Vainqueur de la CAN avec l’Algérie il y a quelques jours après avoir été quadruple champion du Qatar, l’ancien joueur formé au PSG est devenu un technicien réputé et respecté en l’espace de neuf ans. Une reconversion réussie qui lui a valu d’être choisi il y a onze mois pour conduire la sélection algérienne, après avoir décliné l’offre une première fois. Portrait d’un jeune quadra qui monte, sur la scène arabe.
Il est là, porté en triomphe et jeté en l’air par ses joueurs, les traits tirés. Fatigué, épuisé sans doute, mais terriblement heureux au moment où les Fennecs partent saluer leur public, dans ce stade international du Caire qui vient d’assister au couronnement de l’Algérie, 29 ans après son premier titre. Djamel Belmadi partage ce titre autant avec ses joueurs qu’avec son fidèle encadrement technique, avec lequel il a tout vécu, les moments de doute et de questionnement comme les succès.
Tout destinait en réalité cet homme, ancien capitaine des Verts, à revenir un jour auprès de la sélection nationale. Il y a un an pourtant, Belmadi en était bien loin, même si son nom revenait régulièrement dans la chronique de la sélection. A l’époque, Belmadi se concentrait uniquement sur son rôle d’entraîneur d’Al-Duhail, à la tête duquel il venait de remporter la Qatar Stars League (QSL). Il sortait aussi d’une victoire en Coupe du Prince et avait assuré la qualification de son club pour les quarts de finale de la Ligue des champions d’Asie. Al-Duhail (autrefois connu sous le nom de Lekhwiya) se portait bien, donc, et lui aussi.
Si la formation qatarie dominait tant la scène nationale, elle le devait autant à la qualité de son effectif, véritable constellation de talents et d’internationaux, qu’au management de son entraîneur, Djamel Belmadi. A 43 ans révolus, celui qui fut un « club-trotter » durant une carrière de joueur étirée sur quinze saisons (PSG, Marseille, Cannes, Celta Vigo, Manchester City, Al-Ittihad, Al-Kharitiyath, Southampton, Valenciennes) a su donner une véritable identité de jeu à son club.
Lorsqu’il met un terme à sa carrière de joueur en 2009, l’international algérien décide d’embrasser presque immédiatement le métier d’entraineur. A l’été 2010, Lekhwiya lui offre sa première expérience. Le club, connu en tant que El-Shorta Doha, vient juste de monter parmi l’élite du football qatari et change de nom. Emmené par l’Ivoirien Bakary Koné (ex-Marseille et Nice), Lekhwiya remporte le championnat pour la première fois de son histoire, cinq points devant Al-Gharafa.
Coup d’essai, coup de maître !
Pour une première, c’est un coup de maître ! Belmadi récidive la saison suivante et conserve la couronne nationale cette fois devant El-Jaish. Cette saison-là, les techniciens d’expérience ne manquent pas puisqu’au coup d’envoi de la saison, cinq Français (Alain Perrin, Bernard Simondi, Gérard Gili, Laurent Banide, Pierre Lechantre) se présentent pour tenter de ravir le titre à Belmadi.
Les choses se compliquent au cours de la première partie de saison 2012-13. Plombé par des mauvais résultats, Belmadi démissionne le 8 octobre 2012, il est remplacé par le Belge Eric Gerets qui terminera vice-champion derrière Al-Sadd. Une période d’inactivité d’un peu plus d’un an débute alors pour lui, jusqu’à ce que la fédération qatarie (QFA) ne lui confie la direction d’une équipe nationale B pour prendre part à la WAFF Cup (championnat d’Asie de l’ouest) organisée début janvier 2014 par le Qatar.
Cette expérience voit le Qatar remporter tous ses matches, contre la Palestine, l’Arabie saoudite, le Koweit et la Jordanie en finale (2-0). Le pays hôte n’encaisse qu’un but. Ali Asad (QAT) est désigné meilleur joueur du tournoi et Boualem Khoukhi (Algérien naturalisé Qatari) termine meilleur buteur. Cette première victoire en WAFF Cup, historique, vaut immédiatement à Belmadi d’être listé pour le poste de sélectionneur du Qatar A.
Coup d’arrêt en Coupe d’Asie
C’est lui qui succède à Fahad Thani en mars 2014. Il ne perd qu’un seul match (amical) durant cette année : face au Pérou (0-2). En novembre 2014, il part disputer la Coupe du Golfe des nations en Arabie saoudite. Une compétition qu’il remporte aussi aux dépens du pays organisateur (2-1 en finale) grâce encore à un but décisif de Khoukhi. Le Qatar de Belmadi devient alors, aux yeux des observateurs, un outsider très crédible pour la conquête de la Coupe d’Asie des nations que le pays doit disputer en Australie à partir de janvier 2015.
