Depuis le début de la semaine, 2022mag consacre une série originale aux grands gardiens de but du football arabe. La sixième étape est consacrée au Tunisien El-Ouaer, qui a survolé les années 1990 avec l’Espérance.
Après la retraite d’Attouga et le court avènement de sa doublure Moktar Naïli, d’autres gardiens ont émergé en Tunisie. Abdelwahed, Chouchane, Ben Jaballah, Sebaï, Ben Othman… Tous ceux-là vont, à un moment donné ou un autre, récupérer le poste dans le but de la sélection nationale et s’y illustrer, souvent de façon temporaire. La Tunisie est orpheline d’Attouga, qui a fait naître bien des vocations chez les petits garçons aux quatre coins du pays.
Chokri El-Ouaer est justement l’un d’entre eux. Le jeune Tunisois a douze ans lorsque Attouga raccroche les crampons en sélection (1978). Très rapidement, il rejoint l’Espérance de Tunis, l’un des géants africains, parmi les cadets, où il gravit rapidement les échelons. De l’Espérance à l’équipe nationale juniors il n’y a qu’un pas qu’El-Ouaer franchit justement à 18 ans. Intégré à une très belle génération de joueurs – Mohamed Ali Mahjoubi, Haïthem Abid, Lotfi Rouissi, Jamel Limam, Mourad Gharbi, Sami Touati – il atteint la finale de la CAN U20 contre le Nigeria. A l’époque, il n’y a pas de phase finale mais une compétition qui se joue selon une formule Coupe en aller-retour. La Tunisie est battue (1-1, 1-2) par le Nigeria mais El-Ouaer joue, devant son concurrent Ahmed Bourchada. Cela lui vaudra de prendre part à la CDM de la catégorie dans l’ex- Union soviétique.
A partir de 1986, il commence à jouer régulièrement en équipe première de l’Espérance. Le début d’un règne quasiment sans partage, même lorsque le Sénégalais Cheikh Seck rejoindre l’EST (1989-92). En sélection nationale A, El-Ouaer va dans un premier temps être devancé par Bourchada (CA Bizerte) et Boubaker Zitouni (Club Africain). L’élimination de la sélection sur la route de la CDM 1990 et l’arrivée de M’rad Mahjoub au poste de sélectionneur va rebattre les cartes. Le 9 aout 1990, El-Ouaer dispute l’amical contre le Maroc (0-0) et signe le début d’un long bail chez les A.
Avec Taraji, il décroche dix titres de champion entre 1988 et 2002 ainsi que trois coupes nationales. Sa reconnaissance sur le plan continental va arriver en 1994. Après une CAN totalement ratée à domicile (élimination au 1er tour), il s’illustre en Coupe des clubs champions, remportée aux dépens du puissant Zamalek du Caire (1994). Derrière, une Coupe de la CAF (1997), une Supercoupe africaine (1995) puis une Coupe des coupes (1998) suivront. Les Sang et Or deviennent l’un des clubs les plus titrés de cette époque, et El-Ouaer en est l’un des cadres immuables, le « gardien du temple ».
En sélection, il va vivre plusieurs évènements d’importance : la CAN 1996 en Afrique du Sud, qui verra les Aigles de Carthage se tailler avec lui un parcours jusqu’en finale contre l’Afrique du Sud (0-2). 1996 est une très belle année puisqu’il dispute l’Olympiade d’Atlanta. Il participera aussi, sous la direction de Henry Kasperczak, à la qualification pour le Mondial 1998 dont il sera même désigné meilleur gardien du 1er tour. Il jouera encore deux phases finales de CAN (4e en 2000, 2002) avant de raccrocher les crampons.
Il a également vécu (et perdu 3-1) la Supercoupe d’Afrique 1999 contre les Académiciens de l’ASEC, cette poignée de jeunes Ivoiriens formés par Jean-Marc Guillou. Un incident va cependant ternir sa fin de carrière : au cours de la finale 2000 de la Ligue des champions contre les Ghanéens de Hearts of Oak, Chokri est accusé d’avoir volontairement simulé une blessure -par objet tranchant- pour empêcher le match d’aller à son terme. Les arbitres ont cependant remarqué qu’il s’était infligé seul cette blessure. Remplacé, il ne pourra empêcher les Ghanéens de l’emporter. Après un court passage du côté du Genoa (2001-02) où il ne joua qu’une poignée de matches, il met un terme à sa carrière de joueur en raison de douleurs récurrentes au dos, et manque donc la CDM 2002, qui sera d’ailleurs un désastre pour les Aigles de Carthage, où c’est Ali Boumnijel qui le remplacera.
Aujourd’hui, El-Ouaer (« le redoutable ») demeure l’une des références arabes à son poste dans les années 1990. Multi-titré, il lui aura cependant manqué une victoire à la CAN, ce que Boumnijel, lui, est parvenu à conquérir en 2004 à 38 ans !
@Samir Farasha
Le prochain épisode de cette saga sera consacré demain au Marocain Badou Zaki, sacré ballon d’or Africain par France Football en 1986.