Actuellement en poste à Oman, à Al-Oruba de Sour, le chevronné technicien français a accepté de se raconter en exclusivité pour 2022mag. Un entretien à cœur ouvert avec ce grand voyageur du football africain et arabe. Première partie de cette interview.
« Bernard Simondi, bonjour ! Pour planter le décor, on aimerait connaître les circonstances qui vous ont amené à passer de la carrière de joueur professionnel à celle, plus compliquée, d’entraîneur…
Tout ça remonte à 1986. J’étais alors en fin de contrat à St Etienne. Je venais de subir une opération et le président André Laurent m’avait alors demandé de m’occuper de la réserve stéphanoise, qui évoluait en D3, tout en restructurant au niveau de la formation. Comme je possédais mon BE2, j’étais donc en mesure de coacher. Je précise que j’étais entraîneur-joueur et qu’on a réussi un parcours intéressant : 17 matches sans défaite !
Pourtant, votre aventure à l’ASSE ne s’est pas prolongée, puisque vous avez pris une direction inattendue pour l’époque…
Effectivement ! Robert Herbin, l’entraîneur historique de l’ASSE, venait de recevoir une offre d’Arabie Saoudite et s’apprêtait à devenir le premier Français à exercer là-bas, alors que les Brésiliens étaient déjà bien positionnés sur place. Comme il appréciait visiblement mon travail avec la D3, puisqu’il venait me suivre, et comme il me connaissait bien, j’ai accepté de partir à ses côtés. Pour entrer dans le métier d’entraîneur, ce n’était pas une mauvaise porte !
Racontez-nous les circonstances de ce départ !
J’ai emmené avec moi Hervé Gauthier, qui fut mon coéquipier à Laval. On s’est trouvé à l’ambassade à Paris puis dans un hôtel en compagnie d’un Cheikh qui était le patron du club. On signe nos contrats et là, on s’aperçoit que Christian Duraincie est aussi présent ! Proche de Herbin, il venait avec nous en qualité d’adjoint. Sur place, on a trouvé un stade ultra moderne avec deux terrains d’entraînement, etc. Il y avait absolument tout pour toutes les disciplines hors football.
A quoi ressemblait votre vie d’expatrié sur place ?
On logeait au stade, dans un hôtel. Tous les stades étaient quasiment à l’identique. On avait peu à faire, à part s’entraîner. On pratiquait toutes les activités sportives et c’était sympa. Les difficultés rencontrées étaient surtout liées à la langue. Mais on ne manquait vraiment de rien. Dans notre équipe, on avait des étrangers mais la star des stars était Majid Abdallah, notre avant-centre. C’était exceptionnel car il n’y en avait que pour lui. Quand on gagnait, souvent, à la réception d’après-match le seul joueur adulé était Majid. Il avait des privilèges, un accès open auprès des princes. Des paris étaient pris entre les différentes familles à l’occasion de ces matches. S’ils étaient satisfaits, ils offraient parfois des voitures de grandes marques aux joueurs ! Majid avait plusieurs voitures. Il n’a jamais quitté le pays mais il n’avait aucun intérêt puisqu’il était considéré comme le meilleur. A côté de ça, on avait des activités, on se baladait dans le désert, on pique niquait dans des coins perdus entre les dunes. On côtoyait les Français sur place, et j’ai même retrouvé un Toulonnais sur place qui était l’attaché culturel à Riyadh, et qui m’a ouvert des portes. Ca a duré huit-neuf mois. Ca été un peu turbulent sur la fin mais cela reste extraordinaire !
