L’espace d’une finale de Ligue des champions, sa dernière en 2013, le Pharaon du Ahly survole une ultime fois les débats. Avant de mettre fin à sa carrière quelques semaines plus tard après dix années au sommet.
L’AVANT-MATCH. Né en 1978 à Gizeh, il rejoint le centre de formation du Tersana SC, le club basé dans sa ville, à l’âge de douze ans. C’est là, en banlieue du Caire, que le jeune Mohamed Aboutreika apprend et parfait son art de la passe et de la frappe. Naturellement doté de qualités d’attaquant, il intègre l’équipe première à 18 ans. Il y reste jusqu’à l’âge de 25 ans. Remarqué par Al Ahly, il s’engage chez les Diables rouges durant l’hiver 2003-2004 et devient instantanément un cadre du club cairote, en raison de son efficacité. Il tourne alors à la moyenne d’un but par match. C’est le début d’une belle idylle qui durera jusqu’en 2013. Devenu international A, le protégé du Portugais Manuel José au Ahly empile les titres : sept en championnat, deux Coupes, quatre Supercoupes d’Egypte, quatre Ligues des champions (2005, 2006, 2008, 2012), quatre Supercoupes d’Afrique sans oublier deux CAN (2006, 2008). Après le drame de Port-Saïd en février 2012 qui fera 74 victimes, Aboutreika décide de prendre sa retraite du football. Après réflexion, il revient finalement sur les terrains sans avoir rien perdu de ses qualités. Il participera même au tournoi olympique de Londres en compagnie d’un jeune talent, Mohamed Salah… A 34 ans, la CAF le consacre meilleur joueur africain local pour la troisième fois de sa carrière. Il part quelques mois aux Emirats, signe à Baniyas, avant de réintégrer le Ahly. De retour pour la phase de poules, il inscrit quelques buts qui permettent au Ahly de devancer les Orlando Pirates (AFS) au classement. En demi-finale contre le Cotonsport camerounais, il marque lors du match aller (1-1) à Garoua. Au retour, score identique. On procède aux tirs au but mais Aboutreika échoue ! Finalement, le Ahly s’imposera 7 à 6. Ouf ! Rendez-vous est fixé le 2 novembre, à Soweto, pour des retrouvailles avec les Pirates…
LE MATCH. Le Ahly et les Pirates ne se quittent plus depuis la phase de poules. Le 4 aout 2013 à El-Gouna, ils sont venus donner la leçon (3-0) à un Ahly sans âme. Le 22 septembre, le match retour est sanctionné par un nul 0-0. C’est dire que lorsque les finalistes sont connus, le club de Soweto part avec un avantage psychologique certain, puisqu’il a pris quatre points sur six possibles au champion d’Afrique sortant. C’est oublier Aboutreika, l’homme des matches importants. En 2006, n’est-ce pas lui qui, d’une frappe superbe, a décanté la finale retour de la LDC africaine contre le CS Sfaxien (1-0) à Radès, dans le temps additionnel ? Le 2 novembre au stade d’Orlando, Aboutreika est encore au rendez-vous. Il ouvre même la marque à la fin du premier quart d’heure, sur un coup-franc pleine lucarne, à vingt-cinq mètres du but. Thabo Matlaba maintient les Boucaniers à flot en égalisant dans le temps additionnel. Le Ahly cependant a repris la main. Et s’apprête pour la finale retour huit jours plus tard. Le match sera serré, indécis après une première période durant laquelle les deux formations se neutralisent. Aboutreika sera encore une fois le premier à marquer. Il reprend une frappe croisée d’un coéquipier, alors qu’il se trouve près du point de penalty (1-0, 54e). Les Pirates sont obligés de se découvrir pour tenter d’égaliser. Ils sont contrés une deuxième fois par Abd-El-Zaher (2-0, 78e). C’est terminé : Aboutreika décroche sa 6e et dernière Ligue des champions. Il a inscrit son 32e but dans une compétition africaine, ce qui fait de lui le dauphin du grand Bibo Al-Khatib (37 réalisations africaines).
L’APRES. Cette victoire qualifie le Ahly pour la Coupe du monde des clubs qui se déroule au Maroc. Le Ahly est battu en quart par Guangzhou Evergrande (2-0), et perd le match pour la 5e place devant Monterrey (5-1).Deux jours plus tard, sur Twitter, ABoutreika annonce la fin de sa carrière de joueur. Diplômé en philosophie, père de trois ans, populaire auprès des petites gens, Aboutreika a investi tout au long de sa carrière, notamment dans une agence de voyages. Pourtant, avec les changements politiques survenus en Egypte, il devient un ennemi du nouveau pouvoir. Il est accusé d’être un soutien aux Frères Musulmans. Et en 2017, il est placé sur une liste noire, parmi des terroristes, selon son avocat. Il s’exile au Qatar. En avril 2018, la justice finit par annuler le gel de ses avoirs. Il est tout de même condamné par coutumace à un an de prison pour fraude fiscale. A 41 ans, son aura reste cependant immense en Afrique et au-delà. Il est associé à la décennie glorieuse du football égyptien, et considéré comme l’un des plus grands joueurs sans avoir jamais évolué en Europe.
@Samir Farasha