Pour avoir perdu un match de préparation devant une belle équipe de Guinée (1-2), le sélectionneur Christian Gourcuff a été cloué au pilori par une partie des médias locaux et son équipe sévèremenrt conspuée par le public algérois. Une bien cruelle injustice pour l’entraîneur et pour ses joueurs littéralement tétanisés. En son temps, Vahid Halilhodzic avait connu le même traitement
En Algérie, l’histoire ne serait-elle, finalement, qu’un éternel recommencement ? A la lueur des derniers évènements survenus dans le sillage des Fennecs, on est malheureusement bien tenté de le croire. En Algérie, quand une certaine frange des médias décide de se payer le sélectionneur national, elle met le paquet. Vahid Halilhodzic, en son temps, avait eu lui aussi à un traitement de choc. Que n’écrivait-on pas alors pour fustiger ce technicien –très- expérimenté, coupable aux yeux de certains de faire déjouer la sélection nationale. Dès son arrivée, le Bosnien cristallisait tout ou partie des critiques. Et l’on oubliait alors qu’en ce début de règne technique, « coach Vahid » avait décidé, entre deux campagnes éliminatoires de CAN et avant de débuter celle qualificative au Mondial 2014, de procéder à une vague de tests. Au passage, on avait découvert que des locaux de qualité pouvaient, à court ou moyen terme, renforcer un groupe en reconstruction. En bon « père la rigueur » très attaché à la discipline collective, Halilhodzic n’avait pas hésité à faire le ménage là où c’était nécessaire. Son arrivée avait coïncidé avec une rupture dans le fonctionnement mais aussi dans la composition d’un groupe qui, à travers la participation à la CAN en Angola (4e) puis à la Coupe du monde 2010, avait certainement atteint son apogée. Pourtant, Halilhodzic a eu maille à partir avec les présumés faiseurs d’opinion, apprentis sélectionneurs de pacotille et autres philosophes du café du commerce qui n’ont jamais vraiment goûté ses manières ni la liberté qu’il prenait à remettre en place ceux qui le critiquaient gratuitement.On se souvient encore de scènes pénibles où le sélectionneur, alors au faîte de son parcours avec les Fennecs, devait constamment se justifier pour tout et pour rien, jusqu’à se confronter physiquement à des médias à la tonalité dure, accusatrice et parfois même calomnieuse. C’est cependant le même homme qui a conduit ce groupe jeune et soudé jusqu’en huitième de finale de la Coupe du monde au Brésil. Où il s’en fallu de peu que l’Algérie n’écarte l’Allemagne en la repoussant jusqu’en prolongation.
Halilhodzic aussi avait eu sa défaite « impardonnable » contre la Serbie (0-3)
Aujourd’hui que la succession de Vahid est assurée par Christian Gourcuff, autre tenant de l’école française, c’est au tour du technicien breton d’affronter ce que l’on considère comme une cabale des adversaires de l’intérieur. En poste depuis le 1er août 2014, le natif de Hanvec a très vite donné sa feuille de route : «Entretenir la dynamique enclenchée au Mondial et tenter de construire un style de jeu à installer dans la durée ». Après avoir rapidement validé le billet pour la CAN 2015, il a vite dû se mettre dans la peau d’un favori, public oblige. Et l’échec en quart contre la Côte d’Ivoire (3-1), futur vainqueur, fut essentiellement une défaite tactique. Une bataille de haut niveau perdue contre son homologue Hervé Renard. Depuis, l’Algérie s’est relevée. Elle mène la danse en éliminatoires de la CAN 2017. Sans éclat particulier, mais professionnelle, elle met un point d’honneur à gagner les matches qui comptent. Et Goucuff, comme ses prédécesseurs avant lui, utilisé les matches amicaux pour évaluer, tester ceux qui pourraient à court terme renforcer son effectif. Il est où, le problème ?
Pourqoi la défaite concédée l’autre semaine contre la Guinée (2-1) devrait-elle porter les germes d’une dégénérescence de la sélection ? Pour ce match, le coach était privé d’un certain nombre de joueurs cadre et avait même décidé d’aligner des nouveaux comme Tahrat, Boudebouda, Belkaaroui et Benrahma. Peut-on le lui reprocher ? Au lieu du soutien que son équipe et lui étaient en droit d’attendre à Alger pour le retour au 5-juillet, ils n’ont eu droit qu’au mépris, aux sifflets, à la mauvaise foi de certains analystes et donc, à des critiques d’une insigne bassesse. Après la courte victoire contre le Sénégal (1-0), un adversaire pour le moins costaud sur le plan africain, rien n’a changé. Gourcuff, qui n’a jamais fait mystère du fait qu’il n’était pas un animal médiatique – un exercice qui ne l’a jamais passionné – ne pouvait décemment cautionner qu’on l’attaque aussi frontalement. Comme cela arrive parfois quand on ressent une profonde injustice et une forme de ras-le-bol, il a vu rouge face à des plumitifs qui n’en attendaient pas tant.
Et s’il a bien évoqué un possible départ, c’est simplement pour rappeler qu’il se démettrait de ses fonctions en cas d’élimination par la Tanzanie, au 1er tour éliminatoire du Mondial 2018, zone Afrique. Rien que de très normal en vérité, non ? Depuis le début, le Breton a dû faire comme s’il n’entendait pas les critiques injustes et mesquines, portant sur son CV et son inexpérience supposée. C’est oublier que ce technicien au profil de pédagogue, lanceur de jeunes talents et attaché à la promotion d’une identité par le jeu, fut autrefois courtisé par de grands clubs français, au premier rang desquels figurait le PSG.
Pour tout vous dire, on aurait bien aimé entendre le président de la Fédération algérienne prendre sans tarder la parole pour défendre le bilan de son sélectionneur. Impensable, vraiment ? Un bilan qui au passage n’a rien d’infamant. On aurait aussi aimé que les joueurs cadres –et les autres- montent au créneau pour rappeler que l’ancien lorientais a travaillé dans la continuité de 2014. Avec sa philosophie et en faisant des choix forts. Mais nous n’avons rien entendu, lu ou vu de tel. Aujourd’hui isolé, Gourcuff mérite à notre humble avis respect et considération. C’est le même homme qui a commencé à travailler avec les techniciens de la place, associant locaux et étrangers. C’est lui aussi qui a donné une tonalité plus « joueuse » à la sélection. Vrai ou pas ?
On ne sait pas s’il s’était renseigné auprès de son prédécesseur avant d’accepter l’offre de la Fédération algérienne. Mais, on peut imaginer que s’il lui avait posé la question, Vahid lui aurait sans doute conseillé de patienter et de laisser hurler les loups dans la nuit. En clair, de laisser passer l’orage et de continuer à bosser, ce qu’on ne pourra lui objecter quand le couperet tombera. Fustigé par une opinion publique passionnée et et parfois excessive, qui s’est laissée monter le bourrichon par certains, Le technicien français se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. A-t-il encore le choix ? On l’espère pour lui, même si, on l’a compris, l’après Gourcuff aurait déjà commencé chez certaines personnes pressées de le remplacer par un coach peut-être moins sanguin mais sans doute plus malléable. S’il devait partir, cela ressemblerait à un terrible gâchis.
@Samir FARASHA