« Issame Charai, vous vous apprêtez à affronter deux fois le Brésil ces prochains jours en matchs de préparation à Fès. Quel est l’objectif de ce premier rassemblement post-CAN 2023 ?
L’idée, c’est de continuer sur ce qu’on a fait. Ce n’était pas facile mais on a écrit l’histoire : les joueurs ont réalisé quelque chose de grandiose en remportant la CAN U23, qualificative au tournoi olympique. Six joueurs faisant partie du groupe sont actuellement chez les A.
Ca fait plaisir, c’est aussi la finalité de notre travail de les voir rejoindre la sélection. On a des anciens et des nouveaux dans le groupe du moment. Et cela va fournir une opportunité à certains de se montrer pour intégrer le groupe qui sera à Paris.
Depuis que j’ai débuté dans mes fonctions, j’ai supervisé 98 joueurs. Sur le groupe actuel, on a quinze « anciens » et dix nouveaux. J’ai fait appel à des garçons qui ont disputé le dernier tournoi U20 de Toulon.
Parlez-nous de votre relation avec le sélectionneur des A, Hoalid Regragui, qui vous « pique » des joueurs régulièrement ?
On a une très bonne entente. On discute bien ensemble. J’en profite d’ailleurs pour le remercier car il a été un soutien permanent pour le groupe et l’encadrement pendant la CAN U23. Il était présent chaque jour aux entraînements et aux matchs.
Les U23 sont l’avenir de la sélection et il a montré qu’il s’y intéressait beaucoup. Je suis heureux qu’il y ait cette communication entre lui et nous, c’est important la continuité des U23 aux A. Je sais que c’était un problème par le passé, notamment pour les binationaux.
Ils ne voyaient pas vraiment l’évolution, ils ne se projetaient pas sur la suite. Maintenant, ils ont la vision d’un projet global à travers les exemples de Richardson, Saibari, Khanouss et les autres.
Outre le sacre en U23, vous avez qualifié la sélection pour le tournoi olympique. Vous serez à Paris avec quelle ambition ?
On n’y va pas pour participer : notre statut a changé depuis la victoire. Nous sommes champions d’Afrique et on va assumer ce rôle. On aura beaucoup de supporters en France à cette occasion.
Nous sommes pleinement conscients de la responsabilité qui nous incombe, c’est pourquoi nous allons nous préparer du mieux possible afin de rendre fiers le peuple marocain, Sa Majesté et bien sûr le président Fouzi Lekjaâ.
Repartons un instant à l’époque des préparatifs de la CAN U23 au Maroc. A peine nommé, vous auriez dû en principe conduire les U23 locaux au CHAN en Algérie mais les circonstances en ont décidé autrement…
Effectivement, et on s’est d’ailleurs préparé pour cette échéance du CHAN, on a eu des stages et disputé des matchs dès mon arrivée en novembre 2022. Mais ça ne s’est pas fait.
Dommage. Mais un sélectionneur doit être flexible et on a donc poursuivi notre tâche. C’est ainsi que j’ai eu la chance de voir sur le terrain 98 joueurs potentiels. J’ai très vite rassemblé beaucoup d’informations sur le niveau de nos joueurs, leurs postes, etc. Ca m’a permis d’avoir une idée très précise de nos forces.
Permettez-moi de remercier la FRMF qui a fait en sorte que je vois tous ces joueurs. J’ai recueilli un tas d’infos dans une courte période de temps. On a monté un groupe combatif pour la CAN. Et Dieu merci, cela a parfaitement fonctionné.
Passons maintenant à la préparation du tournoi Paris 2024. Comment l’avez-vous imaginée ?
Il y aura des stages en septembre, octobre et novembre, trois rassemblements fixés donc aux dates FIFA. Je le répète, on va travailler dans la CON-TI-NUI-Té. Techniquement, tactiquement.
Après ça, j’espère bénéficier de sept matchs sur trois mois. Il importe d’avoir la meilleure idée possible de l’effectif. Mais à partir de mars 2024, on va réduire le nombre de joueurs. C’est dur mais je rappelle qu’on n’aura droit qu’à 18 éléments à Paris, au lieu des 26 de la CAN.
On va devoir s’adapter. Aux joueurs de se montrer pour être là ! On aura début 2024 deux rassemblements et des matchs avant de débuter la compétition. Rendez-vous donc le 24 juillet 2024 ! On attend aussi le tirage au sort.
Evidemment, je cherche d’autres adversaires que des africains pour nos matchs de prépa. On veut se tester contre une adversité européenne, asiatique et sud-américaine, ce qui sera le cas le 7 et le 11 contre le Brésil.
Revenons maintenant sur les circonstances de votre arrivée. Après votre carrière de joueur, vous avez été « numéro deux », adjoint à Al-Faisaly en Arabie saoudite et puis en Belgique. Comment devient-on le boss des U23 marocains ?
Vous avez raison, j’ai fait dix ans comme adjoint, j’ai passé tous mes diplômes et à un moment, j’ai eu envie de passer entraîneur principal. Mais je n’ai jamais reçu d’offre de projet qui me corresponde vraiment.
Ce projet, c’est très important quand on débute en coach principal. J’ai donc dû attendre ce moment-là. La fédération (FRMF) a ciblé le profil d’un entraîneur pour les U23.
Et Chris Van Puyvelde, le directeur technique, m’a ensuite appelé pour me parler du projet U23. Ca s’est fait en à peine trois jours !
Je suis très fier d’avoir été retenu pour ce poste. A titre personnel, je suis Marocain de Belgique, né en Belgique. Mais une fois avec la sélection, nous sommes tous Marocains ! Et je connais bien les petites différences avec ceux de la diaspora. C’est magnifique.
Dernièrement, j’ai envoyé un message à ceux qui sont montés en A pour la première fois. « Rendez-nous fiers ! » Je suis désormais basé au Maroc, à Rabat, avec mon épouse et mes trois enfants. Et c’est formidable de travailler pour son pays.
Pour terminer, évoquons maintenant de votre style de jeu. Certains disent que vous êtes plutôt un pragmatique, pour un ancien attaquant…
Le but, c’est d’évoluer. On est la sélection qui a marqué le plus de buts lors de la CAN U23. Il y a toujours cette volonté d’aller de l’avant et de marquer.
Mais en même temps, il faut que les joueurs soient capables de changer de système tactique en cours de match. Et on l’a fait à plusieurs reprises à la CAN U23. Nous sommes flexibles. Et c’est ce qui nous rendra plus forts.
Nous nous adaptons aussi aux profils des joueurs dont on dispose pour jouer en un contre un. L’important à mes yeux, c’est que tout le monde connaisse sa tâche. Et qu’on soit disciplinés.
On a vu les A lors de la dernière CDM au Qatar. J’ai d’ailleurs montré ça à mes joueurs. Savoir produire du jeu offensif mais aussi être rigoureux défensivement. Il faut trouver l’équilibre en permanence ».
Propos recueillis par @Frank Simon