La nouvelle est tombée dimanche après-midi à Alger. Christian Gourcuff a résilié son contrat de sélectionneur de l’équipe d’ Algérie. Une séparation à l’amiable. En ne retenant pas le Français contre son gré, le président Mohamed Raouraoua n’a clairement pas cherché a mettre le Breton dans la difficulté.
Comment en est-on arrivé là ?
A première vue tout est parti du fameux match amical perdu au stade du 5 juillet devant la Guinée (1-2). Les Fennecs, et surtout leur entraîneur, avaient essuyé une bronca mémorable dans une ambiance délétère. Le soir même, et les jours après, ce fut la curée dans la plupart des journaux et médias en ligne. L’avalanche de critiques plus ou moins justifiées avait clairement et profondément blessé le sélectionneur. Un climat de défiance s’est installé entre lui et le monde extérieur. Car outre la presse, il semblerait que l’ancien boss de Lorient n’a pas apprécié de ne pas avoir été défendu publiquement par la FAF. Et notamment par son homme fort, Mohamed Raouraoua. Ce dernier a certes rappelé a plusieurs reprises l’existence d’un contrat liant le sélectionneur aux Fennecs jusqu’en 2018, mais il n’a jamais tenté de défendre sans ambigüité le travail et le bilan de l’homme auquel il avait confié une triple mission: qualifier l’Algérie à la CAN 2017, y bien figurer en atteignant au moins le dernier carré et surtout décrocher un billet pour le Mondial 2018.
Aurait-il eu des doutes sur la capacité de Gourcuff à réaliser les deux derniers objectifs – essentiels à la bonne santé de la sélection – et du coup à-t-il laissé pourrir l’ambiance pour in fine aboutir à une telle séparation? On ne le saura sans doute jamais. De son côté, Gourcuff, dont le nom a souvent circulé en France pour prendre une place sur le banc d’un club de Ligue 1, n’avait pas caché ces derniers mois que lui manquait énormément l’adrénaline que seul le travail en club peut offrir.
En tout cas cette rupture de contrat laisse un goût bizarre. C’est comme une symphonie inachevée. Car tout le monde a pu se rendre compte que l’ensemble de l’effectif des Fennecs adhérait au discours et à la méthode de leur entraîneur. Et que ce dernier, pourtant pas souvent laudateur, a avoué qu’il aimait travailler avec ces joueurs dont il appréciait le talent et la capacité d’écoute. Ce respect réciproque, le grand public en a eu la preuve lors du match Algérie – Ethiopie (7-1) lorsque les joueurs, Sofiane Feghouli en tête, sont allés fêter le premier but dans les bras de leur mentor.
Que va-t-il se passer maintenant ?
On sait que le coaching des Vert et Blanc sera assuré jusqu’en juin, date de la cinquième et avant dernière journée des éliminatoires de la CAN 2017, par un duo intérimaire composé de Yazid Mansouri et de Nabil Neghiz. En attendant que la FAF déniche l’oiseau rare. Une nouvelle tête qui arrivera avec ses idées, sa méthode et qui devra en un temps record gagner la confiance du groupe avant d’entamer la difficile campagne des éliminatoires du Mondial 2018. Mohamed Raouraoua n’a pas intérêt à faire une nouvelle erreur de casting. Les enjeux sportifs et financiers sont énormes.
Quelques extraits du scénario d’une rupture annoncée
27 novembre 2015: Premier démenti de Gourcuff concernant son départ : » Je n’ai jamais affirmé que j’allais quitter la sélection. J’ai seulement évoqué un éventuel changement après la double confrontation face à la Tanzanie dans le cas où l’Algérie ne serait pas qualifiée au 3e tour des qualifications de la Coupe du Monde 2018, ce qui aurait été logique puisque prévu ainsi dans mon contrat avec la Fédération algérienne de football ».
