Dimanche soir, Egypte – Sénégal sera la troisième finale de l’histoire de la CAN entre ces deux nations phares du football africain, après 1986 et 2008. Petit retour sur les deux précédentes.
1986 Au bout du suspens
Organisée par l’Egypte du 7 au 21 mars au Caire et à Alexandrie, la CAN 1986 (15e édition) a vu deux formations se détacher du lot pendant la 1re phase : le Cameroun et le pays organisateur. Chacun a terminé son groupe en tête avant de franchir l’avant-dernière obstacle en demie.
Pour parvenir là, les Lions indomptables, dirigés par un jeune technicien français, Claude Le Roy, ont battu la Zambie et l’Algérie sur le même score (3-2) au premier tour. Seul le Maroc a résisté (1-1). En demi-finale, le Cameroun a difficilement pris l’ascendant sur la Côte d’Ivoire (1-0). Champion sortant et titré deux ans plus tôt à Abidjan, aux dépens du Nigeria (3-1), le voilà fin prêt à défendre chèrement son dû.
Les Pharaons, quant à eux, ont connu un parcours difficile. Ils ont ouvert leur tournoi, devant leur public, par une défaite humiliante (1-0) face aux Lions de la Teranga, œuvre de Thierno Youm (67e). Battus, les joueurs du Gallois Mike Smith n’ont plus le choix : ils doivent impérativement s’imposer pour passer. Deux succès (2-0) face à la Côte d’Ivoire puis au Mozambique et une différence de buts tout juste supérieure (d’un but…) leur permet de terminer en tête devant la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
En demie, le Maroc s’accroche mais Tahar Abouzeid, le chouchou des Cairotes, délivre les Pharaons dans le dernier quart d’heure. En route donc pour cette finale inédite !
Les Pharaons sont favoris, en vertus de leur statut d’hôtes, mais le Cameroun est rajeuni et revitalisé par Le Roy, avec l’apport de nombreux éléments inconnus un an auparavant (les frères Biyik, François Omam et André Kana ; Victor Ndip, Emile Mbouh, Mfédé, Sinkot). Evidemment, quelques anciens champions deux ans plus tôt sont alignés, mais la ligne directrice du Français est simple : du jeu, de la jeunesse, de la vitalité et un état d’esprit à toute épreuve.
Le match en lui-même est un combat. Les Lions Indomptables, défaits par l’Egypte (1-0) lors de la première journée de la CAN 1984, se méfient fortement de ces Pharaons costauds physiquement et prompts à jouer un football britannique, sous l’impulsion de leur sélectionneur gallois. On assiste alors à un véritable choc « culturel » entre une équipe joueuse et une autre, qui préfère un style physique et direct. Le Roy sait qu’il faut alimenter Roger Milla, le meilleur buteur de cette CAN, pour pouvoir l’emporter. Mbouh, M’Fédé et surtout son « Arantès » Mbida, le « frère » de jeu de Milla, essaieront. En vain.
Après le temps règlementaire et la prolongation, qui ne voit pas le score évoluer (0-0), la séance des tirs au but va départager les deux rivaux continentaux. Le déroulé va être terrible : Yehia transforme, imité par Mfédé (1-1). Abdelghani poursuit, Kundé égalise (2-2). Nkono donne alors l’avantage aux siens en détournant d’une main ferme le tir d’Abdou. Mbida a l’occasion d’offrir à son pays l’avantage mais El-Batal stoppe facilement ! Ali Shehata donne le 3-2, mais Milla égalise en force (3-3). Mayhoub redonne l’avantage aussitôt annulé par Aoudou (4-4). Le Zamalkaoui Ashraf Kassem, plus jeune joueur (19 ans) des Pharaons, transforme la tentative d’une frappe dans la lucarne. S’avance alors André Kana Biyik : s’il rate, c’en est terminé : son tir du pied droit à ras de terre fuit le cadre ! L’Egypte est sacrée pour la 3e fois de son histoire, devant son public. L’équipe victorieuse est constituée de huit joueurs du Ahly, dont les vedettes Abouzeid et le vieux « Bibo » Al-Khatib, de trois du Zamalek, de deux du Ghazl Al-Mehalla, dont le futur grand Shawky Gharib. L’intégralité de l’effectif évolue dans le championnat égyptien.
LA FEUILLE DE MATCH
Le 21 mars 1986 au Caire (International stadium),
EGYPTE – CAMEROUN : 0-0 a.p., 5 tab à 4.
95 000 spectateurs. Arbitre : M. Ali Bennaceur (Tunisie).
EGYPTE : Thabet El-Batal – Ashraf Kacem, Mohamed Omar, Hamada Sedki – Rabie Yasin, Ali Shehata, Magdi Abdelghani, Gamal Abdelhamid – Tahar Abouzeid (Tarek Yehia, 46e), Mohamed Al-Khatib (Alaa Mayhoub, 46e). Entraîneur. : Michael Smith.