Par la suite, vous avez essentiellement travaillé en France jusqu’au début des années 2000. Vous sembliez bien partis pour continuer…
Sauf qu’après mon passage à Créteil, en L2, j’ai encore opté pour l’expatriation. J’ai eu cette opportunité de diriger une équipe nationale africaine, la Guinée. Mon effectif était composé de 22 joueurs basés en Europe. C’était nouveau pour moi, je changeais en quelque sorte de métier. C’est une nation qu’on porte, je devenais en quelque sorte le porte-parole. Je m’étais donné pour mission une qualification pour la Coupe du monde et pour la CAN 2002 au Mali, mais également un objectif avec les U20 la Coupe du monde à Trinité et Tobago. Nous avons atteint la finale de la CAN U20 aux Seychelles. Malheureusement, on connait la suite : pour des divergences extra sportives, on a été disqualifié de toutes compétitions. J’en parle avec nostalgie. Nous avions accompli tous nos projets. Ca reste une belle expérience.
A la lecture de votre long et copieux CV, on s’aperçoit que vous avez souvent transité entre l’Afrique et les pays arabes.
C’est exact, j’ai essentiellement travaillé dans les pays africains et dans les pays du Golfe. Après la Guinée, je suis parti au Bénin où j’ai été à la fois sélectionneur et DTN, avec à la clé la qualification pour la CAN 2004. On a également obtenu la CAN U20. Ensuite, il y a eu des divergences entre la fédé et le Ministère et j’ai décidé de partir précipitamment. J’ai poursuivi dans un grand club africain, l’Etoile du Sahel. J’ai laissé le club à la 2e place, avec une victoire sur l’ Espérance de Tunis, alors que cela n’était plus arrivé depuis deux ans. L’équipe était qualifiée pour la phase finale de la LDC et en finale de la Coupe de Tunisie. C’est là que j’ai décidé de retourner en Afrique subsaharienne, où j’ai pris le Burkina Faso. Avant de revenir en France à l’AC Ajaccio où j’ai travaillé avec Ruud Krol.
Et là, c’est le retour dans un pays qui fut votre premier à l’étranger !
Oui, je suis reparti en Arabie Saoudite, à Al-Fayçali. Après cette mission, j’ai enchainé en dirigeant l’ES Sétif (ALG) avec laquelle j’ai remporté la Ligue des champions arabes. J’ai été désigné meilleur entraîneur de la compétition, en reconnaissance de mon travail. J’ai ensuite pris la direction du Qatar. Dans un premier temps, j’ai coaché Al-Karitiyath, qui avait des difficultés à se stabiliser en D1. Je suis resté quasiment cinq ans dans ce pays. Durant cette période, on s’est toujours maintenus. Après ça, on m’a confié la direction de la sélection national U23, dans l’optique des Jeux olympiques 2012 à Londres, objectif qu’on a réussi à décrocher avec brio. Je suis reparti dans un club qatarien, le Ahli, pour une fin de championnat. J’ai finalement décidé de quitter le Qatar après un dernier coup de main à Al-Kharitiyath. J’ai accepté une offre du CS Constantine, en Algérie, où ont surgi des problèmes internes. Du coup, j’ai pris la direction de la JS Saoura, un autre club algérien, avec lequel nous étions deuxièmes du championnat. A la suite d’un match perdu en déplacement, le président m’a limogé. Immédiatement après, l’USM Alger m’a nommé directeur technique, j’avais en charge le recrutement de joueurs, et je suis fier des talents que j’ai dénichés pour l’USMA.
Vous avez dirigé en Tunisie et en Algérie, mais vous avez dû patienter avant de partir au Maroc, vers 2016-17…
J’y suis allé parce qu’on m’a demandé de sauver l’OC Khouribga de la relégation en D2, chose qu’on a bien réussi. Sur la deuxième partie du championnat, on se classait même à la cinquième place. Et me voici désormais à Ol-Orouba, à Oman, pour la découverte d’un nouveau pays et d’un nouveau championnat.
Qu’avez-vous retenu de ces différentes aventures ?
Ce que j’ai retenu de tout ça, ce sont des expériences enrichissantes, avec des problèmes différents rencontrés selon les pays, selon les clubs, un football différent aussi. J’ai dû apprendre à m’adapter, à construire. J’ai amené la formation française dans ces pays-là… »
Propos recueillis par Samir Farasha
La suite de l’entretien vendredi.