Jeune entraîneur algérien en devenir, mais dont l’expérience internationale commence à prendre de l’épaisseur puisqu’il a déjà entraîné la Linguere de Saint-Louis, le Stade d’Abidjan et les Bahrainis du Ahly Manama, Djilali Bahloul (36 ans) garde un regard acéré sur l’évolution du football international. Voilà pourquoi son avis sur les développements récents qui ont touché l’équipe d’Algérie, qu’il a bien voulu confier à 2022mag, est intéressant et fort instructif. Morceaux choisis.
Bonjour Djilali Bahloul: Vous avez sans doute suivi les péripéties de l’équipe d’Algérie depuis le départ de Christian Gourcuff en 2016. A quel moment se situe le dérapage de cette belle formation selon vous ?
Le technicien breton avait-il raison de rendre les armes au premier accroc ou contrariété ? Bien sûr qu’il avait raison. Une partie des médias téléguidés ne l’ont pas lâché. À un moment donné, il a compris que ça ne servait à rien de continuer à travailler dans ces conditions. En tout cas pour moi, sa décision était justifiée.
Rajevac, Leekens et Alcaraz, c’étaient des erreurs de casting où le ver était déjà dans le fruit ? Il y avait déjà une cassure auparavant. Je ne pense pas que ce soit une erreur de casting. Ce n’était pas évident pour eux de succéder à Christian Gourcuff qui avait la sympathie et le respect de tous les joueurs.
Que vous inspire par exemple le vrai coup d’Etat dont a été victime le technicien serbe de la part d’une partie du groupe d’internationaux ? Les joueurs avaient tort. Ils devaient juste s’occuper du terrain. Même si on peut les comprendre, car Rajavac n’était pas exempt de tout reproche.
Vous qui avez bourlingué sur le continent noir qu’en est-il vraiment de cette fameuse « allergie » ou « impuissance » des joueurs algériens expatriés à s’imposer face aux gros adversaires africains. Vous y croyez ? Non je n’y crois pas du tout, le football c’est le football. Même si ce n’est jamais évident de jouer en Afrique, l’Algérie a prouvé ces dernières années, avec Vahid Halilhodzic et Christian Gourcuff qu’elle savait voyager en Afrique.
Arrivé à la tête des Fennecs, Il y a six mois , Rabah Madjer est violemment contesté par une partie de l’opinion publique et par la majorité écrasante des médias.Vous comprenez cette hostilité et peut-il tenir longtemps ? Bien sûr que je comprends les critiques contre Madjer. Lui-même a passé ses dix dernières années à critiquer la sélection algérienne et les anciens sélectionneurs, aujourd’hui c’est à son tour.
On lui reproche notamment de ne pas avoir les diplômes pour entraîner. Un argument valable pour un sélectionneur ? Il n’a ni diplôme, ni expérience, ni compétence pour diriger une grande sélection comme l’Algérie. Il n’a plus entraîné depuis 2004. Il a passé une dizaine d’années à critiquer sur les plateaux TV au lieu de se former. Il a oublié que pendant ce temps, le football évolue, et qu’on n’ est plus dans les années 90. Madjer doit tout simplement démissionner.
Avec la nomination de la star du FC Porto des années 80 est revenu sur la table le débat sur la place des joueurs expatriés dans l’effectif de l’équipe nationale et la préférence à accorder aux joueurs locaux. Que pense l’entraîneur que vous êtes de ce débat qui paraît anachronique aujourd’hui ? ? Justement il est là le problème. Aujourd’hui, certaines personnes malintentionnées essaient d’animer un débat qui n’a pas lieu d’être. On doit sélectionner les meilleurs joueurs algériens point barre. Qu’ils jouent dans un championnat européen ou en Algérie. A mon avis, la seule chose que l’on doit doivent demander aux joueurs locaux, c’est d’essayer de se qualifier pour la CHANL. Le reste viendra ou pas en son temps.
Chez les voisins de l’Algérie, Maroc et Tunisie, le sujet semble moins sensible. Et même l’Egypte, qui ne comptait traditionnellement que sur les joueurs locaux, a changé le fusil d’épaule. Dans la dernière liste dévoilée par Hector Cuper il y avait 17 expatriés et 11 locaux…. Le Maroc avait ce problème là par le passé et aujourd’hui ils ont compris que si tu ne sélectionnes pas des joueurs qui jouent dans les meilleurs championnats européens tu ne peux pas exister en Afrique. D’ailleurs les meilleures sélections africaines comptent beaucoup sur les joueurs qui évoluent dans les championnats européens. Pour moi ce débat ne doit jamais exister. Une nation doit sélectionner ses meilleurs joueurs, point.
Depuis deux ou trois ans, l’Algérie souffre énormément sur le plan défensif. Est-ce une question de qualité individuelle, en dépit de la présence de joueurs tels que Mandi et surtout Ghoulam, ou bien est-ce un problème d’organisation tactique ? Ça ne peut pas être un problème de joueurs, quand on voit la qualité des éléments défensifs. C’est surtout tactique.Car je me souviens pas qu’on avait ce problème avec le coach Vahid et Christian Gourcuff
Pour vous quelles est la meilleure équipe arabe et où situez vous l’équipe algérienne actuelle ? Pour moi l’Égypte est la meilleure équipe arabe. Elle a eu une longue traversée du désert, mais elle est revenue. Il ne faut pas oublier qu’elle a été finaliste de la dernière coupe d’Afrique, et qu’elle est qualifiée pour le Mondial 2018 avec la star Mohamed Salah. L’Algérie va revenir c’est sûre, il faut juste avoir un président de fédération fort avec un sélectionneur fort et ça ira. Aujourd’hui c’est ce qu’il manque à l’Algérie.
Croyez-vous que cette génération menée par les Mahrez, Bentaleb ou Brahimi est définitivement cramée en dépit de sa relative jeunesse ? Non je pense pas. Ses joueurs portent ce pays dans leur cœur et l’Algérie les aimes aussi. Le futur sera meilleur. Ils doivent juste faire abstraction des critiques de certains faux journalistes incompétents, et jaloux de cette génération.
Et si vous nous parliez un peu de vous. Des projets en cours après votre départ de Bahrein ? Oui bien sûr. Actuellement, j’étudie quelques propositions venant d’Afriquen du Golfe arabe et du Maghreb. On verra ce que me réserve l’avenir.
Et puisque cette interview est consacrée a l’équipe d’Algérie, avez vous eu un jour des touches avec des clubs algériens ? Effectivement, je suis en contact avec des clubs algériens et Tunisiens. Ça ne me déplairait pas de travailler dans le Maghreb.
Propos recueillis par Fayçal CHEHAT