C’est à Oran, en plein CHAN algérien, que nous avons retrouvé fin janvier le technicien insulaire. Né Corse, cette île de Beauté qui lui procure son équilibre mais citoyen du monde, désormais coach du Niger A, Jean-Michel s’est livré à nous au cours d’un entretien où il a évoqué pour 2022MAG ce football arabe qu’il connaît depuis les années 1990. Rencontre avec un Monsieur du football arabe et africain.
Jean-Michel, vous êtes l’un des entraîneurs français pionniers dans le football arabe. Comment se retrouve-t-on à 34 ans pour une première expatriation en Arabie saoudite, en 1993-94 ?
Ecoutez, Al-Nassr, qui est aujourd’hui le club d’un certain Cristiano Ronaldo, c’était effectivement ma toute première expérience loin du football français.
Une vraie découverte sur le plan de l’expatriation, principalement sur le plan culturel. Au-delà de l’aspect sportif, j’ai été complètement séduit par ce changement de vie. Et ce, malgré certaines contraintes technologiques de l’époque.
Songez que je n’avais qu’un contact par mois avec la famille. Je ne vous cache pas que c’était assez difficile car j’étais jeune marié et déjà papa de deux enfants.
Au-delà de mon parcours, j’ai conservé le contact avec le fils de mon Président, Abderrahman Ben Saoud. L’ancien Consul d’Arabie Saoudite en France que j’avais connu à l’époque est aujourd’hui retourné en Arabie Saoudite. Il est membre du comité directeur du club.
Trois ans plus tard, après un passage au LOSC, vous faites un nouveau crochet en Arabie saoudite, cette fois au Riyad SC. Comment s’est passé ce retour dans le pays ?
C’est un retour qui a généré beaucoup de nostalgie parce que j’avais réussi mon premier passage avec un titre. A l’arrivée, cela reste un très mauvais souvenir.
J’avais fait venir Philippe Vercruysse, l’ancien international français, mais cela s’est extrêmement mal terminé. Comme j’étais son « sponsor », c’est-à-dire la personne qui l’avait fait venir, ça m’a coûté ma place.
Fort heureusement, le sélectionneur des Bleus en 1997-98, Aimé Jacquet, s’était rendu en Arabie saoudite pour superviser la Coupe des Confédérations. J’ai pu m’appuyer sur lui pour pouvoir quitter le pays car c’était chaud !
Il faudra attendre près de neuf ans pour vous retrouver de nouveau dans un pays du football arabe, l’Algérie. En 2006, après l’Italie, vous signez en tant que sélectionneur des Fennecs. Comment ça s’est fait ?
Grâce à Jean-Michel Bénezet qui se trouvait au tirage au sort de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne à Munich.
Le Président de la FAF à l’époque, Mr Amir Haddadj, voulait un entraîneur issu de l’école française. Bénézet m’a recommandé, le tout validé par Michel Platini !
Cela c’est fait en cinq minutes chrono, au téléphone et en direct ! C’était la fin du terrorisme mais la situation était toujours un peu tendue.
Racontez-nous ces mois passés à la tête de l’Algérie avec notamment des matchs prestigieux. Ca s’est terminé comment ?
Le fait de débuter par un succès et la 1ere place en éliminatoires de la CAN 2008 m’ont placé dans les meilleures conditions.
Et puis j’ai affronté successivement en matchs amicaux l’Argentine de Messi, Milito, Zanetti and co, puis le Brésil de Ronaldinho de Kaka, Ballon d’or, Maicon, etc. Quelle aventure !
Il y a tellement de choses à raconter autour de ce double évènement. Un jour peut être ! Ça c’est terminé un peu par ma faute, je le concède.
On voulait continuer avec moi mais de façon différente. J’ai refusé mais j’ai eu tort, j’étais trop jeune dans ce nouveau métier où il faut tant d’expérience. Je suis passé sans doute à côté d’une phase finale de CDM.
La saison suivante, c’est le Wydad, et le championnat marocain…
Je vais passer volontairement très vite sur cet épisode. Le WAC, c’est un très grand club… que j’ai dû quitter alors que j’avais conduit l’équipe en finale de la Coupe Arabe des clubs.
Ce sont les mauvais côtés du football. J’aurais bien des choses à raconter sur les circonstances. Une autre fois peut-être !
Il faudra attendre 2014 pour vous retrouver de nouveau dans un club arabe, le MC Oran.
Le Mouloudia d’Oran est tout simplement devenu avec le temps, mon club de cœur. J’y ai connu la réussite. Imaginez : quand je débarque, il est dernier mais on remonte et on rate de peu le titre de champion !
On s’est qualifié pour la Coupe Afrique après 25 ans de disette grâce notamment à l’un de mes anciens « lieutenants » en sélection, Abderaouf Zarabi.
Le Président Ahmed Belhadj « Baba » est un homme magnifique, devenu par la suite un grand Ami personnel.
Après l’Algérie, vous enchaînez avec le Hilal Omdurman, au Soudan. Puis l’USM Alger, un deuxième passage au MCO puis l’Egypte à l’Ittihad Alexandrie…
Que ce soit avec le Hilal ou avec l’USMA ? j’ai accumulé beaucoup de souvenirs, principalement en Ligue des champions d’Afrique où il fallait être performant.
Ce qui caractérise Hilal et USMA, c’est une grosse pression qui va de pair avec une grande passion. Quant à l’Ittihad Alexandrie, j’ai connu un président-gentleman. C’est rare !
Dernièrement, les gens du club sont venus me rendre visite lors de mon match avec le Niger contre l’Égypte. Une belle émotion, ça veut dire qu’on a laissé une bonne image, non ?
Après ça, vous effectuez un nouveau retour au MCO, en 2019…
C’est très simple : je suis venu à la rescousse de mon ami dont le club était alors en difficulté sur le plan sportif. On s’est sauvés (NDLR : le MCO terminera 10e et consommera quatre entraîneurs cette saison-là. Cavalli restera trois mois pour cette mission).
Janvier 2023, la boucle est bouclée. Vous voilà de retour en Algérie, mais cette fois en tant que sélectionneur du Niger A et conseiller du Mena local. Quelle relation avez-vous tissé avec l’Algérie et sa population ?
C’est exactement le mot : la boucle est bouclée ! Comment ne pas être à Oran, cette ville qui m’a accueillie à bras ouverts tant d’année !
L’accueil a été extraordinaire, respectueux. Ce pays est devenu ma terre promise et celle d’un grand cœur. On m’y a baptisé « Cocho » ! Mais bon, pour la demi-finale de CHAN entre l’Algérie et le Niger (5-0 pour les Fennecs), j’étais évidemment derrière le Mena !
J’ai retrouvé sur le banc algérien Madjid Bougherra, dont je fus le sélectionneur. C’est un de mes élèves en quelque sorte, et quel bel élève. J’ai beaucoup de fierté à le voir s’épanouir dans ce métier ».
Propos recueillis à Oran par @Frank Simon