A la veille de la finale de la 31e Coupe d’Afrique des Nations, 2022mag avait rencontré en exclusivité à Libreville le capitaine et gardien de but des Pharaons Essam El-Hadary en compagnie d’un confrère nigérian de la BBC et du New African, Osasu Obayiuwana. C’est cet entretien que nous vous restituons ici.
« Essam bonjour. Il est étonnant de retrouver un joueur de 44 ans aux portes d’une finale de CAN ! N’avez-vous jamais songé à prendre votre retraite, vous qui évoluez aussi en championnat, au Wadi Degla ?
J’ai toujours été ambitieux, toujours aimé ma discipline. Jamais je n’ai pensé au moment où je devrais m’arrêter. C’est ma philosophie. Je fais toujours de mon mieux, je cherche toujours à faire plus. D’abord pour mon pays, pas forcément pour moi.
Pourtant, l’heure de la retraite approche, non ?
J’ai encore un rêve, celui de disputer la phase finale de la Coupe du monde 2018 en Russie. Avec déjà six points après deux matches, on est très bien partis dans les éliminatoires.
Depuis votre entrée en jeu au 1er tour contre le Mali, vous êtes devenu le plus joueur de l’histoire à disputer un match de CAN, à 44 ans…
Et je suis heureux et fier de posséder ce nouveau record ! J’en détiens déjà quatorze avec l’Egypte dans cette compétition. Pourtant, ce qui m’importe ce sont eux réussis pour mon pays. Mon objectif en venant ici était collectif : remporter une huitième CAN avec les Pharaons. A titre personnel ce serait ma cinquième.
Vous êtes issu d’une riche école de gardiens de buts, avec avant vous Ekramy, El-Batal, Shoubeir, Nader-El-Sayed…
Je crois que l’Egypte a présenté un certain nombre de gardiens qui ont fait partie du gratin africain. J’ai beaucoup appris d’eux. Je les ai observés. J’ai travaillé dur aussi afin de m’améliorer. Mais je continue d’apprendre au contact de mes jeunes collègues, El-Shenawy et Ekramy, je n’ai pas honte de le dire.
» Dieu m’a laissé quelque chose à accomplir «
Il y a cinq ans, en 2012, le drame de Port-Saïd (74 morts après le match El-Masry – Ahly) a porté un énorme coup d’arrêt à la scène égyptienne. Vous vous êtes qualifiés pour la finale cinq ans après jour pour jour. Y avez-vous pensé ?
Bien sûr, c’est quelque chose qui nous affecte encore. On était désolés et abattus après ce drame. Au moment de jouer la demie, le souvenir de tout ça nous a donné volonté et détermination. Le matin du match, on a senti les gens tristes autour de nous, alors on a voulu leur apporter un petit peu de bonheur. Cette qualification, on la dédie aux disparus. On ne les oublie pas.
L’Egypte a effectué son grand retour à la CAN après sept ans d’absence. Comment expliquez-vous ce trou dans votre parcours, surtout après trois victoires à la CAN ?
Si on a été absent les deux premières fois, c’était aussi dû aux problèmes que le pays traversait. Ensuite, il y a eu beaucoup de changements, les compétitions nationales chez nous ont été très affectées, et nos clubs qui sont d’ordinaire très performants en coupes d’Afrique aussi. Mais on est de retour ! Personne ne nous attendait là ou misait sur notre come-back. On a pris la CAN match après match, c’était ça notre objectif. Notre ambition est ensuite devenue la victoire finale.
On sait que vous rêvez de disputer la Coupe du monde 2018 en Russie, une compétition que votre pays n’a pas disputée depuis 1990. Serez-vous déçu si vous n’y allez pas ?
Jusqu’à la finale, je ne pensais qu’à la conquête d’un cinquième titre personnel et je n’imaginais pas la suite. Comme je vous l’ai déjà dit plus tôt, on a six points en éliminatoires de la CM 2018. C’est vraiment un rêve. Il manquerait certainement quelque chose à ma carrière si on n’y allait pas.
Vous n’avez fait qu’un court passage en Europe (Suisse, en 2008). Des regrets par rapport à cette unique expérience ?
Je n’ai pas de regrets. J’ai choisi de vivre cette expérience tard dans ma carrière, à 35 ans. Si j’avais commencé plus tôt, ma carrière en aurait certainement été différente. On ne connaît jamais les plans de Dieu à l’avance. Très certainement que si j’étais alors resté au Ahly, j’aurais arrêté ma carrière aujourd’hui. Mais me voilà, toujours là. Je crois que Dieu m’a laissé quelque chose à accomplir. »
@Samir Farasha, à Libreville