Dés l’âge de 15 ans, il s’avère une réelle bénédiction pour l’USFMS, petit club des Hauts plateaux à Sétif. Cadet, puis junior, l’entraineur le faisait évoluer sans complexe en équipe première.
Mais ce chasseur de buts émérite ne pouvait végéter dans l’anonymat de la division d’honneur de ce qu’on appelait à l’époque la Ligue d’Algérie. Il avait besoin d’un clin d’œil de l’Histoire.
Ce clin d’oeil vint grâce à un certain Sebtoun, un Sétifien installé à Roche-la-Molière, entraineur d’un club amateur et recruteur régional au service du grand club forézien, l’A.S Saint-Etienne.
Nous sommes en 1953. Rachid a 17 ans. Les choses ne trainèrent pas longtemps. Ses parents vite convaincus,il débarqua à Saint Etienne en pleine période estivale: « Je suis arrivé accompagné de Sebtoun (1), le jeudi 4 août.
Le dimanche d’après, je fus essayé en match amical contre Grenoble. Nous gagnâmes ce match 6 à 0. Je jouais second avant-centre au côté de Njo Léa. J’avais marqué deux ou trois buts, je ne me souviens pas très bien. Mais ce dont je me souviens comme hier, c’était la satisfaction de l’entraineur Jean Snella qui m’avait laissé comprendre aux vestiaires que j’avais gagné ma place ».
L’aventure professionnelle venait de commencer sur les chapeaux de roues. C’est sans passage forcé comme le veut la tradition – dans les rangs amateurs – que Rachid entra la dur championnat français de première division .
Dés le premier match (face à Roubaix en octobre 1954), Rachid marqua deux buts. La semaine d’après, il récidiva (deux buts devant Lyon) et, surtout, fit une prestation tirée de derrière les fagots. Les dirigeants stéphanois comprirent très vite qu’ils venaient de tirer le gros lot. Merci Sebtoun !
Il faut souligner aussi que Rachid eut la chance de trouver en Jean Snella un homme ouvert, intelligent, perspicace, humain au possible. L’entraîneur stéphanois avait compris, avant tout le monde, quel parti le club pouvait tirer de la classe de l’Algérien.
Ainsi, la complicité régna tout de suite entre les deux hommes. Le Français dira plus tard, alors que Rachid avait pris du galon : « Je considère Mekhloufi comme l’un des meilleurs joueurs Européens. Il est, en effet, l’un des rares attaquants que je connaisse, capable de tout faire à la perfection. Au milieu du terrain, il est d’une clairvoyance exceptionnelle. Aux abords des buts adverses, il devient irrésistible (…).
En un seul homme se trouvent réunies les qualités de plusieurs footballeurs de classe. Pourtant, ce qui caractérise avant tout son jeu, c’est la faculté qu’il a, dés qu’il a reçu le ballon, de porter l’accélération décisive. Là où le footballeur normal se contente presque toujours d’être un relayeur, lui transforme d’un seul coup l’attaque par une course ou une passe rapide. II est le transformateur qui change le voltage de l’équipe».
Rachid Mekhloufi, c’était aussi une intelligence et une technique très largement au dessus de la moyenne. Robert Herbin, qui fut son compagnon des années fastes de I’ASSE, a su décrire ses qualités « Oui, Rachid est incomparable par ses coups de patte.
Il sait prendre tout son monde en défaut par des attitudes, des amorces, des courses là où ce n’est pas vrai, engageant tout son monde sur de fausses pistes. Nous avons mené et conclu, dix, cent offensives au nez et à la barbe de défenseurs dépassés par l‘inattendu. Créer l’‘inattendu, c’est bien le secret des grands footballeurs. Mekhloufi est le roi de l’inattendu ».
Ces qualités si particulières vont lui permettre de faire une entrée fracassante, à vingt ans, en équipe de France à l’occasion d’un France – URSS. Ils étaient nombreux à voir en lui le successeur légitime de Raymond Kopa.
Mais les événements historiques étaient incontournables. En avril 1958, Mekhloufi et Zitouni avaient raté une Coupe du monde : mais que pesait une Coupe du monde devant la formidable expérience humaine qu’ils avaient choisi de vivre.
En 1962, après un bref passage au Servette de Genève, dirigé par un certain Jean Snella, Rachid retrouva les brumes du Forez pour y entamer une seconde carrière. Elle sera plus belle que la première et conclue par deux titres de champion de France et une victoire mémorable en coupe nationale (1968).
Pour son ultime match sous les couleurs vertes, Rachid réalisa un festival et marqua deux buts qui assommèrent les Girondins de Bordeaux. Quel beau final!
Après une expérience de dix huit mois comme entraineur joueur au Sporting Club de Bastia, Mekhloufi fut sollicité par l’Armée algérienne pour diriger la sélection nationale militaire. Travaillant dans la plus grande sérénité, l’ex-Stéphanois formera un impressionnant noyau de bons footballeurs.
Ses efforts furent, en vérité, à la base de tout ce que le football algérien à connu de bon et de très bon de 1975 à 1986: les deux premiers sacres officiels Jeux Méditerranéens en 1975 et Jeux Africains en 1978, les Coupes d’Afrique des nations en 1980 – et 1982, le Mondial espagnol en 1982, l’explosion de talents tels Lakhdar Belloumi, Rabah Madjer, Salah Assad et quelques autres. Tout cela a été possible parce que Rachid a su faire confiance aux hommes, a misé sur le temps et a refusé d’écouter les partisans du résultat immédiat.
@Fayçal Chehat, créateur de 2022Mag
(extrait de son livre « La Fabuleuse histoire algérien « aux Editions Al-Bayazin, Alger (2017)