Mais l’expédition sur l’île-continent tourne à la déroute. Belmadi perd ses trois matches de poule, respectivement face aux Emirats arabes unis (4-1), à l’Iran (1-0) et Bahrain (2-1). Un terrible échec synonyme d’élimination au premier tour. Un an et un mois après avoir été nommé, il est démis de ses fonctions juste avant le début des éliminatoires de la CM 2018.
Lekhwiya n’a pas oublié celui qui avait fait du club une puissance respectée du football national et, moins de deux mois après son limogeage, Belmadi revient sur le banc de son club de cœur, où il succède au Danois Michael Laudrup, qui n’a pas souhaité prolonger. L’Algérien ne décroche que la 4e place. La saison 2016-17 sera celle d’une nouvelle consécration, tant pour Lekhwiya que pour Djamel Belmadi, qui remporte son troisième championnat grâce à son goleador marocain Youssef El-Arabi et à un passeur hors pair, le Coréen Nam Tae-hee. A l’issue de cette saison, El-Jaish (4e) fusionne avec Lekhwiya qui est rebaptisé Al-Duhail SC. Mais il conserve l’histoire d’El-Shorta Doha, son appellation originelle.
La saison de tous les triomphes
Cette saison 2018, on l’a vu, est celle de bien des triomphes. Champion 2018, Al-Duhail a remporté la Coupe du Prince et la Coupe de l’Emir. En parallèle à son parcours national, Duhail montre certaines ambitions en Ligue des champions d’Asie. Belmadi et ses poulains ont facilement dominé Al-Aïn (Emirats) chez lui en huitièmes de finale (4-2, 4-1). Les Qatariens seront éliminés, sans lui, en quarts de finale après le départ de leur coach.
En octobre 2017, alors que l’Algérie se cherchait un nouveau sélectionneur, une fois l’élimination pour le Mondial 2018 consommée, Belmadi a été évoqué pour remplacer l’Espagnol Lucas Alcaraz. Les membres du Comité exécutif de la FAF ont en effet proposé son nom au président Kheireddine Zetchi. C’est finalement Rabah Madjer qui a été rappelé pour un nouveau mandat, Belmadi ayant visiblement décliné l’offre. Et puis, le natif de Champigny-sur-Marne a fini par accepter l’appel du pays, alors que la sélection était engagée au tout début des éliminatoires de la CAN 2019.
Quand il débarque sur le banc algérien, il est bien difficile de présager l’avenir immédiat du technicien Belmadi. Extrêmement discret sur le plan médiatique, l’homme se livre peu. Travailleur, méthodique et consciencieux, il compte déjà une palanquée de titres, tous glanés au Qatar avec la sélection ou avec Lekhwiya/Duhail. Mais sa seule expérience de sélectionneur du Qatar s’est terminée sur une élimination précoce à la CAN asiatique. Il n’empêche : après avoir mûrement réfléchi sa réflexion, il accepte début août 2018 de signer pour quatre ans et se jette très vite dans l’opération CAN 2019.
Ses débuts sont très compliqués : il succède à un Rabah Madjer dont le passage a tourné au fiasco total sur le plan du jeu et de la motivation. Un chantier immense l’attend mais il n’a pas le temps puisque déjà, il faut aller en Gambie en septembre 2018. Des incidents éclatent, le stade contenant plus de public qu’il n’y est autorisé. Les supporters s’installent au bord même du terrain et la FAF entend faire annuler la rencontre. Finalement, dans un contexte sécuritaire compliqué, l’Algérie décroche un point (1-1). Belmadi enchaîne plusieurs victoires (Bénin 2-0, Togo 4-1, à Lomé) et se qualifie dès la 5e journée. Il n’est battu qu’une fois, à Cotonou, lors du match retour contre le Bénin (1-0).
La suite du parcours de l’Algérie confirme cette belle impression, tant sur le plan tactique que sur le choix des hommes. Il prend une décision importante vis-à-vis du groupe au début de la préparation de la CAN en écartant, pour des raisons disciplinaires, Haris Belkebla (11 juin). Une sanction qui entérine son management et surtout, le fait qu’il ne fera de cadeau à personne. Seule lui importe l’équipe. Pour sa première phase finale sur un banc, l’ancien coach du Qatar s’est transformé en faiseur de rois, lui qui n’est arrivé qu’il y a onze mois sur le banc algérien. Discipline, rigueur, équilibre, sens tactique et stratégie évolutive, sans oublier des qualités évidentes de meneur d’hommes, si indispensable pour gérer au quotidien un groupe de 23 pendant près de deux mois.
Désormais auréolé de ce titre africain, conquis sur la base de six victoires et d’un nul, Belmadi confirme qu’il possède déjà toute la panoplie d’un grand technicien. Et il n’a, rappelons-le, que 43 ans ! Prochaine étape : revenir en phase finale de coupe du monde. Ce sera très certainement à la tête d’une ossature des joueurs vainqueurs de la CAN 2019 au Caire. Un retour qui aurait une forte valeur symbolique puisque le Mondial 2022 aura lieu au Qatar, pays dont il a dirigé la sélection et remporte quatre championnats…
@Samir Farasha