Nommé le 3 mars dernier à la tête des Mourabitounes, l’ancien entraîneur du FC Nouadhibou et coach des Comores s’est posé un instant pour évoquer ses premières semaines à la tête de sa nouvelle équipe. Une exclusivité 2022mag.
« Amir Abdou bonjour ! On vous avait quitté sélectionneur des Comores à la CAN et on vous retrouve sur le banc mauritanien. Mais on n’est pas vraiment surpris puisque vous étiez aussi le coach du FC Nouadhibou. Expliquez-nous comment ça s’est fait… D’abord et avant toutes choses, je voudrais saluer le travail accompli par Corentin Martins entre 2014 et 2021. Quand je suis arrivé au FC Nouadhibou, je me suis naturellement rapproché de lui. Il m’a vite rassuré que j’étais entre de bonnes mains. Et effectivement, je me suis épanoui pendant un an et demi, dans un club avec un président passionné et amoureux de son club, par ailleurs grand supporter de la sélection. Après l’éviction de Coco en octobre 2021, il y a eu des sous-entendus.
C’est-à-dire ? Certaines personnes voulaient que je prenne la sélection. Mais j’étais encore sous contrat avec les Comores et en route pour la CAN. Il était hors de question que je laisse passer cette opportunité avec mon pays. Je dois dire que je n’ai eu aucun échange à l’époque avec le président Ahmed Yahya, que je n’ai jamais été sollicité directement. C’est juste que ça parlait.
A cette même époque, vous aviez également des choses sur le feu avec Nouadhibou…Effectivement ! On s’est retrouvé à jouer le tour de cadrage de la CDC africaine après notre élimination de la Ligue des champions par Sétif. On devait jouer le Cotonsport du Cameroun, c’était la porte d’entrée pour la phase de groupe de la CDC. Mais on s’est trouvé diminués. 90% de mes cadres étaient retenus par l’équipe nationale pour la Coupe arabe des Nations au Qatar. Résultat, je n’avais plus qu’une douzaine de valides disponibles… Le club a privilégié la sélection. Ce fut une période difficile, on l’a mal vécu.
Est-ce pour cela que vous avez renoncé à votre poste d’entraîneur après votre nomination? Il faut savoir que c’est très dur sur le plan mental de cumuler. On partage son temps entre le travail quotidien au club et la sélection parce qu’il faut aussi « switcher » parfois. C’est une expérience que je ne revivrai pas, je pense. Je crois que c’est incompatible. Après, je ne regrette rien. Quand les résultats vont, c’est masqué. Mais c’est un parcours semé d’embûches. Aujourd’hui, je ne retiens que le positif.
Vous avez quand même manqué l’apogée de votre sélection, ce huitième de finale contre le Cameroun à la CAN… Et j’en ai pleuré dans ma chambre à Garoua. J’étais isolé en raison de la Covid, comme certains membres du staff et de l’équipe. J’ai suivi avec mon téléphone. C’est dur. Mais je suis fier de ce que les joueurs ont accompli. Du coup, aller chercher un quart en CAN, ce serait le rêve pour moi.
Revenons à votre arrivée sur le banc mauritanien, précédée de votre départ des Comores…J’ai démissionné après la CAN. Mais j’avais annoncé cette démission à mes proches bien avant de partir à la CAN. Je leur avais dit que c’était mon dernier tour de manège. Huit ans sur un banc, il y a un phénomène d’usure. Quand on bâtit un projet comme celui des Coelacanthes, c’est très éprouvant, notamment sur le plan familial. Après, je voulais partir sur une bonne note, que l’on conserve une bonne image de mon passage. J’ai tout donné pour cette sélection. Une page se tourne, mais j’ai toujours mon pays dans mon cœur.
Du coup vous étiez libre. Mais pas forcément la Mauritanie qui comptait un sélectionneur, Didier Gomes Da Rosa, lequel n’a ensuite pas été rappelé par la FFRIM après la CAN d’ailleurs… C’est là que l’on vous sollicite ? C’était dans les tuyaux. Mais je dois préciser que j’avais également d’autres offres sur la table, pour des sélections nationales ou des clubs. Personnellement, je préférais reprendre une équipe nationale. La FFRIM a fini par m’approcher. Comme je connais bien le pays pour être coach du club champion, je savais que je ne risquais pas de partir en terre inconnue. J’aime travailler sur la durée, je ne me vois pas bosser 3 ou 6 mois quelque part.
