Après cinq années passées dans le Golfe, l’ancien international ivoirien formé à l’académie de l’ASEC est de retour en Europe. C’est en L2, au Paris FC, que le désormais trentenaire termine sa carrière pro. Retour sur le parcours exceptionnel d’un joueur à l’immense talent, et à la gentillesse proverbiale. Rencontre.
« Baky, on vous avait quitté à Marseille, en juin 2010. Vous voici désormais en Ligue 2 française, dans l’anonymat du Paris FC, un promu en grande difficulté. Pourquoi ce retour après tant d’années passées entre le Qatar et les Emirats ?
J’ai considéré que j’avais accompli là-bas tout ce que je pouvais. Et surtout, j’avais cette envie de revenir pour continuer à prendre du plaisir dans mon métier, comme je l’ai toujours fait auparavant.
Quand, comme vous, on a joué successivement à Al-Gharrafa Doha (QAT, 2002-2003), Lekhwiya (QAT, 2010-12), Qatar SC (2012-13), Umm Salal (QAT, 2013-14) puis Ajman Club (EAU, 2013-15), les offres ne doivent pas manquer pour demeurer sur place ?
Effectivement, j’ai reçu des offres de clubs du Golfe. Et même d’ailleurs ! Mais quand cette opportunité de signer au PFC s’est présentée, j’ai choisi en connaissance de cause d’accepter ce challenge. Ce n’est pas facile, j’en conviens. Certains peuvent dire qu’à 34 ans, on en a assez vu et fait, moi j’ai toujours cette passion, cette envie de jouer, de toucher le ballon. Et de transmettre à mon tour aux plus jeunes ce que j’ai appris, ces conseils et l’expérience aussi. Je donne le meilleur de moi-même, sur et en dehors du terrain. Après, « mektoub ».
Vous êtes d’abord « retapé » du côté du Havre, autre club historique du football français, avant de faire un essai concluant au PFC…
J’étais resté un long moment sans jouer, je me suis donc remis en forme là-bas. Merci au HAC au passage de m’avoir accueilli. En France, j’ai retrouvé un frère, qui est à Nice, et ma sœur, qui vit sur Paris.
Au Paris FC, c’est donc un Baky « grand frère » qui essaie de participer au maintien en L2…
Je me suis un peu attribué ce rôle là. Et je suis content de le faire. Je ne le vis pas comme une contrainte, je le fais spontanément. Vous savez, j’ai reçu une « éducation » à l’Académie et c’est ce que j’ai envie de partager ici.
Au Paris FC, vous n’avez encore jamais été titularisé. C’est compliqué ce statut de joueur de banc, appelé à entrer pour éventuellement débloquer une situation ?
Non, j’ai déjà connu cette situation par le passé, je ne découvre rien. Je me tiens prêt, je donne tout pour être dans le onze de départ. Etre joueur, c’est accepter ce mode de fonctionnement. Après, la décision est celle de l’entraîneur et je la respecte, quelle qu’elle soit. On est 25, il ne peut pas faire plaisir à tout le monde ! Il est là pour aligner la meilleur équipe possible et gagner des matches.
Revenons sur votre parcours dans le Golfe. Cinq ans, ce n’est pas rien dans une carrière qui a commencé en 1999 à l’ASEC d’Abidjan…
Cinq ans oui ! C’est d’abord et avant tout un choix de carrière que j’ai bien vécu. Un choix d’homme et de personnes. Le challenge, quand j’ai quitté l’OM, c’était d’aller au Qatar dans une équipe en construction.
C’est à dire…
Eh bien, je me souviens qu’au début, on s’asseyait à même le sol, on n’avait pas un vestiaire en tant que tel. Le club venait tout juste de monter en D1 et on a fini champion. J’ai même été désigné meilleur joueur cette saison-là. On a encore terminé champion (2011 et 2012, NDLR). Là-bas, j’ai côtoyé des joueurs de L1 française comme Aruna Dindané, le Marocain Abdeslam Ouaddou, et quelques Français venus de Valenciennes. C’était un bon mélange.
Et le staff technique ?
