’est un retour à la maison cette saison?
Oujda, c’est un sentiment particulier. Un club que je connais très bien depuis ma première expérience ici en 2005. Je suis très bien ici, très bien accueilli pour les oujdis. On travaille au quotidien pour faire du mieux possible en championnat. Je pense que le club et les supporters du MOC méritent mieux que notre classement actuel.
Quel regard portez-vous sur les problématiques de la violence dans les championnats au Maghreb ?
C’est un problème sociétal. Parfois les supporters les plus chauvins, ne connaissent qu’un ou deux joueurs et ne me reconnaissent même pas dans la rue. Ce ne sont donc pas de vrais supporters. Ils sont là pour autre chose, mais pas pour le football. Il y a souvent trop de pression, de la part des dirigeants, de la presse avant les matchs. Cela crée une ambiance tendue et surtout inutile avant certains matchs. Nous, on est sportifs et éducateurs avant tout, on doit être un exemple positif avant toute chose. Le football doit rester une fête !
Dernière question : que peut-on vous souhaiter dans les années à venir ?
Participer à la construction et au développement d’un club sur la durée. Peut-être avec la JSK, mon club de cœur. Et pourquoi réussir quelque chose avec la sélection nationale. C’est toujours dans un coin de ma tête.
Propos recueillis par Benjamin Laguerre à Oujda (Maroc).