Internationale tunisienne depuis 2014, la milieu de terrain offensive de Soyaux (D1 FRA) passée par le PSG, Rodez, Rouen et le GPSO 92 est notre invitée de la semaine. Elle évoque la sélection et les perspectives de qualification pour la prochaine CAN au Maroc. Une exclusivité 2022mag.
2022mag: « Ella bonjour ! Dans quel état d’esprit abordez-vous ce match retour contre la Guinée Equatoriale, qualificatif à la CAN 2022 au Maroc, en juillet prochain, programmé ce mercredi ?
On l’aborde sereinement. Au vu du score du match aller (5-0), on n’a pas vraiment de raison de s’inquiéter. Même si rien n’est joué. On a un peu pris d’avance. On sait que ce sera un match compliqué chez elles. Dans tous les cas, on fera tout pour se qualifier et donc, pour ne pas dilapider l’avance prise à domicile.
Ella Kaabachi: Que représenterait pour vous et la sélection une deuxième participation à la CAN, après celle de 2008 ?
Pour la première je n’y étais pas (elle a 29 ans). Personnellement, je ne réalise pas encore. Je me focalise d’abord sur la qualification. Ce sera quelque chose d’extraordinaire dans le sens où une CAN sera la plus grande compétition que je jouerai dans ma vie.
Quels sont les moyens mis à disposition par la Fédé pour atteindre vos objectifs ?
Pour être honnête avec vous, il y a eu des années compliquées où le foot féminin n’était pas très bien vu. Il y a quand même eu du chemin de fait depuis. Il y a plus de moyens ces dernières années. Mais il faut se qualifier pour que la fédé s’investisse vraiment une bonne fois pour toutes dans la sélection et dans le foot féminin local. On espère que le football féminin avancera dans le pays.
Quelle est la philosophie du sélectionneur Samir Landolsi en sélection ?
Samir est un amoureux du football et ça se ressent sur le terrain. Il nous demande de jouer avec nos qualités techniques. De poser le ballon au sol, de construire des actions, de développer du beau jeu. Personnellement, cela me convient parfaitement. C’est le football que j’apprécie. Et je ne suis pas la seule. On a beaucoup de profils techniques surtout au milieu de terrain. Ce n’est pas encore ce qu’on voudrait mais on est en progression. On se trouve de mieux en mieux et du coup, notre football est de plus en plus beau. Donc ça nous va bien. Ca parle football !
Selon vous, quel est le niveau de la Tunisie par rapport aux grandes nations africaines, Afrique du Sud, Cameroun, Nigeria ?
Je pense qu’on est encore loin de ces grandes nations. On a encore beaucoup à travailler pour apprendre. Mais on s’en rapproche petit à petit au fur et à mesure des années. Je pense qu’on pourrait y arriver au fil du temps. Surtout si on se qualifie, il y aura une très grosse prise de conscience, et une grande avancée.
Quel sera votre objectif au Maroc pour cette CAN ? Participer à la CDM pour cette génération vous paraît-il envisageable ?
On n’y est pas encore. Nous n’avons fait que la moitié du chemin. Encore un match à jouer, donc on reste focus. Si on se qualifie, l’objectif sera d’aller le plus loin possible. Faire au mieux et au maximum de nos capacités. Mon objectif est toujours de gagner mais soyons réalistes, ça sera compliqué. Tout donner pour aller le plus loin possible. Concernant la Coupe du monde, tout est envisageable ! Dans le foot, ça peut aller très vite. Essayons de progresser étape par étape. Déjà se qualifier pour la CAN, ensuite aller le plus loin possible à la CAN. Et puis si on se qualifie pour le dernier carré, on fera tout pour accrocher l’une des places pour la CDM. Mais il y a encore du chemin à parcourir, rien ne sera facile.
En tant que joueuse expatriée et évoluant dans un très grand championnat, vous sentez-vous une responsabilité supplémentaire par rapport à celles qui jouent au pays ?
Je ne suis pas la seule expatriée. On a des responsabilités supplémentaires, ce qui est normal. On vient de l’étranger et d’un grand championnat. Les filles comme le staff technique attendent plus de nous que l’on en attend des autres. Je le comprends tout à fait. Cela peut être un poids supplémentaire sur les épaules. Mais on l’accepte. Avec les filles, ça se passe très bien. On ne le prend pas comme un fardeau. J’ai toujours eu comme objectif de faire progresser l’équipe nationale et mes coéquipières. Je viens pour aider et servir la sélection, je ne suis pas en vacances. J’ai des objectifs que je veux atteindre avec l’équipe.
Vous êtes de papa tunisien et de maman algérienne. Le choix fut-il simple ou compliqué ? Vous avez souvent affronté l’Algérie, et même marqué contre cette sélection. Qu’avez-vous ressenti ?
Je n’ai pas vraiment eu de choix à faire. A l’époque, vers 2011-12, j’avais mon amie Leila Maknoun, qui est encore avec moi en sélection d’ailleurs, qui m’avait parlé de la sélection tunisienne. Elle m’a demandé si je possédais la nationalité. Du coup, on en a discuté et on est venues ensemble. Le groupe a été très accueillant. Aujourd’hui, je ne regrette pas mon choix. C’est vrai que j’ai marqué ensuite contre l’Algérie. J’ai ressenti de la fierté pour la Tunisie. Mais un peu de gêne par rapport à ma famille algérienne ! C’est des sentiments particuliers, mais c’était un match de football et ça reste des adversaires.
Comment votre club actuel vit-il votre statut d’internationale ? Est-ce que cela vous vaut plus de médiatisation ?
Je ne suis pas la seule internationale au sein de l’ASJ Soyaux et je ne bénéficie pas d’attentions particulières. Et c’est tant mieux. Tout se passe bien. Le club est fier d’avoir des internationales françaises et étrangères. Parfois je peux comprendre que cela ne soit pas facile pour les entraînements. On part parfois jusqu’à 10-15 jours. C’est un peu une fierté pour le club d’avoir des internationales et nous d’avoir le soutien du club ».
Propos recueillis par Frank Simon