L’Algérien Djamel Belmadi était notre entraîneur, et il y avait à ses côtés un super staff, dont un entraîneur de gardiens de but qui était passé par Sochaux.
Qu’est-ce que cela vous a apporté au plan personnel ?
Lekhwiya m’a permis de faire partie d’une aventure, celle de la construction d’un club à la base. Aujourd’hui, il possède son stade et son centre d’entraînement. Je me dis que modestement, j’ai contribué à ce projet-là. On a été des pionniers en quelque sorte. Aujourd’hui, je suis toujours en contact évidemment avec les gens connus sur place. Le football, c’est un métier de défis et de rencontres.
C’était comment de jouer dans ces championnats qatariens et émiratis ?
Quand on est étranger et que l’on est bien payé, la pression est importante. Très importante même ! Vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir un coup de moins bien, car les dirigeants ont vite fait de vous trouver un remplaçant. C’est comme ça, il faut en être conscient. Je l’ai vécu, il faut être performant en permanence. Cela ne m’a pas dérangé.
Pour vous, rien n’a jamais été facile depuis que vos débuts à l’Académie Mimosifcom, puis à l’ASEC d’Abidjan…
Je suis très heureux d’avoir reçu cette formation avec Jean-Marc Guillou. Et je ne regrette rien de ce que j’ai vécu dans ma carrière. Très jeune, on m’a enterré à cause de ma petite taille. Ca n’a pas été facile à Lorient, où le coach Gourcuff, qui était mon entraîneur à Al-Gharrafa, m’a fait venir en 2003. Je me souviens que négocier avec le président d’alors n’avait pas été chose facile. Tant que je n’étais pas pris au sérieux, ça a été compliqué. Et puis, je suis devenu meilleur joueur et meilleur buteur de L2. Et là, les choses ont été différentes ! Le rapport de force s’est inversé, et j’ai pu faire entendre ma voix.
Vous avez grandi sportivement et humainement auprès de JM Guillou et de Gourcuff, deux hommes qui ont compté dans votre histoire. Avez-vous envie de les imiter en devenant un technicien et un pédagogue du football, à votre tour ?
Je ne sais pas encore. J’ai commencé à prendre tous les renseignements pour effectivement devenir coach. Mais je suis ouvert à tout. Je suis toujours à analyser les choses.
Y compris à poursuivre votre carrière de joueur à l’issue de cette demi-saison en L2 au Paris FC ? Est-ce que vous voyez terminer chez vous, en Afrique ?
Pourquoi pas ? Le retour au pays, ça se fera si possible. Je veux terminer tranquillement. Après, tout dépendra de la façon de faire les choses. J’ai grandi là-bas et j’y retourne toujours avec plaisir. Je me suis déjà entraîné à Sol Béni, le centre de l’ASEC, entre deux saisons, avec les jeunes ou les seniors. Quand j’y suis, j’ai l’impression que je n’ai jamais quitté cet endroit ! Alors oui, quelque part j’espère que j’aurai cette possibilité en tant que joueur ou autre. Le cocon de l’ASEC m’a vu grandir, c’est ma famille.
L’an passé, votre pays a remporté la Coupe d’Afrique des Nations, dont vous avez été finaliste en 2006. Qu’avez-vous ressenti ?
Vous savez que les Eléphants sont venus se préparer à la CAN aux Emirats, à Abou Dhabi. Moi, j’étais à Dubaï et je n’ai pas pu aller les rencontrer. Mais on se parlait régulièrement au téléphone. Quand ils ont gagné, je suivais le match dans un endroit climatisé, et j’ai terminé trempé d’émotion ! Vous imaginez ! J’étais très heureux qu’ils aient remporté le tournoi, en particulier Boubacar Copa Barry, qui est un très grand ami. On se connaît depuis l’enfance à Williamsville, dans les quartiers d’Abidjan, et on partageait la chambre en sélection. Et c’est lui, le gardien remplaçant titularisé pour la finale, qui a transformé le tir au but décisif ! Je leur ai dit à tous : merci, vous nous avez aidé à remporter, à travers vous, cette Coupe. Bravo aussi à ceux dont c’était la première participation ! »
Propos recueillis par @Samir Farasha