» Amine, nous sommes à quelques heures du quart de finale des Lions de l’Atlas contre le Portugal. Vous attendiez-vous à un tel parcours de la part de votre sélection nationale ?
Très franchement, non ! Même dans mes plus grands rêves, je n’y pensais même pas. Mais j’ai eu un bon feeling quand Walid Regragui a été nommé.
Je l’ai toujours apprécié, depuis sa nomination comme adjoint de Rachid Taoussi en sélection, quand ce dernier a succédé à Eric Gerets en 2012-13.
Le premier match était contre le Mozambique, et je me souviens que Belhanda, notre superstar de l’époque, ne voulait pas sortir.
Je me rappelle que Walid l’a pris presque par le col, le joueur n’a pas soutenu son regard. Ce jour-là, je me suis dit : c’est le mec qu’il nous faut au Maroc !
Quand il a été nommé, ce que j’ai aimé dans son discours, c’est de prôner l’union sacrée. C’est un super motivateur.
Quand on a eu connaissance du groupe après tirage au sort, je me disais que la Croatie était un ogre avec son milieu et Brozovic.
Je pensais qu’on aurait un coup à jouer contre cette Belgique vieillissante. L’espoir a grandi avec le fil du temps. En Espagne, au mois de septembre, après les deux amicaux, je me suis dit : pourquoi pas ?
Aujourd’hui pourtant, le Maroc est en quart…
Personnellement, j’ai un peu de mal à réaliser ! Les émotions, les larmes, tu pleures, tu ris, tu prends tout le monde dans les bras…
De ce que l’on m’a raconté au Maroc, les gens sont sur un nuage, c’est de la folie. Imaginez juste : Sa Majesté le Roi est sorti fêter ! Avec un maillot !
Incroyable, surtout que le protocole est une chose sacrée. J’ai une grosse pensée aussi pour tous les gens dans la difficulté à cause de la pandémie de Covid depuis deux ans et demi.
Cette crise a engendré de gros problèmes économiques et financiers, avec des pertes de boulot, des pans de l’économie qui se sont totalement effondrés.
Depuis la qualification pour les quarts, les Marocains pensent à autre chose que du négatif. Ils ont pensé aux parades de Bounou, au tir de Hakimi, à l’infatigable Amrabat.
C’est une boîte à bonheur qui s’est ouverte pour les Marocains et qui ne s’est pas refermée !
Cette qualification tranche avec les bouffées d’optimisme d’il y a quatre ans, avec la déception que l’élimination avait engendrée…
Pour la première fois, le public a changé de mentalité, il est dans l’humilité. En 2018 après la qualification, on s’était vus trop beaux. On annonçait la victoire contre l’Iran et les nuls contre le Portugal et l’Espagne…
Là, c’est complètement différent. En grande partie je crois grâce au sélectionneur. Les gens ont retrouvé leur amour pour la sélection.
Walid a coutume de répéter, en club avec le Wydad et aujourd’hui en sélection : « On n’a encore rien fait ». Cette humilité-là est révolutionnaire !
En tant que journaliste, n’est-il pas trop compliqué de ne pas être submergé par une vague d’émotions…
Les mots viennent tout seuls ! C’est l’histoire qu’on vit ! Il n’y a pas d’angoisse de la page blanche. On peut parler de tout sous tous les angles possibles.
C’est un quart de finale de Coupe du monde ! Je crois aussi que plein de monde en Afrique s’identifie à ces gamins-là. Dans 20, 30 et 40 ans, on reparlera toujours du 6 décembre 2022 et de l’élimination de cette Roja, un géant du foot européen. Tout le mérite en revient à la défense marocaine.
Quel que soit le résultat du quart de finale, on peut s’attendre à des festivités exceptionnelles au retour des Lions de l’Atlas. Jusqu’à présent, qu’est-ce qui a été le plus fêté dernièrement ?
Il y a eu le Raja en finale de la Coupe du monde des clubs en 2013. Le retour à Casa, c’était incroyable, ils avaient été célébrés au complexe Mohamed V.
En sélection, c’était le retour de Tunis après la finale de CAN perdue 2-1 contre la Tunisie en 2004. Des millions de gens étaient sur les routes.
Ca avait commencé dès la remontada en quart contre l’Algérie (3-1 ap.prol.). Je crois que le retour des héros de Doha ira bien au-delà.
Que vous inspire cette épopée de 2022 ?
Déjà, nous revenons de loin en termes de soutien de l’équipe nationale. Il y a eu une époque pas si lointaine où elle ne faisait pas ou plus recette.
Ensuite, et même si je ne suis pas d’accord sur pas mal de choses avec le Président de la FRMF Fouzi Lekjaâ, ce qu’il a mis en place en termes de gestion de la sélection mérite un coup de chapeau.
En revanche, la sélection a besoin d’un Team Manager. Le sélectionneur ne peut cumuler les deux fonctions, il a besoin de quelqu’un pour se délester de certaines tâches.
Et cela en fait du coup un bouc émissaire parfait si les choses venaient à dysfonctionner… Il faut vraiment une zone tampon entre le président et son sélectionneur, et elle doit être occupée par le Team Manager.
Amine, un dernier mot : votre pronostic pour le choc de samedi contre le Portugal ?
On va encaisser mais il y a moyen de passer. 2-1 pour le Maroc ! »
Propos recueillis par @Frank Simon
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