La liste des 30 nominés pour le Ballon d’or publiée voici quelques jours par l’hebdomadaire France Football n’a étonnamment pas tenu compte de l’année exceptionnelle de l’Egyptien de Liverpool, pourtant le meilleur joueur actuel du monde arabe. Un oubli fâcheux qui nous a inspiré ce plaidoyer en sa faveur…
Une fois encore, l’Europe est la grande gagnante de la liste des trente nominés pour le Ballon d’or édition 2017. Une liste élaborée par la rédaction en chef de l’hebdomadaire réputé France Football, établi à Paris. Deux tiers des joueurs listés sont européens. Sans surprise, en vérité. Les années sans Euro ou Coupe du monde, la Ligue des champions d’Europe a toujours prévalu dans l’élaboration de la liste des candidats. De même, le Real Madrid champion d’Europe y est sur-représenté. L’Amérique du Sud et latine convoque à peine huit joueurs, dont Cavani, Falcao et Neymar. Quant au continent africain, qui s’est souvent contenté de la portion congrue, ils ne sont que deux à s’immiscer dans ce duel Euro-sud américain : le Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang (Dortmund) et le Sénégalais de Liverpool Sadio Mané. L’Asie, et plus largement le monde arabe, sont définitivement oubliés de cette liste mise en ligne au compte-gouttes sur le site de l’hebdomadaire, selon un scénario très précis lundi passé, digne des plus grandes dramaturgies. Mais sans surprise dans les grandes lignes, mise à part l’absence du cador égyptien auquel France Football avait d’ailleurs consacré un large entretien en janvier dernier, au moment de la CAN. On avait tôt fait d’interpréter ce signe comme une marque d’intérêt et de respect pour cet immense talent, dans la lignée d’un Abou Treika, son aîné et mentor. Nous nous sommes donc fourvoyés.
A l’heure de la mondialisation absolue du football, on espérait un peu, beaucoup du côté de la rédaction de 2022mag que la perle Mohamed Salah (Liverpool et AS Roma jusqu’en juin dernier) ferait donc partie des trente élus. Par mérite, à défaut d’être le plus connu du lectorat de FF.
D’abord, parce que ce dernier a été, plus que le Camerounais Christian Bassogog – étrangement récompensé par la CAF- le meilleur joueur de champ de la dernière CAN remportée par les Lions indomptables aux dépens de l’Egypte (2-1). A quelques minutes près, nous avons la certitude que le trophée aurait dû revenir au natif de Basyoun, et que la CAF l’a finalement donné à Bassogog par défaut là encore, puisque le Cameroun s’est imposé dans les ultimes secondes (2-1) sur un but… d’Aboubakar.
Ensuite, parce que Mohamed Salah a réalisé une deuxième saison et année quasi parfaite à l’AS Roma. Quinze buts et onze passes décisives en Serie A (contre 14 buts la première saison et une pelletée de passes décisives), une place de vice-champion quatre points seulement derrière la Juventus de Turin et de demi-finaliste de la Coupe nationale. Et finalement, un seul bémol, le parcours en Ligue Europa arrêté au stade des huitièmes par Lyon. A la lueur de son parcours en club, Salah méritait autant sa présence que le buteur belge Dries Mertens, par exemple. Qui doit sa place à sa collection de buts plus qu’à son palmarès vierge de toute récompense collective en 2017.
France Football a, en outre, volontairement ignoré l’influence majeure exercée par le milieu offensif égyptien Salah chez les Pharaons vice-champions d’Afrique. Plaque tournante de son équipe nationale, buteur ou passeur décisif, tout simplement cerveau d’un onze très pragmatique mis en place par l’Argentin Hector Cuper, Salah a claqué cinq buts en sélection, dont un doublé magistral contre le Congo, qui a ouvert les portes de la Coupe du monde 2018 à l’Egypte, après vingt-sept ans d’attente.
Malheureusement, ceux qui ont élaboré la pré-liste n’ont pas tenu compte des derniers matches éliminatoires de Coupe du monde, alors que l’on se souvient, dans un passé pas si lointain, que les organisateurs avaient décalé le délai d’envoi des votes lorsque le Portugais Cristiano Ronaldo avait réalisé un fabuleux quadruplé en barrages de la Coupe du monde…
De même, le Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang doit uniquement sa présence à ses buts en Bundesliga (31 en 2016-17, déjà 10 dans l’exercice 2017-18) alors qu’il n’a remporté qu’une Coupe d’Allemagne avec Dortmund. Maigre, bien maigre. Sans parler de ses performances avec le Gabon, éliminé de « sa » CAN dès le 1er tour et éliminé de la course au Mondial 2018.
Quant au Sénégalais Sadio Mané, dont le talent est incontestable et incontesté, le coéquipier de Mohamed Salah depuis cet été a été longtemps blessé après son retour de la CAN (élimination en quart) où il n’a brillé que par intermittences. Tenu éloigné des terrains anglais par une blessure au genou d’avril à août, il doit donc sa présence à quatre mois seulement de compétition et huit buts en Premier League sous le maillot de Liverpool en 2017, plus une poignée en sélections… Une fois encore, France Football est évidemment souverain dans ses choix, y compris les plus contestables. Mais il est regrettable que l’Egyptien Salah, qui n’a souffert d’aucune blessure de longue durée et surtout, qui a accumulé les matches européens, nationaux et internationaux sans discontinuer, n’ait pas été cité. Parce qu’il le méritait amplement. FF, historiquement plus enclin à choisir des « buteurs » plutôt que des passeurs, lui a préféré en club Edin Dzeko, le Bosnien meilleur réalisateur de Serie A et de Ligue Europa. Qui n’aurait pas autant marqué avec la Roma sans cette relation exceptionnelle tissée avec Mohamed Salah, son principal pourvoyeur…
Parce qu’à 2022mag, on considère Salah comme un acteur d’avenir (il n’a que 25 ans, après tout), on espère que ce joueur épargné par les graves blessures, et dont la régularité constitue un atout indéniable, poursuivra sur sa lancée en 2018. Avec Liverpool où il a déjà marqué 4 buts en Premier League, deux en Ligue des champions et un en Ligue Europa – soit plus que Sadio Mané… – et pourquoi pas lors du Mondial en Russie. Une performance exceptionnelle des Pharaons (qualification pour les huitièmes, voire les quarts) rehaussée par le rôle de catalyseur de Mohamed Salah, serait forcément de nature à lui valoir la reconnaissance mondiale que FF, qui a enfanté le Ballon d’or, lui a refusée. Et pourtant, ce n’est pas anodin de le rappeler, ce talent identifié par les plus grands clubs d’Europe a contraint Liverpool à débourser 42 millions d’euros pour s’adjuger les services de l’ancien joueur d’Arab Contractors (EGY), du FC Bâle (SUI), de Chelsea (ANG), de la Fiorentina (ITA) et enfin, de la Roma (ITA)…
@Samir Farasha