Quadruple champion du Qatar, l’ancien joueur formé au PSG est devenu un technicien réputé et respecté en l’espace de huit ans. Une reconversion réussie qui lui a même valu d’être considéré pour le poste de sélectionneur d’Algérie qu’il a décliné. Portrait de l’homme qui monte, sur la scène arabe.
Onze longueurs d’avance sur son dauphin. Dix neuf succès, trois nuls et zéro défaite. 86 buts marqués. Les deux meilleurs buteurs de la Qatar Soccer League – Youssef El-Arabi et Youssef Msakni. Une victoire en Coupe du Prince mais aussi une qualification assurée pour la finale de la Coupe de l’Emir programmée contre Al-Rayyan samedi prochain. Et déjà, une probable qualification en poche pour les quarts de finale de la Ligue des champions d’Asie. Al-Duhail (autrefois connu sous le nom de Lekhwiya) se porte bien.
Et si la formation qatarie domine en ce moment la scène nationale, elle le doit autant à la qualité de son effectif, véritable constellation de talents et d’internationaux, qu’au management de son entraîneur, Djamel Belmadi. A 42 ans révolus, celui qui fut un « club-trotter » durant une carrière de joueur étirée sur quinze saisons (PSG, Marseille, Cannes, Celta Vigo, Manchester City, Al-Ittihad, Al-Kharitiyath, Southampton, Valenciennes) a su donner une véritable identité de jeu à son club.
Lorsqu’il met un terme à sa carrière de joueur en 2009, l’international algérien décide d’embrasser presque immédiatement le métier d’entraineur. A l’été 2010, Lekhwiya lui offre sa première expérience. Le club, connu en tant que El-Shorta Doha, vient juste de monter parmi l’élite du football qatari et change de nom. Emmené par l’Ivoirien Baki Koné (ex-Marseille et Nice), Lekhwiya remporte le championnat pour la première fois de son histoire, cinq points devant Al-Gharafa.
Coup d’essai, coup de maître !
Pour une première, c’est un coup de maître ! Belmadi récidive la saison suivante et conserve la couronne nationale cette fois devant El-Jaish. Cette saison-là, les techniciens d’expérience ne manquent pas puisqu’au coup d’envoi de la saison, cinq Français (Alain Perrin, Bernard Simondi, Gérard Gili, Laurent Banide, Pierre Lechantre) se présentent pour tenter de ravir le titre à Belmadi.
Les choses se compliquent au cours de la première partie de saison 2012-13. Plombé par des mauvais résultats, Belmadi démissionne le 8 octobre 2012, il est remplacé par le Belge Eric Gerets qui terminera vice-champion derrière Al-Sadd. Une période d’inactivité d’un peu plus d’un an débute alors pour lui, jusqu’à ce que la fédération qatarie (QFA) ne lui confie la direction d’une équipe nationale B pour prendre part à la WAFF Cup (championnat d’Asie de l’ouest) organisée début janvier 2014 par le Qatar.
Cette expérience voit le Qatar remporter tous ses matches, contre la Palestine, l’Arabie saoudite, le Koweit et la Jordanie en finale (2-0). Le pays hôte n’encaisse qu’un but. Ali Asad (QAT) est désigné meilleur joueur du tournoi et Boualem Khoukhi (Algérien naturalisé Qatari) termine meilleur buteur. Cette première victoire en WAFF Cup, historique, vaut immédiatement à Belmadi d’être listé pour le poste de sélectionneur du Qatar A.
Coup d’arrêt en Coupe d’Asie
C’est lui qui succède à Fahad Thani en mars 2014. Il ne perd qu’un seul match (amical) durant cette année : face au Pérou (0-2). En novembre 2014, il part disputer la Coupe du Golfe des nations en Arabie saoudite. Une compétition qu’il remporte aussi aux dépens du pays organisateur (2-1 en finale) grâce encore à un but décisif de Khoukhi. Le Qatar de Belmadi devient alors, aux yeux des observateurs, un outsider très crédible pour la conquête de la Coupe d’Asie des nations que le pays doit disputer en Australie à partir de janvier 2015.