2 Décembre – le soutien de Riyad Mahrez après Algérie-Guinée (1-2) : « Bien sûr qu’on est derrière lui (ndlr, les joueurs). Pour moi, c’est un très bon coach. Il nous aide beaucoup et fait vraiment du bon travail et ça se ressent,a-t-il tranché dans un entretien accordé au quotidien algérien Le Buteur. » Les gens critiquent, ils parlent, mais ils ne sont pas à l’intérieur du groupe. Maintenant, ça ne fait qu’un peu plus d’une année qu’il est là. ça ne va pas arriver du jour au lendemain. Il faut lui accorder davantage de temps. Mais bon, ça ne sert à rien puisqu’il va rester avec nous et on va continuer tous ensemble le travail ».
20 février – Gourcuff et sa mission auprès d’ Ounas et Benzia : « Je vais rester discret sur la discussion que j’ai eue avec Ounas et Benzia. Ce sont des joueurs qui se sentent Algériens, pas de problème là-dessus. Il y a juste une question de timing et de situation dans leurs clubs. J’ai fait art de mon intérêt pour ces joueurs qui sont de qualité et d’avenir. Ils sont binationaux, mais Algériens dans l’âme. Pour le timing, ça dépendra de pas mal de choses”.
26 mars : Les Fennecs vus par Gourcuff : « Vous savez, de par mon vécu d’entraîneur, j’ai rarement connu un groupe aussi agréable à vivre comme celui de l’équipe nationale. Je pense que ce groupe, composé de joueurs talentueux, mérite beaucoup de félicitations. C’est un groupe très intéressant. Nous avons toujours eu une très bonne relation même si parfois certaines informations ont été colportées pour évoquer des problèmes au sein du groupe.
29 mars Raouraoua et la « démission » de Gourcuff : « Vous me dites que Christian est démissionnaire ! Moi, le président de la FAF, je vous dis que c’est faux ! Vous me dites que plusieurs personnes en sont convaincues, je vous réponds : ça n’engage que leur personne… Vous allez me dire qu’il a annoncé son départ aux joueurs, je vous dirai tant mieux pour lui… Mais, je pense que je suis toujours le premier responsable du football en Algérie et il se trouve qu’il n’y a aucune démission de la part du sélectionneur sur mon bureau. Le jour où ça sera le cas, on en rediscutera…
Son bilan avec les Fennecs
Le bilan comptable de Christian Gourcuff est bon. L’équipe est agréable à voir jouer avec un impressionnant potentiel offensif mais également avec un chantier encore ouvert sur le plan défensif. Pourtant, les partisans de la bouteille à moitié vide, nombreux en Algérie, remarquent que les Fennecs, sauf à la CAN 2015, n’ont pas croisé la route des grosses locomotives du continent. Et qu’ils ont été dominés par la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Mali en matches officiels et également battus par le Qatar en amical. Dommage que le Breton n’ait pas cherché à disputer une deuxième CAN afin d’effacer les doutes qui ont accompagné son parcours.
Les chiffres : 13 victoires, 3 nuls, 5 défaites. Buts inscrits: 50. Buts concédés: 19. Différence= + 31
Eliminatoires de la CAN 2017
Algérie – Seychelles, 4-0
Lesotho – Algérie, 1-3
Algérie – Ethiopie, 7-1
Ethiopie – Algérie, 3-3
Eliminatoires Mondial 2018 – Deuxième tour
Tanzanie – Algérie, 2-2
Algérie – Tanzanie, 7-0
Phase finale de la CAN 2015
Quart de finale
Algérie – Côte d’ivoire, 1-3
Premier tour
Algérie – Sénégal, 2-0
Algérie – Ghana, 0-1
Algérie – Afrique du Sud, 3-1
Eliminatoires de la CAN 2015
Mali – Algérie, 2-0
Algérie – Ethiopie, 3-1
Algérie – Malawi, 3-0
Malawi – Algérie, 0-2
Algérie – Mali, 1-0
Ethiopie – Algérie, 1-2
Matches amicaux
Algérie – Sénégal, 1-0
Algérie – Guinée, 1-2
Algérie – Oman, 4-1
Qatar – Algérie, 1-0
Algérie – Tunisie, 1-1