Lakhdar Belloumi, le serveur de caviar de l’équipe d’Algérie des années 80, a été souvent décisif tant en club qu’avec la sélection. Mais c’est le 16 juin 1982 à Gijon, lors du Mondial espagnol, que celui qui était surnommé l’Emir de Mascara a enchanté l’Algérie et le monde en s’offrant le scalp de la Manshaft championne d’Europe en titre grâce à une passe décisive et un but aussi délicieux qu’autoritaire.

L’AVANT MATCH. Avant de crever l’écran lors du Mondial 1982, le premier pour l’Algérie, le milieu offensif algérien avait commencé par séduire l’Afrique. D’abord lors de la phase finale de la CAN 1980 disputée en mars au Nigeria dont il avait disputé la finale face aux Green Eagles. Perdue dans l’enfer de Surelele. Mais avant cette déroute, Belloumi avait été décisif dans les tours précédents notamment en inscrivant l’unique but face au Maroc (1-0), puis en marquant son deuxième face à la Guinée (3-2) avant de martyriser la défense égyptienne dans un formidable derby nord-africain en demi-finale, terminé sur un score de parité 5é-2) mais remporté par les Fennecs à l’issue de la séance de tirs au but. En juillet de la même année, il remet ça lors des Jeux olympiques de Moscou avec un but face à la Syrie (3-0) et un autre face à l‘Espagne (1-1).Qualifiés pour les quarts de finale, les Fennecs ont fini par être balayés par une somptueuse équipe de Yougoslavie (0-3). L’année 1981 sera encore plus belle pour Belloumi, car il sera l’un des grands artisans de la qualification de l’Algérie pour le Mondial 1982 et celui qui aura permis à son équipe de prendre une éclatante revanche sur le Nigeria lors du dernier tour (2-1, 2-1). L’enfant de Mascara a marqué à Lagos puis à Cosntantine. Ces exploits répétés lui valurent d’ailleurs en décembre de la même année le Ballon d’Or africain décerné par France Football . En mars 1982, âgé de 24 ans, entré dans la fleur de l’âge, Belloumi va disputer sa deuxième phase finale africaine en Libye. Un un nouveau parcours brillant stoppé hélas en demi-finale par une grand formation des Black Stars du Ghana (2-3).
LE MATCH. Rien à perdre, tout à gagner ! C’est avec cette certitude dans la tête que le 16 juin les onze joueurs algériens effectuent leur entrée sur le pelouse de Gijon pour affronter l’ogre germanique. Les premières minutes sont crispantes. Les Allemands, à la fois prudents et déterminés, maintienent une pression constante sur les « Vert et Blanc » dont le mérite fut de ne pas s’affoler. La défense composée de Merzekane, Kourichi, Guendouz et Mansouri était tout sauf fragile. Rassurée qu’elle était par les efforts énormes efforts des milieux et des attaquants. Dahleb, Fergani ou Belloumi ne rechignant pas à la tache. On a même vu Rabah Madjer venir racler Littbarski dans la surface de réparation du gardien Cerbah. Prudence germanique et rigueur algérienne aboutirent à un zéro à zéro encourageant pour les vice-champions d’Afrique 1980. Quarante cinq minutes sont passées sans que Jupp Derwall ne trouvent la solution pour déstabiliser leur adversaire. Pire encore, huit minutes après le retour du vestiaire ce sont les Algériens qui frappent les premiers.

En effet, sur un contre éclair, Zidane ajuste un centre en profondeur à destination de Belloumi qui se trouva nez à nez avec Schumacher. Le tir de l’attaquant algérien, dévié par le gardien allemand , rebondit près du poteau droit…là ou Madjer attendait. La demi-volée du natif de Hussein Dey secoua les filets. Sensation. Dans le stade de Gijon acquis à la cause des Maghrébins, c’est le délire. L’Allemagne à un genou à terre. L’inquiétude passée, la bande à Breitner se remit en selle pour égaliser douze minutes (67e) plus tard. Un centre à ras de terre de Felix Magath trouva Rummenigge dans les six mètres algériens. L’opportunisme du grand Karl Heinz ne laissa aucune chance à Cerbah. Dans le stade, c’est l’abattement. S’en est-il fini du doux rêve des Fennecs? En réalité, personne n’eut vraiment le temps de désespérer pour les Algériens. Sur l’engagement, insolents, les hommes de Mahieddine Khalef vont semer la zizanie dans la défense allemande. En effet, après avoir débordé son vis-à-vis sur son aile gauche, Salah Assad effectua un centre en retrait impeccable que Belloumi super bien placé reprit à bout portant pour redonner l’avantage à son équipe qui n’a pas eu le temps de douter. Formidable passeur sur le premier but, le natif de Mascara est buteur et fossoyeur de la Manshaft. Car après, alors qu’il restait 22 minutes à jouer, l’Allemagne, étourdie, ne trouva plus la moindre faille chez son adversaire. Pour les Algériens, et Lakhdar Belloumi, étincelant et redoutablement efficace, c’est le Grand Soir. Ce but et cette victoire firent de Belloumi, et pour l’éternité, l’homme du plus grand exploit sportif du football algérien post indépendance.
L’APRÈS. Après l’été de feu espagnol sanctionné par une élimination injuste consécutive à l’arrangement honteux entre l’Allemagne et l’Autriche, l’Algérie gagna en notoriété ce qu’elle perdit sur le plan du palmarès. Les années ayant suivi cet immense exploit ne furent pas du même tonneau, mais avec un Belloumi à la baguette l’Algérie fera toute de même deux nouveaux podiums en Coupe d’Afrique (1984 et 1998) et une deuxième Coupe du monde successive marquée par un choc de très haut niveau face au Brésil (0-1) de Socrates avec lesquels le numéro offensif algérien fit mieux que rivaliser sur le plan technique.

Plus que les buts et les victoires, ce que l’on retiendra de la carrière de l’enfant de Mascara c’est d’avoir été le meneur de jeu idéal capable de centres millimétrés, de transversales délicieuses, de dribbles déroutants d’efficacité, de feintes de corps assassines, de jeu sans ballon, de générosité dans l’effort. Et, pour couronner le tout, cette autorité naturelle qui vous assoit une équipe sur un terrain. Ce qui arracha un jour à Rolland Courbis cette appréciation significative : » Belloumi est un professionnel extraordinaire , un intégriste du football, de la pureté technique, de la précision du geste et du timing.« . Pour toutes les équipes qui eurent le bonheur de l’avoir dans leurs rangs, il fut un patron efficace et rassurant. Evidemment, sa facilité technique n’a jamais été du goût de certains défenseurs bouchers qui le harcelèrent souvent, le brisèrent quelques fois. Comme en 1985 face à l’Ittihad Tripoli. L’agression du Libyen Bani fut un tournant dans la carrière de l’Algérien. Qui, par la suite, se retint souvent et joua en deçà de ses capacités. Mais le plus grand regret du numéro 10 des Verts aura été de ne pas avoir ou remporter la Coupe d’Afrique des nations . Que l’Algérie gagnera sans lui en 1990.
@Fayçal CHEHAT