C’est le 13 Juin prochain à Moscou que l’on saura si le Maroc a réussi à atteindre son Graal, en obtenant l’organisation du Mondial 2026 au détriment de la candidature collective Canada-Etats-Unis-Mexique. Pour y arriver, il aura besoin de réunir au moins 104 voix des 207 membres de la FIFA qui s’exprimeront. En attendant ce jour décisif, Hicham El Amrani, directeur général du comité de candidature, évoque pour nous, dans un entretien exclusif, les atouts que son pays fera valoir afin convaincre le monde.
– Avec les stades que le Maroc a construit depuis 2003, on peut penser que le pays a fait un bon bout du chemin en matière d’infrastructures ?
Tout à fait. Ce qui a été entrepris en 2003 est bel et bien là. De toute façon, ces stades, Tanger, Agadir, Marrakech et Fès, devaient être réalisés indépendamment de la candidature à l’organisation du Mondial 2010. Ils faisaient partie du vaste plan de développement du sport marocain dans toutes ses composantes: jeunes, femmes, compétition de haut niveau…
– Est-ce qu’il en faudra 8 ou 12 pour une compétition à 48 équipes ?
Le cahier des charges nous demande de proposer 14 sites dont 12 seront définitivement retenus par la FIFA.

Vous ne craignez pas, comme cela est arrivé dans certains pays, la Grèce pour les JO 2004 ou le Brésil pour les JO 2016, pour ne citer que ces deux exemples, de vous retrouver avec des cathédrales sportives « fantômes » condamnées à l’abandon une fois l’événement fini ?
Certainement pas. Car nous opterons selon les cas pour des infrastructures modulables.Avec une version Coupe du monde et une autre post- Coupe du monde qui s’adaptera aux besoins des villes et des régions. Il sera possible de faire passer un stade d’une contenance de 40 000 places à 20 000 places par exemple. Cela fait d’ailleurs partie de la nouvelle politique adoptée par la FIFA qui incite voire exige des candidats à adopter un comportement éco-responsable. Ce seront donc des complexes sportifs à offres multiples en mesure d’être transformés également en espaces de vie dont profiteront les populations locales. Comme tous les autres équipements d’ailleurs : moyens de transports, routes, logements…
Ce sera donc un programme basé sur la bonne gouvernance et le respect des normes ?
La FIFA a intégré ces exigences dans le dossier de candidature: capacité modulable des stades, normes de construction respectant l’environnement, respect des droits des travailleurs sur tous les chantiers ouverts.
Et il n’y a pas que les stades, d’autres infrastructures, transports, hébergement, hôpitaux etc. existent où sont déjà en chantier…
Des efforts gigantesques ont été et sont encore entrepris par notre pays dans tous les domaines. Grâce notamment à la vision de sa Majesté Mohamed VI et à l’action du gouvernement, un bond exceptionnel a été effectué ces dernières années qui a vu le nombre de touristes étrangers passer de 4 à 11 millions, le Produit national brut (PNB) multiplié par deux, alors que le réseau routier l’a été par 2,5. Le Maroc possède aujourd’hui de nouvelles routes et des autoroutes, des lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) et 23 aéroports dont 15 internationaux avec une grande capacité d’accueil.

La candidature du Maroc à l’organisation du Mondial 2026 n’est pas bien sûr juste une question de prestige. Elle semble s’intégrer dans un vaste plan de développement économique, social, culturel voire politique ?
C’est la Coupe du monde qui sera en quelques sorte au service du développement national et continental et non l’inverse.Elle peut améliorer, accélerer l’activité économique, sociale et culturelle du pays. Et elle va et doit contribuer à améliorer et à mettre en valeur l’image de marque du Maroc et de l’Afrique. Une image qui repose déjà sur la modernité et la diversité à tous les niveaux. Diversité humaine, civilisationnelle et patrimoiniale. Notre pays est symbolisé par une grande ouverture. Il est solidement ancré en Afrique, en Méditerranée, dans l’aire arabe, mais il fait la place également à une grande proximité avec l’Europe en particulier et le reste du monde en général.
-Vous estimez que c’est un facteur pertinent qui aidera à la sensibilisation des futurs votants, notamment ceux qui représenteront les pays émergents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud ? Ce facteur est pertinent pour le monde entier. Vous pensez que l’organisation d’une Coupe du monde à des coûts raisonnables, respectant l’environnement, conviviale, et contribuant, qui plus est, à la modernisation d’une société et d’un pays et d’un continent, peut laisser insensible ? Elle doit aussi véhiculer des valeurs de tolérance et de respect des peuples du monde entier.

– On a l’impression que les planètes s’alignent pour le Royaume. Entre 2014-2015, lorsque le football marocain s’était vu retirer l’organisation de la CAN 2015 et aujourd’hui c’est le jour et la nuit. Ce renouveau est complété par la performance sportive : quart de finale de la CAN au Gabon, qualification au Mondial russe et puis il y a cette victoire magnifique au CHAN avec l’équipe nationale A’...
Non, il n’y ni miracle ni un déclic en particulier .Nous sommes dans la continuité d’une oeuvre engagée depuis quelques années par toutes les instances dirigeantes :gouvernement, ministère de la Jeunesse et des Sports et par le travail exceptionnel de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) sous la direction du président Fouzi Lekjaa. C’est le résultat de la combinaison de nombreux paramètres, de la mise en place de conditions de travail excellentes et d’objectifs clairement définis. Evidement, la performance sportive qui accompagne ces efforts ne peut que nous aider à renforcer notre dossier.
– Pouvez-vous nous dévoiler les grands axes de votre communication entre la mi-février et le 13 juillet, jour du vote ?
Nous aurons à mettre en valeur nos meilleurs atouts. Notre professionnalisme et l’aptitude – que nous avons montré en de nombreuses occasions – à organiser des ‘événements internationaux d’importance. Et puis, il y a cette passion indéniable des Marocains pour le football. Par ailleurs, nous nous attellerons à montrer que tout plaide en faveur de notre candidature. A commencer par les distances restreintes entre les sites qui permettront aux équipes de produire un jeu de meilleure qualité et aux fans de profiter d’une Coupe du monde ouverte à tous les budgets. Jusqu’à l’excellente connectivité avec le monde et aux fuseaux horaires qui permettront la retransmission de 4 matches par jour à des horaires de grandes audiences . Sans oublier que cette Coupe du monde sera profitable pour son organisateur, la FIFA.
– Le fait que le Mondial 2022 soit programmé au Qatar, donc dans un pays arabe, ne sera-t-il pas utilisé par certains pour dire : « on ne peut pas confier la Coupe du monde à un pays de la même aire d’influence ». Même si le Qatar se situe en Asie?`
Ce type d’argumentation ne tient pas la route. Chaque pays a son identité, son histoire, son patrimoine, sa réalité sociale, économique et politique.
Vous êtes heureux d’assumer la responsabilité de défendre le dossier de votre pays?
Oui. Heureux, mais surtout conscient de mes responsabilités. C’est un projet formidable et passionnant auquel je crois profondément, comme l’ensemble de nos compatriotes marocains.
Propos recueillis par Fayçal CHEHAT