Mais l’expédition sur l’île-continent tourne à la déroute. Belmadi perd ses trois matches de poule, respectivement face aux Emirats (4-1), au Liban (1-0) et Bahrain (2-1). Un terrible échec synonyme d’élimination au premier tour. Un an et un mois après avoir été nommé, il est démis de ses fonctions juste avant le début des éliminatoires de la CM 2018.
Lekhwiya n’a pas oublié celui qui avait fait du club une puissance respectée du football national et, moins de deux mois après son limogeage, Belmadi revient sur le banc de son club de cœur, où il succède au Danois Michael Laudrup, qui n’a pas souhaité prolonger. L’Algérien ne décroche que la 4e place. La saison 2016-17 sera celle d’une nouvelle consécration, tant pour Lekhwiya que pour Djamel Belmadi, qui remporte son troisième championnat grâce à son goleador marocain Youssef El-Arabi et à un passeur hors pair, le Coréen Nam Tae-hee. A l’issue de cette saison, El-Jaish (4e) fusionne avec Lekhwiya qui est rebaptisé Al-Duhail SC. Mais il conserve l’histoire d’El-Shorta Doha, son appellation originelle.
La saison de tous les triomphes
Cette saison est déjà celle de bien des triomphes, on l’a vu. Champion 2018, Al-Duhail a remporté la Coupe du Prince et s’apprête à disputer la finale de la Coupe de l’Emir. En parallèle à son parcours national, Duhail montre certaines ambitions en Ligue des champions d’Asie. Il y a quelques jours, Belmadi et ses poulains ont facilement dominé Al-Aïn (Emirats) chez lui en huitièmes de finale aller (4-2). Les Qatariens menaient même 4-0 jusqu’à la 68e minute.
Du coup, tout le Qatar rêve aujourd’hui d’un sacre de son club-phare. Le dernier titre remporté par un club qatari remonte à celui d’Al-Sadd en 2011. Lekhwiya a été éliminé en huitièmes l’an passé par Persépolis (IRN), et au même stade en 2016 par El-Jaish. Dans quelques jours, Belmadi et son groupe emmené par Ali Almoez, l’un des joueurs qui montent à Duhail, seront en lice pour un triplé national inédit. Econome de ses mots, le technicien algérien a salué la performance de son équipe, vainqueur 1-0 d’Al-Sadd en demie de la Coupe de l’Emir trois jours à peine après son succès face à Al-Aïn et quatre avant le match retour.
En octobre dernier, alors que l’Algérie se cherchait un nouveau sélectionneur, une fois l’élimination pour le Mondial 2018 consommée, Belmadi a été évoqué pour remplacer l’Espagnol Lucas Alcaraz. Les membres du Comité exécutif de la FAF ont en effet proposé son nom au président Kheireddine Zetchi. C’est finalement Rabah Madjer qui a été rappelé pour un nouveau mandat, Belmadi ayant visiblement décliné l’offre.
Un destin pour 2022 ?
A 42 ans, il est bien difficile de présager l’avenir du technicien Belmadi. Extrêmement discret sur le plan médiatique, l’homme se livre peu. Travailleur, méthodique et consciencieux, il compte déjà une palanquée de titres, tous glanés au Qatar avec la sélection ou avec Lekhwiya/Duhail. Envisage-t-il pour autant une carrière hors du Golfe ? On peut l’imaginer. Son expérience de sélectionneur du Qatar, terminée sur une élimination précoce à la CAN asiatique, l’a-t-elle convaincu de ne plus goûter aux joies du poste ?
Ambitionne-t-il de revenir sur le banc qatari en vue du Mondial 2022 ? il est bien trop tôt pour le penser. Son avenir, on l’a compris, se situe sur la scène asiatique. Alors que son club a un pied et demi en quart de finale de la Ligue des champions d’Asie, il peut rêver d’une couronne continentale qui lui ouvrirait les portes de la Coupe du monde des clubs. Entré jeune dans la carrière, la suite de son aventure professionnelle dépend aussi de sa capacité à gérer sa fraîcheur mentale, dans un contexte de pression permanente, résultats obligent.
@Samir Farasha