Rappelé en équipe nationale à 43 ans, le quadruple vainqueur de la CAN avec l’Egypte démontre qu’il n’y a pas d’âge pour être compétitif. Histoire d’un gardien surdoué qui a tout remporté dans sa carrière.
Hector Cuper n’a pas hésité un seul instant. Contraint de se passer de Sherif Ekramy blessé, le technicien argentin, sélectionneur des Pharaons d’Egypte depuis déjà un an, a trouvé sans difficulté un remplaçant au numéro un du AHly. Son nom ? Essam El Hadary. Un monstre, un héros contemporain du football africain, arabe et égyptien, associé aux plus belles victoires de la sélection (CAN 1998, 2006, 2008 et 2010) mais aussi aux multiples conquêtes du Ahly du Caire dans les années 2000. Sauf que Essam n’est pas un perdreau de l’année : l’enfant de Damiette a fêté ses 43 ans mi-janvier. Surtout, celui qui était considéré comme l’enfant chéri du Ahly s’est transformé en « nomade » du football, sans perdre pour autant ses qualités de gardien.
Après l’avant-dernier titre continental de l’Egypte, remporté au Ghana aux dépens du Cameroun (1-0), Essam succombait aux sirènes du FC Sion (Suisse) qu’il rejoignait au printemps 2008. Il remportait la Coupe nationale un an plus tard. A l’été 2009, il rentrait en Egypte, pour évoluer avec Ismaïli… qu’il quittait un an plus tard pour le Zamalek, lui une légende du Ahly ! En décembre 2010, soit quelques mois plus tard, le « grand barrage » – son surnom en Egypte – rejoignait à la surprise générale les Soudanais d’El-Merreikh, le grand club de Khartoum. Alors que Hull City lorgnait sur lui, Essam continuait au Soudan, si l’on excepte un prêt de courte durée à l’Ittihad Alexandrie. En 2013-14, cap sur Wadi Degla, avant de rebondir à Ismaïly la saison dernière. Et, depuis le début de l’exercice 2015-16, Essam a repris la direction de l’ambitieux Wadi Degla, entraîné depuis début janvier par le Français Patrice Carteron.
Là-bas, Essam impressionne, au regard de son âge et des joueurs qui l’entourent. Il dirige la septième meilleure défense du championnat et même si les jaunes et noir de Wadi Degla ne décollent pas du milieu de tableau, le gardien vétéran prouve régulièrement qu’il demeure l’un des meilleurs spécialistes du pays au poste. C’est pour cela que son retour en sélection, le 23 février dernier, dans le cadre d’un match amical contre le Burkina Faso, n’a en définitive pas surpris plus que ça ceux qui suivent le football égyptien. El-Hadary n’avait plus été convoqué depuis novembre 2014 (soit 458 jours d’absence, a noté l’agence égyptienne de presse !) et une défaite contre la Tunisie qui avait entériné l’élimination des Pharaons dans la course à la CAN 2015, la troisième manquée consécutivement par les coéquipiers de Mohamed Salah. « Si on me demande de porter le sac à ballons ou les chaussures des gars, je le ferai immédiatement. C’est un grand honneur d’être de retour », déclarait-il au moment où il a été rappelé.
« Je m’entraîne dur après tout «
Dès le mois de décembre dernier, Essam – 148 sélections chez les A – s’était livré sur l’excellent site de nos confrères égyptiens KingFut pour exprimer son désir de revenir dans le saint des saints et épauler El-Shenawy et Ekramy, les deux jeunes qui ont pris sa succession en sélection. « Ce n’est pas injuste de vouloir retrouver la sélection à mon âge. Je m’entraîne dur après tout ». Présent sur le banc contre le Burkina Faso à Borg El-Arab (2-0), il n’est cependant pas entré, Ahmed El-Shennawi ayant gardé le but 90 minutes durant. Mais cela n’aurait sans doute posé aucun problème à Cuper, qui n’a pas hésité à l’inclure dans le groupe en connaissance de cause. Après tout, Essam est en pleine forme, vif et bondissant comme au premier jour.
Est-ce à dire que Cuper pense à lui pour la double confrontation contre le Nigeria, fin mars, en éliminatoires de la CAN 2017 (journées 3 et 4) ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce que Shennawi et Ekramy sont en pôle position. Pour autant, El-Hadari reste, dans l’imaginaire africain, comme l’un des tous meilleurs gardiens de but du continent. Didier Drogba, il y a quatre ans, disait encore de lui qu’il était le gardien et adversaire le plus valeureux qu’il ait eu à affronter. Un hommage grandiose de l’un des tout meilleurs attaquants du monde des années 2000.
El-Hadary, héritier des grands « keepers » d’hier : Ekramy père, Thabet El-Batal, puis Ahmed Shoubeir, le héros de la coupe du monde 1990 avec les Pharaons, auquel avait ensuite succédé le sobre Nader El-Sayed, qui barra la route d’Essam pendant quelques années (fin 1990-début 2000) avant qu’il ne finisse par s’imposer, après avoir patienté. Car le poste de gardien, c’est aussi l’éloge de la patience, ce qui explique que parfois les plus grands aient dû attendre, doublure condamnée au banc, avant de prendre place entre les perches.
El-Hadari, que nous avons eu la chance de côtoyer lors de diverses CAN, possède une personnalité attachante, un peu grande gueule parfois, mais se distingue par sa grande capacité à travailler et à répéter les efforts. C’est l’une des raisons pour lesquelles il mérite le plus grand respect pour cette exceptionnelle longévité et cette passion intacte pour le jeu, quand d’autres – on pense au génial Abou Treika ou même au jeune Mido – ont décidé de tourner la page pour se reconvertir, sur un banc, dans un bureau ou derrière un micro. Toutes sortes de métiers dont on se dit qu’Essam saurait naturellement faire siens, à un moment à un autre lorsqu’il se décidera enfin à raccrocher gants et crampons. Parce qu’il a la connaissance du football, la confiance du milieu et un bagout naturel. En attendant, il rugit toujours dans la cage, lui qui – souvenez-vous – s’est souvent amusé à grimper sur sa transversale pour fêter chaque grand succès du football égyptien. A lui comme aux autres, il ne manque finalement qu’une qualification en phase finale de la Coupe du monde, l’apothéose d’une belle et riche carrière. Est-ce pour cela aussi qu’il continue de bondir et de se jeter dans les pieds de jeunes adversaires sans pitié ?
@Samir Farasha