Vous êtes arrivé avec quelles idées ? J’ai plutôt dans l’idée de construire quelque chose. Et pourquoi pas, de passer un cap avec une équipe qui a pas mal souffert à la Coupe arabe des nations puis à la dernière CAN. Il y a un potentiel ici. On a récupéré une équipe malade, un groupe décimé, où il n’y avait plus de cohésion, plus rien… Il a fallu faire un diagnostic, échanger avec les gars. Faire en sorte de retrouver de la joie de vivre mais aussi les placer devant ce qu’ils avaient fait à la CAN, à partir d’images.
Quelle est votre feuille de route ? Une qualification pour la prochaine CAN avec les A, et jouer le CHAN avec les locaux. Pour les A, ça signifie de restructurer un groupe. Remettre rigueur et discipline, avec des règles de vie. Je veux que la sélection redevienne une famille. Les gars savent que ceux qui n’acceptent ces règles sortiront du cadre. Je les ai vite repris de volée !
Vous avez débuté fin mars avec un tournoi organisé à Nouakchott, dont vous avez remporté les deux matches… Ca s’est très bien passé ! Le tournoi mis sur pied par le Président Yahya a permis de faire une opération séduction. On a réussi face à deux belles nations, le Mozambique (2-1) puis la Libye (2-0). L’équipe a fait forte impression en marquant quatre buts, avec de nouveaux joueurs.
Parlez-nous justement de cette première liste… Nous ont rejoints les frères Ba, Lamine et Elhadji, de Guingamp. On a également appelé un nouveau gardien, Niasse, qui évolue en 1 portugaise à Tondela. Enfin, Ibrahima Keita, un latéral droit de 2001 est venu apporter sa jeunesse et sa qualité. Il évolue à Bobigny en N2 française. Devant son énorme potentiel, je n’ai pas hésité à le titulariser. Il a fait deux gros matches. Par ailleurs, j’avais aussi des joueurs que je connais bien, ceux que je dirigeais au FCN, Soueid, Tanjy, Bodda et Dellahi, qui ont participé à la dernière CAN. Ce sont des « soldats ». Globalement, je n’ai pas noté de différence majeure entre les locaux et les expatriés.
Petite parenthèse : votre vécu avec les Comores a dû vous aider pour assembler ce premier groupe… Clairement, ça nous a permis d’aller plus vite. Le diagnostic nous a permis de voir qu’il y avait des manques à certains postes, d’où l’appel à ces garçons. Et les joueurs que j’ai ramenés ont répondu à 100%, à l’exception d’Elhadji Ba, blessé. Le peuple mauritanien était fier et a apprécié.
Le fait de débuter par deux succès, en attendant la fenêtre internationale de juin et le début des éliminatoires de la CAN 2023, a fait du bien… Ça a reboosté tout le monde ! Maintenant, on a une qualification à aller chercher. L’important était de mettre en place le projet et de leur expliquer ce que j’attendais d’eux. On occupe un nouvel hôtel en dehors de Nouakchott, au bord de mer. On a travaillé sur la méthodologie, avec des séances en salle et sur le terrain. La semaine avait été bien planifiée, d’autant que j’avais obtenu qu’on joue le samedi 26 pour pouvoir travailler du lundi au vendredi. A l’arrivée, j’ai pu juger de l’effet et de la capacité sur ce groupe.
L’autre tâche qui vous incombe, c’est aussi la sélection CHAN… Les éliminatoires débutent fin juillet, début août. A mon arrivée, on a fait un premier stage début mars avec une liste élargie de35 joueurs. Il y aura certainement des passerelles entre ce groupe et celui des A, notamment pour ceux du FCN dont j’ai déjà parlé. On enchaînera au début du mois prochain avec un stage à l’étranger.
Sur quels aspects allez-vous insister auprès de vos dirigeants ? On a un manager qui effectue un bon travail. Je crois que ce sera sur la communication, à travers des réunions en interne. Il ne faut rien laisser passer, être dans l’anticipation. On a besoin de beaucoup de préparation. Je sais que pour juin, ce sera très compliqué avec des joueurs qui partent en vacances, les fins de contrat, etc. Attention, on est là pour aller chercher une qualification !
Quel est votre état d’esprit du moment ? Je suis ambitieux. Je ne veux pas me contenter de ce que j’ai déjà accompli avec les Comores. Je veux aller plus loin. On a envie de plus lorsqu’on est compétiteur. Alors je regarde devant, je ne vis pas sur mon passé. Les comptes ont été remis à zéro !
Est-ce qu’on peut imaginer prochainement un amical contre les Comores ? Il y en avait déjà eu un, en Tunisie, à La Marsa je crois, lorsque j’étais sur l’autre banc et on avait gagné 1-0 ! Mais pourquoi pas… »
Propos suscités par @Frank Simon