Depuis une semaine, 2022mag consacre une série originale aux grands gardiens de but du football arabe. Le huitième épisode de cette saga s’attarde aujourd’hui sur le destin de l’Egyptien El-Hadary, triple vainqueur de la CAN et mondialiste à l’âge de 45 ans, et qui a raccroché fin 2019 après avoir terminé sa carrière à Nogoom.
Et soudain, l’homme s’est installé à cheval sur la barre transversale du but qu’il gardait quelques instants plus tôt. Un chapeau aux couleurs de l’Egypte sur la tête, jambes enroulées autour du poteau et de la barre, il s’est mis à tanguer et à applaudir comme un gamin, en écho aux dizaines de milliers de supporters présents au stade international du Caire, pour fêter le premier titre continental des Pharaons depuis 1998. En cet hiver 2006, Essam El-Hadary a 33 ans révolus et cette victoire à la CAN – pour sa 3e participation sur le plan personnel- n’est pas son premier titre africain avec son pays. Huit ans plus tôt, il était déjà du succès des siens au Burkina Faso… mais en qualité de doublure de Nader El-Sayed.
Cette danse de la victoire, El-Hadary la répètera encore en 2008 à Accra puis en 2010 à Luanda. Rituel identique pour fêter le triomphe d’une sélection invincible ou presque pendant trois éditions, reine incontestée d’un football africain. Hadary est alors au faîte de sa domination parmi les très bons gardiens africains. Eto’o s’est cassé les dents sur ce portier aux qualités physiques et mentales exceptionnelles. Plus tard, Didier Drogba, qui n’y arrivait pas face à lui, rendra au « grand barrage », son surnom en Egypte, un hommage unique à celui qui l’a découragé des années durant. Et qui est entré dans l’histoire en remportant quatre CAN.
Mais revenons en arrière, à la naissance de la carrière d’Essam. Né à Kaf Al-Battikh, près de Damiette, ce dernier a commencé le football en secret, lavant ses affaires sales dans un petit cours d’eau pour ne pas se faire attraper par ses parents. A 18 ans, il rejoint le grand club local, Damiette, qui évolue en D2 égyptienne. Très vite, il s’impose dans l’équipe de départ, malgré des difficultés récurrentes. Il ne possède pas de paires de gants, et il a raconté comment il dut longtemps s’entraîner à mains nues, et se contenter d’un seul gant en match…
Déjà doté d’un caractère fort et d’une personnalité de compétiteur, il finira par jouer en D1 avec Damiette, où il se fera remarquer du club dont il rêvait gamin : le Ahly du Caire. A 23 ans, Essam s’engage donc avec les Diables Rouges, dont il deviendra, entre 1995 et 2008, l’atout numéro un. Quelques mois plus tard, il est identifié par le staff de l’équipe nationale conduite par Ruud Krol. Il intègre les Pharaons mais en tant que doublure de Nader El-Sayed. Il ne vivra pas cependant la CAN 1996 en Afrique du Sud, écarté par Krol mais reviendra à la CAN en 1998 et 2000.
On l’a vu, El-Hadary est associé à tous les sacres et triomphes du Ahly durant son long règne dans le but : huit championnats, quatre Coupes nationales, quatre Ligues des champions, trois Supercoupes d’Afrique et une Coupe arabe des clubs. Au sommet de son art en 2008, il décide de quitter le Ahly sans le consentement de son club, et rejoint les Suisses de Sion alors qu’il est encore sous contrat ! La FIFA se décidera à le suspendre en 2009 alors qu’il a déjà joué pour Sion et qu’il est même rentré au Caire ! Suspendu quelques mois, il rejoint tout de même Ismaïli. Plus tard, le jugement sera cassé… Après Ismaïli, El-Hadary devient un nomade du football africain : Zamalek, El Merreikh (SDN), Wadi Degla, Ismaïli, Wadi Degla, Al Taawoun (ARS), Ismaïli une troisième fois. En 2017, il devient au passage le premier gardien de but étranger engagé dans un club saoudien.
Alors qu’il est le héros de tant de sacres, El-Hadary finit par être mis sur le banc en sélection nationale en 2013, à 40 ans. Il annonce donc sa retraite internationale, alors que les Pharaons ont manqué les CAN 2012 et 2013, ainsi que la CDM 2014.
Quatorze mois plus tard, il est rappelé pour un match amical. En 2016, il aide la sélection à se qualifier pour sa première phase finale de CAN depuis 2010. Janvier 2017 : A 44 ans, il devient le joueur le plus âgé à disputer une CAN, après avoir remplacé Ahmed El-Shenawy en cours de match. Il conduira sa sélection en finale du tournoi contre l’Egypte, en se montrant décisif notamment lors des tirs au but contre le Burkina Faso en demie. Grippé, il s’inclinera 2-1 en toute fin de rencontre contre le Cameroun et perdra donc son ultime finale de CAN.
Mais il était dit qu’El-Hadary entrerait dans la légende un peu plus tard. Nommé par Hector Cuper dans l’équipe qui va disputer la CDM 2018 en Russie, il ne dispute pas les deux premiers matches, deux défaites des Pharaons éliminés. Il est titularisé contre l’Arabie Saoudite, arrête un penalty au passage de Fawad El-Muhallad. A 45 ans et 161 jours, record du tournoi !
Il a annoncé sa retraite internationale, définitive celle-là, en août 2018 après avoir porté le maillot égyptien à 159 reprises. Mais, insatiable, El-Hadary va continuer de s’entraîner pour jouer. Il effectue son dernier tour de piste en 2019 lorsqu’il signe pour le club de Nogoom FC, à 46 ans ! Il n’y disputera qu’une poignée de matches, avec peut-être dans l’idée de semer le doute dans la tête du sélectionneur Javier Aguirre, à quelques mois d’une CAN initialement organisée par le Cameroun mais finalement confiée à l’Egypte. Hélas pour lui, le miracle ne s’accomplit pas : le Mexicain Aguirre ne le rappela pas, lui préférant Ahmed Shenawy, Mohamed Shenawy et Mahmoud Genesh. Et L’Egypte, sans son héros, fut éliminée en huitième de finale, sans gloire, au Caire, par l’Afrique du Sud (1-0), malgré Mo Salah…
@Samir Farasha
Demain, le dixième épisode de cette saga des grands gardiens arabes sera consacré à un homme toujours en activité :Raïs M’Bolhi, champion d’Afrique en titre avec l’Algérie et mondialiste 2010 et 2014.