CAMEROUN : Thomas Nkono – Ibrahim Aoudou, Victor Ndip, Emmanuel Kunde, Isaac Sinkot – André Kana Biyik, Grégoire Mbida, Emile Mbouh, Louis-Paul M’Fédé – Ernest Ebongué (Mamadou Oumarou, 81e), Roger Milla. Entraîneur. : Claude Le Roy.
2008 Le chef d’oeuvre d’Aboutreika
Organisée du 20 janvier au 10 février, au Ghana, la 26e édition de la CAN a pour favoris les champions sortants égyptiens, le pays hôte et la Côte d’Ivoire.
Pour se retrouver en finale, l’Egypte a réussi un parcours digne d’éloges. Une première victoire impressionnante en poule contre le Cameroun (4-2) grâce à deux doublés de Zidan et de Abd Rabo. S’en suit un succès sur le Soudan (3-0) et un nul contre la Zambie (1-1). En quart, l’Angola résiste un peu (2-1). La demi-finale oppose les finalistes de 2006, Ivoiriens et Egyptiens. Mais les Eléphants sont écrasés par le jeu collectif tout en vivacité des Pharaons (4-1).
De son côté, le Cameroun a dû très vite se relever de la claque reçue en poule contre l’Egypte (4-2). Vexés, les coéquipiers de Eto’o cartonnent la Zambie (5-1) avant de démolir le Soudan (3-0). Les voilà en quart face à la Tunisie bien décidée à les écarter. A l’issue d’un match spectaculaire, les Lions s’imposent 3-2. Ils livrent leur match le plus ennuyeux en demie face au Ghana. Dominés, ballottés, ils gagnent 1-0 contre le cours du jeu, alors que les Black Stars ont tout essayé. Voilà le Cameroun de retour en finale pour la première fois depuis Bamako 2002. Et ils ont bien l’intention de se venger de ces Pharaons qui les avaient humiliés 4-2 début janvier. Le match ne connaît pas de round d’observation.
Dès la 7e minute, Hosny teste Kameni sur un coup franc axial que le gardien camerounais, pour une fois en short, capte bien. Geremi lui répond sur un autre coup franc axial, qui oblige El-Hadary à se détendre et à capter en deux fois (19e). Le ton est donné.
Quelques secondes plus tard, sur le contre, les Pharaons se présentent devant le dernier rempart camerounais. Aboutreika a le ballon pour ouvrir la marque mais sa puissante reprise du droit est superbement repoussée par Kameni.
En fin de première période, la domination égyptienne est avérée et Emad Meteab, l’attaquant et buteur maison, bute une nouvelle fois sur Kameni à bout portant (36e). En seconde mi-temps, les Pharaons continuent de pilonner le but camerounais. Une nouvelle frappe tendue des vingt mètres, par Hosny Abd-Rabo, qui sera élu Joueur du tournoi, est repoussée par le jeune gardien (54e). Les Lions indomptables plient mais ne cèdent pas. La chance s’en mêle aussi puisque la tête de Hosny, intenable, vient heurter le poteau de Kameni à l’heure de jeu.
La délivrance intervient sur un énième ballon de contre. Mohamed ZIdan, qui est entré pour la dernière demi-heure, remporte son duel contre deux défenseurs dans la surface (dont Rigobert Song) et glisse du bout de la chaussure à Aboutreika, venu de loin. Ce dernier, au point de penalty, frappe à ras de terre de l’intérieur du pied droit alors que Kameni sort sur lui (76e, 1-0).
Les dernières minutes seront camerounaises et El-Hadary, vif sur sa ligne, doit s’employer par deux fois pour empêcher les Lions indomptables d’égaliser. Les Pharaons décrochent leur sixième titre continental, l’un de plus mérités certainement. Un septième suivre en Angola, deux ans plus tard, avant une absence de sept ans, qui a pris fin cette année au Gabon…
LA FEUILLE DE MATCH
Le 10 février à Accra (Ohene Djan stadium),
EGYPTE – CAMEROUN : 1-0 (0-0).
50 000 spectateurs. Arbitre : M. Coffi Codjia (Bénin).
EGYPTE : Essam El-Hadary – Wael Gomaa, Hani Saïd, Shady Mohamed – Ahmed Fathy, Ahmed Hassan, Hosny Abd-Rabo, Sayed Moawad – Mohamed Aboutreika (Mohamed Fathallah, 90e) – Emad Meteab (Mohamed Zidan, 60e), Amr Zaki (Mohamed Shawky, 85e). Entraîneur. : Hassan Shehata.
CAMEROUN : Carlos Kameni – Geremi Njitap, Rigobert Song, Benoit Angbwa, Timothée Atouba – Joël Epalle, Alex Song (Gilles Binya, 17e), Stéphane Mbia (Modeste Mbami, 65e), Achille Emana (Mohamadou Idrissou, 56e) – Alain Nkong, Samuel Eto’o. Entraîneur. : Otto Pfister.
@Samir Farasha, à Libreville