Cinq ans après avoir opté pour le maillot des Lions de l’Atlas, l’ailier droit du Deportivo de la Corogne est sacré par la CAF Meilleur joueur du continent. Une récompense qui doit beaucoup à ses performances exceptionnelles avec le Maroc…
A quarante-quatre ans –il les a fêtés le 16 novembre – Mustapha Hadji demeure une icône révérée du football arabe, africain et bien entendu marocain. Mouss a déboulé par surprise dans le paysage des Lions de l’Atlas en 1993, alors qu’il évoluait à l’AS Nancy-Lorraine. Convoqué chez les Espoirs français, le natif d’Ifrane choisit de prendre à contre-pied les Bleus et rejoint l’équipe du Maroc, alors en stage en France. Elle doit affronter la Zambie pour un match décisif et Hadji veut participer à cette confrontation qui va ouvrir les portes de la Coupe du monde 1994 à son pays. Quatre ans plus tard, Hadji et le Maroc font partie du paysage international. Mouss a quitté la Lorraine pour le Sporting du Portugal le temps d’une saison avant de rejoindre le Deportivo La Corogne (POR) tandis que la sélection fait confiance à l’expérimenté Henri Michel.
L’équipe nationale, qui fait place à de nombreux jeunes talents – Saber, El Hadrioui, Rosi, Chiba, Chippo – encadrés par Hadji et le boss Nourredine Naybet, s’est qualifiée pour la Coupe du monde en France 1998, après avoir écarté le Ghana. Elle a également validé son billet pour la CAN 1998 au Burkina Faso. Certains observateurs ont tôt fait d’évoquer les chances de ce Maroc d’être titré à Ouagadougou.
En attendant, Hadji et les Lions, qui sont installés à Bobo Dioulasso, débutent doucement le tournoi : un nul contre la Zambie (1-1), avant de se débarrasser d’un faible Mozambique (3-0). La troisième et dernière rencontre de cette poule met aux prises, au stade municipal de Ouaga, les deux cadors de ce groupe D : l’Egypte et le Maroc. La rencontre est peu spectaculaire, voire ennuyeuse. Un nul suffit à l’Egypte pour terminer seule en tête. Sauf que le Maroc a lui aussi l’intention de terminer en tête, pour éviter la Côte d’Ivoire de Robert Nouzaret. A la 89e, Mustapha Hadji, à la réception d’un centre venu de la droite, s’élève plus haut que tout le monde et effectue un ciseau acrobatique – la fameuse bicyclette – qui surprend Nader El Sayed. Le ballon finit sa course dans la lucarne, Hadji vient d’inscrire le but du tournoi. Le Maroc finit en tête, mais va devoir affronter en quart de finale rien de moins que le champion sortant, l’Afrique du Sud, qui avance jusque-là masquée : deux nuls contre l’Angola et la Côte d’Ivoire et une victoire 4-1 contre la balbutiante Namibie.
Cinq jours plus tard, à Ouaga, Benni McCarthy, le (co)meilleur buteur de la CAN ouvre la marque mais Saïd Chiba, l’un des proches de Hadji, égalise avant la mi-temps. Après l’heure de jeu, Henri Michel remplace Hadji par le puissant Ahmed Bahja. Une mauvaise inspiration puisque David Nyathi offre le but de la victoire aux Bafana Bafana (2-1) quelques instants plus tard. Le Maroc et Hadji quittent prématurément la compétition dont ils faisaient partie des outsiders. De retour en Espagne, Hadji retrouve la Liga, un pain quotidien qui ne lui apporte que peu de satisfaction puisque La Corogne va terminer douzième à 25 longueurs du Barça, sacré champion. Puisque son club ne lui permet pas de vivre des heures intenses, Hadji va tout miser sur les Lions de l’Atlas. Lui comme pas mal de ses coéquipiers sont des familiers du championnat français, d’autres rêvent d’une carrière en D1. Et Henri Michel est un technicien reconnu en France, dont il fut le sélectionneur des Bleus (1985-89).
Leader technique et charismatique
Quelques jours avant le coup d’envoi de France 98, Hadji a été l’un des animateurs du Tournoi Hassan II, ultime répétition avant la phase finale de la Coupe du monde. Le 10 juin à Montpellier, Hadji ouvre la marque contre la Norvège d’une frappe superbe du droit après une course folle et gratifie le public d’une superbe prestation (2-2). Quatre ans après sa première apparition en Coupe du monde, Mouss est devenu l’un des cadres de cette équipe, et chacune de ses accélérations, chacun de ses dribbles, font frissonner le Maroc de plaisir. Six jours plus tard à Nantes, c’est au tour du Brésil de défier ce Maroc que rien n’effraie. La marche est pourtant trop haute. Ronaldo, puis Rivaldo et Bebeto viennent rappeler à Hadji et ses amis qui sont encore les champions du monde en titre. Le 23 juin à Saint-Etienne, une ville qui compte beaucoup pour Mouss, puisqu’il y a vécu avec sa famille avant de partir pour Montceau puis Creutzwald, l’aîné des frères Hadji va livrer contre l’Ecosse un match d’anthologie, à la hauteur d’ailleurs de ses coéquipiers (3-0). Il offre le deuxième but à Hadda « Camacho ». Le Maroc est éliminé, après la victoire (2-1) de la Norvège sur le Brésil. Mais l’équipe a brillé, séduit les observateurs et les clubs européens. Hadji, à 27 ans, est le leader offensif charismatique de l’équipe, tout comme l’est Naybet avec le brassard.
Cinq mois plus tard, la Confédération africaine, réunie au Caire, décide d’élire le Marocain meilleur joueur du continent. Avec 76 points, il devance de deux longueurs seulement le génial Jay-Jay Okocha, qui a propulsé le Nigeria en huitième de finale. Sunday Oliseh termine à la troisième place. Il est le premier Marocain récompensé depuis Ahmed Faras en 1975. Un an plus tôt, il a fait partie de l’équipe africaine montée par la CAF qui a battu l’Europe (2-1) à Lisbonne lors d’un inoubliable Méridien Cup. Il a même marqué à cette occasion. Le 6 février 1999, Hadji débarque en Côte d’Ivoire à Abidjan pour y recevoir son trophée. Le Marocain est présenté au public du stade Félix Houphouet-Boigny le 7 février à 15h avant le coup d’envoi de la Supercoupe d’Afrique opposant l’ASEC (CIV) à l’Espérance de Tunis. Autour de lui, des dizaines de paires de jeunes yeux fixent ce dribbleur impénitent. Ce sont ceux des « Académiciens », qui s’apprêtent à jouer le tout premier match de leur histoire. Qui sait si « Mouss » n’a pas été l’un des inspirateurs des Aruna Dindane, Baky Koné et autres Zezeto ?
A 44 ans, Mouss reste viscéralement attaché au football. Mais surtout, à l’équipe nationale qui lui a permis de vivre, jusqu’en 2004, des heures intenses et de grandes compétitions. Il est tout simplement l’adjoint du sélectionneur Badou Zaki et a récemment fêté son jubilé à Agadir.
@Samir Farasha