Né à Paris il y a vingt six ans, le défenseur axial franco-tunisien Aymen Belaid possède déjà un parcours de vieux briscard. Formé au Paris FC, il a déjà joué en Tchécoslovaquie et en Tunisie. Aujourd’hui, il poursuit sa carrière au Levski Sofia. Un club historique du football bulgare. Auteur d’une saison personnelle aboutie en dépit d’une défaite injuste en finale de la Coupe, l’international tunisien reconnaît qu’il est à la croisée des chemins d’une carrière qui pourrait être plus brillante.
Comme êtes-vous arrivé dans cette région de l’Europe un peu “declassée” en matière de football de haut niveau ?
C’était une une opportunité professionnelle comme une autre. Après l’Etoile du Sahel, j’avais besoin de rebondir.Un ami, qui connaît le football bulgare, a parlé de moi au Levski Sofia. Ils ont très vite été intéressé par mon profil. Même si j’ai dû passer par le Lokomitiv Sofia ( NDLR, il n’y est resté que 9 semaines) pour des raisons d’effectif complet au Levski.
C’était un voyage en terre inconue pourt vous quand même ?
Evidemment, je ne connaissais pas le football bulgare. Mais je pensais qu’en étant formé et bien formé en France, j’étais apte à tenter toutes les aventures.
Vous ne redoutiez pas de disparaître des radars à l’heure où tout passe par la communication et l’image ?
Je sais une chose: il y a toujours plusieurs chemins pour atteindre un objectif et viser l’excellence. Après, tout dépend de la volonté et du travail que l’on met en oeuvre pour y arriver. C’est un peu ma philosophie.
Et aujourd’hui quel est votre statut au sein du groupe?
Je n’ai raté qu’un match cette année. Et dans un club ou l’effectif change énormément au départ de chaque saison, je suis l’un des plus anciens. Et d’après les informations que j’ai pu avoir sur le mercato estival, il y a de fortes chances qu’à la rentrée je devienne le plus ancien (rires)
Comment jugez-vous le niveau de la Ligue 1 bulgare. En tout à l’aune des championnats que vous connaissez bien (France, Tunisie) ?
Je considère que le niveau est intéressant. Cela s’explique par la composante des équipes d’abord: la plupart sont un étonnant mélange de jeunesse – joueurs bulgares surtout – et d’expérience parfois revancharde. Nombre de joueurs étrangers, il y en a jusqu’à 5 ou 6 par équipe, sont en quelque sorte en situation de vouloir prouver qu’ils méritent mieux. Le métissage de la compétition et l’envie décuplée de certains donnent un vrai intérêt au championnat. En plus, quatre ou cinq clubs participent à la course au titre. Des équipe comme le Levski Sofia ou le Lokomotiv jouent devant de bonnes affluences.
Cela ne ressemble-t-il pas à ce qui se passe dans les pays du Golfe , l’argent en moins, avec de joueurs en fin de carrière ou en situation transitoire ?
Non, je ne le pense pas. Tout simplement, parce qu’ici, comme en Tchécoslovaquie ou en Roumanie, il y a une forte culture foot . Une vraie passion.
Qui se manifeste comment ?
Par des oppositions historiques entre certains clubs. Par la vie de tous les jours au club. Prenons le cas du Levski où je suis depuis deux ans: sa dimension on la mesure par la couverture médiatique locale et la pression que mettent les supporters quand les résultats ne sont pas là.
La fin de saison a été douloureuse pour vous: vous avez perdu la finale de la coupe contre Cherno More après prolongation…
(Visiblement déçu). Ne m’en parlez pas ! Ce fut un scénario catastrophe. Pour moi d’abord, puisque je quitte mes coéquipiers après trente minutes sur blessure. Pour le groupe ensuite: nous avons dominé comme ce n’est pas possible.Nous avons des barres et des poteaux, nous menons au score, on se fait rejoindre dans le temps additionnel avant de se faire battre à l’issue sur le fil. Nous avions tout misé sur cette coupe au point de lâcher du lest en championnat. Résultat, nous sommes fanny.
Le mercato ouvre officiellement le 1er juillet. Quels sont vos projets. Vous poursuivez avec le Levski ou avez-vous des envies d’alleurs ?
Il me reste un an de contrat. J’ai rendez-vous la semaine prochaine avec mes dirigeants. Ils ont des propositions à me faire. Sans doute qu’ils souhautent que je reste. De mon côté, j’ai quelques exigences à formuler et, surtout, je souhaiterai savoir quels sont les projets des dirigeants pour le club. Et quelles ambitions nourissent-ils ?
En clair, vous n’écartez aucune piste ?
Evidemment, dans ce métier on ne doit jamais dire jamais. Je crois que je suis à la croisée des chemins. Je dois choisir entre une voie qui pourrait me proposer beaucoup d’argent, histoire d’assurer mes arrières, et la voie de la performance qui m’inciterait encore à faire de efforts pour monter d’une marche. Je pense être plus attiré et beaucoup plus près de la voie de la performance.
Un retour en France est donc une possibilité…
Je n’ai aucun contact aujourd’hui. Je ne peux pas faire n’importe quoi. Je ne quitterai pas forcément le Levski pour la Ligue 2 française pour prendre cet exemple.
Même pas pour le Paris FC, votre club formateur et de coeur, qui vient de renouer avec le haut niveau ?
(Ferme) J’adore le Paris FC. Comme vous le dites c’est bien le club de mon coeur. Et avec tout le respect que je lui dois, le Paris FC ne fait pas partie de mon projet.
