Les Fennecs tenteront ce soir de remporter au Caire leur deuxième couronne continentale, après celle de 1990. Sur le chemin, les attend un Sénégal, grand favori de cette 32e édition, qu’ils ont battu en phase de poule (1-0), en quête lui d’un premier sacre africain.
Voilà. Dans quelques heures, les Fennecs version 2019 disputeront le match de leur vie. Celui qui doit les porter vers le titre de champions d’Afrique après lequel l’ Algérie court désespérément depuis 1990 et son sacre à Alger aux dépens du Nigeria.
C’était dans un autre siècle et depuis, combien de fois n’a-t-on pas lu et écrit qu’El-Khadra partait dans la peau d’un favori de la CAN ? Combien d’échecs, d’éliminations précoces, de défaites et de changements de techniciens, avant de retrouver l’avant-scène du football africain ?
Cette fois, c’est peut-être la bonne. D’abord parce que l’Algérie façonnée par Djamel Belmadi est la définition même de l’équilibre. Equilibre dans le jeu, offensif certes mais discipliné défensivement. Equilibre entre une fine technique, la marque du football algérien, et puissance athlétique, ce qui est quelque peu nouveau de ce point de vue. Equilibre enfin au plein mental, et c’est l’un des progrès les plus importants constaté avec cette belle génération Mahrez.
Pour arriver jusqu’à cette finale du Caire, l’Algérie a réalisé un sans-faute : trois victoires en poule et aucun but encaissé, dont un succès important dans la construction de cette épopée contre le Sénégal dès la deuxième journée (1-0). Ensuite, des qualifications en huitième (Guinée 3-0), quart (Côte d’Ivoire, 1-1 et tirs au but) enfin demie (Nigeria 2-1). Deux buts encaissés en six rencontres. C’est un de plus que le Sénégal.
L’équipe parfait trouvé par Belmadi
L’Algérie a séduit en alternant jeu offensif et gestion des rencontres, quand le besoin de récupérer se faisait sentir. Elle a trouvé, on l’a dit, le parfait équilibre au milieu avec un binôme Guedioura-Bennacer, écoeurant d’efficacité dans son registre, à la récupération puis à la relance.
Et puis, à mesure qu’elle avançait dans le tournoi, on a vu émerger le talent d’un Belaïli que l’Espérance de Tunis aura bien du mal à conserver. Concernant l’attaquant extérieur gauche de l’Algérie âgé de 27 ans, on peut d’ailleurs parler de rédemption, lui qui fut contrôlé positif à la cocaïne et qui n’a jamais paru aussi fort, aussi sûr de son football qu’à l’occasion du grand festin panafricain.
Et puis, s’il faut aussi évoquer les gardiens du temple dans cette sélection, on ne peut pas oublier de citer Raïs M’bolhi. Le gardien de but algérien (33 ans) paraît avoir atteint lui aussi son meilleur niveau. Il a été instrumental dans ce parcours, avant et pendant la compétition. Nulle faute de main ou de relance, une sûreté dans les interventions et un calme rassurant.
Et comme l’Algérie dispose d’un Riyad Mahrez qui est monté en gamme tout au long de cette CAN, on se dit, en se projetant dans quelques heures, qu’il ne peut rien arriver à cette équipe qui mérite certainement d’être couronnée au pied des pyramides.
Sauf que le football, et l’histoire de la discipline est là pour nous le rappeler, n’est pas une science exacte. Entre le succès en phase de poule et cette finale, de l’eau a coulé sous les ponts du Nil et le Sénégal, la meilleure nation africaine au classement FIFA (22e mondial), n’a plus encaissé le moindre but. Et remporté tous ses matches depuis les huitièmes sur la plus petite des marges.
Ses détracteurs parlent d’un parcours minimaliste, d’un tournoi moins bien maîtrisé sur le plan collectif. Vraiment ? Ils évoquent aussi un tableau moins compliqué (Ouganda, Bénin, Tunisie) que celui de l’Algérie. Attention !
Porté par Sadio Mané et Idrissa Gana Gueye, le Sénégal d’Aliou Cissé est lui aussi en mission, animé par un sélectionneur qui a déjà goûté à l’amertume d’une finale perdue. C’était en 2002 à Bamako et Cissé portait le brassard de Lions de la Teranga battus aux tirs au but par le Cameroun.
Cissé, qui avait raté sa tentative, s’était ensuite promis de tout faire pour aider son pays à remporter la CAN, y compris en devenant sélectionneur. Le voici au pied d’une montagne à gravir, face à son ami Djamel Belmadi. Les deux hommes sont nés à 24 heures d’intervalle et ont grandi en France dans la même ville de banlieue (Champigny-sur-Marne). Ils ont porté le même maillot (PSG) mais à une période différente. Et surtout, ils sont revenus travailler dans leurs pays respectifs avec la réussite qu’on leur connaît aujourd’hui. Belmadi n’a perdu qu’un match officiel avec l’Algérie, à Cotonou contre le Bénin, en éliminatoires de la CAN 2019. En place depuis 2015, Cissé, a contrario, a beaucoup appris de ses défaites. Elimination en quart de la CAN 2017 sans perdre (contre le Cameroun), élimination cruelle au 1er tour de la Coupe du monde en Russie au fair-play (nombre d’avertissements reçus).
Le Sénégal a beaucoup appris de ses défaites
Tout à l’heure, il ne sera plus question de ce passé récent. L’Algérie sera sans doute portée par 15 à 20 000 supporters, venus d’Europe et d’Algérie. Un véritable pont aérien a été déclenché pour permettre aux supporters de soutenir leur équipe.
Le Sénégal pourra s’appuyer sur son bruyant et festif douzième Gaïndé. Tous ceux qui se passionnent pour cette affiche, artistes, hommes politiques, journalistes et passionnés, convergeront vers Le Caire pour vivre le vrai sommet de cette 32e édition. Un sommet rêvé, logique.
Taquins moqueurs, les Algériens sourient à l’idée de décrocher cette deuxième étoile continentale en terre égyptienne. Les relations entre les deux pays n’ont jamais été au beau fixe, c’est un secret de polichinelle. Et l’histoire récente des confrontations entre Egyptiens et Algériens reste marquée par une violence inutile et barbare, comme lors des éliminatoires de la CDM 2010, qui avait vu l’Algérie s’imposer lors d’un barrage inoubliable à Khartoum (1-0) devant des Pharaons anesthésiés.
Allez, on espère, pour la beauté du football et de cette CAN 32e du nom – qui devra beaucoup en termes d’image à l’apport de l’Algérie sur le plan du jeu – que la finale tiendra ses promesses. Qu’elle ne sera ni trop hermétique, ni même ennuyeuse. Que les deux formations joueront crânement leur chance et offriront du spectacle. Que l’arbitrage du Camerounais Sidi Alioum ne sera pas partisan mais juste, non biaisé par le VAR.
Depuis la qualification en demie, dimanche soir, voilà cinq jours que Sénégalais et Algériens se préparent à cette échéance, malgré des absences de part et d’autre (Kalidou Koulibaly suspendu pour le Sénégal, Youcef Atal blessé pour l’Algérie). Alors, que la fête soit belle dans la nuit cairote et que le meilleur gagne cette « finale de gala », ainsi que la définit le quotidien français L’Equipe.
@Samir Farasha et Fayçal Chehat