Suite de notre série consacré aux joueurs entrés dans l’histoire de leur club ou de leur sélection à l’issue d’un match historique. Après l’Aigle de Carthage Ziad Jaziri et le Lion de l’Atlas Salaheddine Bassir, arrive le tour de Rabah Madjer. Le Fennec restera à jamais comme le joueur qui offert a sa première Coupe d’Europe des clubs champions au FC Porto. C’était un 27 mai 1987 à Vienne.
L’AVANT-MATCH .Avant de marquer durablement le football algérien et international, c’est dans les ruelles d’Alger que Rabah Madjer a appris à conduire la balle avec une virtuosité si rare. À Hussein Dey et ses terrains vagues, mais aussi avec le Milaha. Dans ce club, il a eu la chance de croiser deux formateurs et entraîneurs de grande envergure: Jean Snella et Abdelkader. Les deux hommes apprirent au prince de la balle ce que la rue oublie souvent d’enseigner: la patience, la goût de l’effort et, par dessus tout, l’amour du beau jeu.
A 20 ans, il remporte sa première Coupe d’Algérie avec le NAHD et dispute sa première Coupe des vainqueur de coupe africaine . Une réussite qui lui ouvre logiquement la porte de la sélection nationale. Il fête sa première cape le 23 juin 1978 lors d’un match de préparation contre les Suisses de Lausanne. C’est le début d’un cercle vertueux et d’une longue histoire avec les Fennecs. Il enchaîne ,un an plus tard, les Jeux Méditerranéens de Split, puis deux éditions consécutives de la CAN avec deux énormes performances puisque l’Algérie dispute une finale à Lagos perdue face au Nigeria en 1980 avant de terminer au pied du podium à Tripoli deux ans plus tard.
Mais c’est lors du Mondial 1982 que l’enfant de Hussein Dey va voir sa carrière prendre une autre dimension. En Espagne, entouré d’une bande d’artistes de haut vol , dont Lakhdar Belloumi était le plus brillant, il participe à l’heure de gloire de l’équipe d’Algérie tombeuse de la grande équipe de la République Fédérale d’Allemagne (2-1), puis du Chili (2-3) pour être in fine écartée du deuxième tour suite au match arrangé entre la Manshaft et l’Autriche de triste mémoire. Cette parenthèse à la fois enchantée et dramatique en terre ibère va permettre au jeune banlieusard d’être le premier joueur algérien à voir les frontières s’ouvrir devant lui. Pour services rendus au pays disait-on. A lui, l’Europe ! Recruté par le Racing Club de Paris en 1983, il rejoindra le FC Porto en 1984 pour y faire l’essentiel de sa carrière professionnelle et y vivre ses plus grands succès en club.
LE MATCH. La finale de la Coupe des clubs champions d’Europe disputée le 27 mai 1987 dans un Praterstadion de Vienne plein à craquer (57 500 spectateurs) avec un public à majorité allemande, soutenu par ses voisins autrichiens. Ce jour-là, le FC Porto n‘était pas le favori du jour. Car si les Portugais, entraînés par Arthur Jorge, disputaient leur première finale dans cette compétions, les Bavarois en avaient déjà disputé quatre et remporté trois. Dans ce duel inédit à ce niveau, deux styles s’opposent. Véritable rouleau compresseur, qui avait marché sur le Real Madrid en demi-finale 4-1, 0-1), le Bayern impose d’emblée son rythme à la partie et met les Lusitaniens au supplice sur le plan physique en remportant la plupart des duels.
Et c’est logiquement que les géants de la Bundesliga ouvrent le score après 24 minutes grâce à une tête formidable signée Ludwig Kögl. Allions-nous assister à un cavalier seul de la bande Rummenigge ? On aurait pu le croire. Mais, étonnamment, les Allemands n’ont pas profité de leurs temps forts et du doute des Bleu et Blanc pour tuer le match. La différence va se faire dans le dernier quart d »heure au profit du FC Porto qui a décidé de lancer toutes ses forces dans une sorte de quitte ou double. Grâce à un homme aussi providentiel que génial, Rabah Madjer. L’Algérien, qui n’avait inscrit que deux buts lors du premier tour face aux Maltais de Rabat Ajax et en quart de finale aller face aux Danois de Brondby, va assommer le triple champion d’Europe en égalisant à la 78e minute. Après un débordement côté gauche, Rabah Madjer, dos au but, voit le ballon lui revenir entre les pieds. À ce moment du match, l’inspiration va prendre la place de la raiso. L’Algérien choisit le talon pour loger le ballon hors de portée de Pfaff. La « Madjer » est née.
Troublés par cette réussite fantastique, les Bavarois accusent le coup Deux minutes plus tard, le natif d’Alger, qui était sorti un bref instant pour soigner un mollet, récidive en offrant un caviar à Juary, entré en jeu à la mi-temps, dont la volée fait trembler les filets allemands. Le Brésilien donne l’avantage aux siens. C’est le coup de grâce. Et le 27 mai 1987, Madjer devient le premier joueur africain et arabe à remporter la Coupe aux grandes oreilles en même temps que son geste technique entrera dans la légende en portant son nom.
L’APRÈS. La « Madjer » devient une marque déposée. C’est le Fennec himself qui parle ainsi de la talonnade qui l’a rendu célèbre dans le monde entier et pour l’éternité. » Ce match-là, c’est mon plus grand souvenir. Je marque un but, je donne une passe décisive et je gagne un titre qui reste à vie dans un palmarès », a-t-il confié, il y a quelques années, dans les colonnes de FIFA. Com. Ajoutant : » Je n’avais jamais pensé atteindre un jour ce stade. Je me demandais même en entrant sur le terrain si c’était bien moi face au grand Bayern. Je me rappelle que la veille de la finale, je me demandais comment j’allais jouer. Mon compagnon de chambre de l’époque, Jozef Mlynarczyk, avait peur. Je lui ai dit qu’on allait gagner 2-1. Le bon Dieu m’a entendu ». J’étais dos au but, je ne pouvais faire qu’une talonnade pour marquer. Je l’ai jouée à l’instinct, je l’ai sortie comme ça. Je n’avais pas le temps pour réfléchir. Juste après la finale, j’ai refait le geste dans un match de championnat. J’ai marqué aussi ». En 1988, un an seulement après le sacre du Praterstadion, Madjer quitte « Les Dragons » pour rejoindre la Liga et le FC Valence. Une escapade de quelques mois avant de revenir à Porto pour trois ans supplémentaires dans ce qui restera à jamais sa maison. En 1990, il connait sa deuxième grande émotion en tant que joueur lorsqu’il remporte la première Coupe d’Afrique des nations de l’histoire du football algérien.
@Fayçal CHEHAT