Vous avez joué une saison à l’Etoile du Sahel, quel souvenir en gardez-vous ?
(Hésitant). De bons souvenirs, mais aussi un final au goût amer. Des choses se sont mal passées, alors qu’il n’ y avait aucune raison qu’elles se passent mal. Mais bon, cela fait partie de l’expérience de la vie professionnelle. Il faut parfois s’en accomoder.
Restons sur le football tunisien: le pays est souvent partagé entre deux entités envahissantes. Dans ce pays on est soit clubiste soit espérantiste. Et vous, vos faveurs allaient vers qui?
(Enthousiaste et taquin )Le Club Africain. Dans ma famille:parents et grands parents sont traditionnelement pour l’Espérance. Alors, par esprit de contradiction, j’ai choisi le Club Africain.
Les jours de matches devaient être sacrément animés à la maison ?
(Rires) Vous ne pouvez imaginez à quel point ! Aujourd’hui que mon frère y évolue (ndlr depuis une saison), j’ai encore plus de raison d’être un fan du Club Africain. Leur récent sacre en Ligue 1 me fait beaucoup plaisir.
Parlons de votre poste: vous évoluez comme un défenseur axial, mais il vous arrive de dépanner à gauche…
Cela m’arrive.Ma formation, ma préférence font que j’aime l’axe. Mais je pense avoir une vraie polyvalence. J’ai même fait des incursions au coeur du jeu, avec une prédilection pour le poste de milieu offensif.
C’est un bel avantage pour un joueur ?
( Ferme). Je n’en suis pas certain. Etre polyvalent peut signifier aussi que vous êtes nulle part. A force de dépanner vous ne savez plus où vous en êtes.
Vous êtes un jeune défenseur, à un poste où l’accomplissement arrive vers la trentaine: quels sont vos points forts et dans quels domaines avez-vous des progrès à faire?
Je pense sincérement avoir bénéficié d’une bonne formation en France, tant au niveau du placement que de la relance. Mon expérience dans des clubs tels l’Etoile du Sahel ou le Spartak m’a permis de bonifier ce potentiel. Et puis, il y a mes qualités naturelles: je suis grand de taille (1m87), suis solide dans les duels, assez rapide et pas maladroit techniquement. Maintenant, je sais que je dois encore travailler pour être capable de mieux gérer les situations de stress qu’il arrive de traverser au cours d’un match.
Puisqu’on parle du poste de défenseur axial, que vous inspire les progrès remarquables de votre compatriote Aymen Abdennour ?
(Sa voix s’éclaircit subitement). Ça me fait plaisir. Je suis vraiment heureux de ce qui lui arrive. Ce n’est que justice. Aymen est un travailleur acharné. Grâce à ça, il a pu mettre en valeur ses nombreuses qualités naturelles. Il est puissant, intraitable dans les duels, il va vite, très vite pour un défenseur. Non, je ne suis vraiment pas surpris par l’envol de sa carrière.
Il est un exemple pour vous ?
Oui bien sûr! Mais c’est également l’homme que je respecte. Aymen estun ami. On a joué ensemble en sélection depuis les moins de 17 ans. C’est un gars ouvert sur les autres. Toujours à l’écoute.
La Tunisie a souvent eu de bons défenseurs en particulier dans l’axe. Vous avez une explication ?
Peut-être. Il y a d’abord une formation défensive de qualité, au niveau tactique et technique. Que ce soit en France ou en Tunisie. Et puis, il y a la mentalité du Tunisien. Il a faim et ne lâche rien. On le voit avec l’équipe deTunisie qui a toujours bien défendu dans les compétitions internationales même si elle a souvent pêché sur le plan offensif.
La sélection de Tunisie vient d’entrer en stage pour préparer le premier match des éliminatoires de la CAN 2017 contre Djibouti. Sans vous. Un pincement au coeur?
Bien sûr. L’équipe nationale est importante pour tous les joueurs.
Vous n’avez pas reçu la visite de membres du staff technique de la sélection depuis que vous êtes à Sofia ?
Non. Je n’ai pas d’explication. Mais cela ne m’empêchera pas de continuer à travailler dans l’ombre, afin d’être prêt si l’on fait de nouveau appel à mes services.
Ce samedi aura lieu la finale de la Champions League européenne. Vous êtes Barça ou Juventus?
Le Barça n’est pas ma tasse de thé. Leur jeu m’ennuie comme ce n’est pas possible. Moi, je suis à fond pour le Real Madrid. Et puis, en France, je suis un fan assumé du Paris SG.
Pour finir que vous inspire l’affaire qui secoue la FIFA avec notamment la démission de son président Sepp Blatter? Cela vous intéresse ?
(Sérieux) Bien sûr. C’est notre “maison mère” en quelque sorte. Je ressens du bonheur et un espoir raisonnable. Personnellement, je ne suis pas surpris de la tournure prise par les événéments. Cela dit, il faudra attendre pour savoir si le changement va être profond ou de façade.
Profil
Aymen Belaid
Né le 2 janvier 1989 à Paris, France
Taille : 1, 87 m
Poste : défenseur axial ( dépanne en latéral gauche)
Clubs successifs : Paris FC, FC BanikMost et AC Sparta Prague (Tchécoslovaquie), Etoile du Sahel (Tunisie), Lokomotiv Plovdiv etLevski Sofia (Bulgarie)..
International tunisien: 8 sélections chez les Espoirs , 2 chez les A
Propos recueillis par Fayçal CHEHAT