Un document précis et documenté, bourré d’anecdotes et de souvenirs, qui n’épargne personne. Rencontre pour 2022mag. A lire et à commander absolument !
« Emmanuel bonjour. Pourquoi avez-vous tant tenu à raconter vos 18 mois passés sur le banc de l’équipe nationale du Tchad, entre 2014 et 2016 ?
A mes yeux, c’était quelque chose de primordial. Je ne voulais pas garder tout cela, cette expérience, ce vécu, pour moi seul. C’est aussi une manière pour moi d’attirer le regard sur le Tchad et en Afrique où il y a une problématique récurrente lorsqu’on exerce comme technicien.
Que conservez-vous de ces séjours sur plusieurs continents et dans plusieurs régions du monde ?
Ca a été une aventure humaine extraordinaire que j’ai souhaité partager avec le plus grand nombre. Beaucoup de gens s’intéressent et se passionnent pour l’Afrique. C’était aussi une manière de remercier les Tchadiens qui m’ont fait confiance.
Vous avez adopté un récit sous forme chronologique très détaillée sur les gens rencontrés, les séances et les matches…
Absolument. Il s’agit d’un carnet de voyages. Je suis très « scolaire », je notais absolument tout chaque jour. C’était très facile de me rappeler les choses puisque j’avais la trame. J’ai eu récemment Nambatingue Toko au téléphone, et il était surpris que j’aie pu me rappeler de façon si détaillée. Pour ce qui est du livre, ça a été une galère d’arriver à me faire publier. C’est chose faite. J’ai beaucoup de photos que je diffuse sur les réseaux sociaux. Je diffuse sur Facebook.
Vous n’épargnez personne dans votre récit, notamment ceux qui vous ont mis des écueils sur votre route…
Je ne suis pas carriériste. Parfois je suis un peu « sans filtre » mais croyez-moi, j’aurais pu être encore plus virulent sur certains aspects. On s’est quand même fait arnaquer avec mon staff technique. C’est pourquoi je n’ai aucun scrupule à l’avoir écrit. Si c’était à refaire, je referais pareil.
Votre meilleur souvenir ? Certainement la vctoire à la CEMAC 2015, historique. Il y a aussi le match éliminatoire contre le Malawi à N’Djamena. L’entrée sur le terrain à l’échauffement. On a presque réussi à faire l’impensable après notre défaite 0-2 au Malawi. On a vraiment vécu un truc fort avec les joueurs et l’encadrement (victoire 3-1) même si notre propre vestiaire a été cambriolé. J’ai encore des frissons en repensant à cette communion avec le public. On avait fait un tour d’honneur.
En quoi cette expérience africaine a bénéficié à votre parcours depuis le retour en France ?
On relativise beaucoup les choses quand on est ici ! Ca m’est arrivé de dormir dans mon bureau la saison passée quand je dirigeais St-Ouen l’Aumône en CFA2. Mais ce n’est rien ! Je suis un technicien qui fonctionne à l’affect. La saison dernière, j’ai dirigé une équipe avec des joueurs qu’on relançait. Tout ce que j’ai vécu avec le Tchad m’a été bien utile.
Etes-vous toujours en contact avec les Sao ?
Bien sûr, je suis resté en contact avec les trois-quarts d’entre eux. Même avec Casimir Ninga (Montpellier), on a renoué depuis peu après un an sans nouvelles. Le seul avec lequel je n’ai plus eu de contact, c’est Marius Mbaiam.
Après une expérience à l’étranger, envisagez-vous de repartir ?
Aujourd’hui je ne l’envisage pas. Essentiellement pour des raisons familiales. Je ne me vois pas repartir même si j’ai été approché pour des clubs du Maghreb – Tunisie, Maroc, Algérie- mais je n’ai jamais donné suite. Je n’ai jamais plus postulé. Ce serait compliqué au plan familial, nous sommes une famille recomposée. Mais l’envie ne me manque pas !
Comment s’est passé l’après Tchad ?
J’ai passé six mois à écrire ce récit, à ce moment-là je vivais à Nancy. Ensuite, la saison passée, j’ai rejoint St-Ouen l’Aumône (CFA2), on est monté en CFA mais la promotion n’a pas été validée par la DNCG. J’ai ensuite rebondi cette saison dans le Nord, à Wasquehal (ex-L2) un club de CFA2. Les résultats n’étant pas au rendez-vous, je ne m’occupe plus de l’équipe première depuis la fin de l’année 2017 mais je reste sous contrat. Aujourd’hui, je recherche un poste en France ou bien en Belgique, puisque je vis dans la région frontalière.
Parlez-nous un instant de l’Egypte, que vous avez défiée, et qui va jouer la Coupe du monde…
A mes yeux, c’est la meilleure équipe d’Afrique. Quand on les a affrontés, on savait que ce serait compliqué ! La Fédération m’avait en plus savonné la planche alors qu’on s’était mis d’accord avec le Ministre de tutelle pour prolonger mon contrat… Le stage d’avant Egypte avait été pourri, ce fut un match catastrophique (défaite 5-1, NDLR). Dès la première minute, mon gardien relâche le ballon dans les pieds d’un attaquant. But ! Rodrigue Ndoram notre stoppeur (le fils aîné de Japhet, NDLR) se pète le poignet… On revient à 2-1 puis on lâche en seconde période, sur des bévues… Les Pharaons sont une équipe qui se donne vraiment les moyens.
Vous avez également affronté un autre mondialiste, le Nigeria…
Oui, c’était différent de l’Egypte ! C’était très compliqué de jouer au Nigeria, on espérait faire au moins match nul. On nous a fait jouer dans le nord (Kaduna) dans une région infestée par Boko Haram. Nos affaires ont été perdues… Le coach Keshi, paix à son âme, hurlait parce qu’on les tenait en échec à la pause (0-0) ! Enyeama le gardien avait sorti deux parades de classe mondiale. On avait pris un penalty imaginaire et ils avaient gagné, finissant même à dix.
Emmanuel, on peut retrouver tout cela dans votre ouvrage ?
C’est cela ! Merci à 2022Mag de m’avoir permis d’évoquer ce parcours africain qui m’a aussi mené dans des régions du Golfe. »
Propos suscités par @Samir Farasha
Victoires et turbulences, témoignages d’un entraîneur expatrié, par Emmanuel Tregoat. Editions Edilivre, 25 euros (sur commande).