A l’instar des Lions de l’Atlas marocains, le chef de presse des Pharaons est une femme, Inas Mazhar. Responsable de sports et grande signature à Al-Ahram mais aussi avec la BBC, Inas Mazhar a accepté d’évoquer pour 2022mag.com cette responsabilité unique. Rencontre avec une femme polyglotte tournée vers le monde, et qui connaît parfaitement les arcanes du football et des médias.
« Inas, bonjour ! Dites-nous, comment vous êtes-vous retrouvée dans le monde du sport et des médias ?
J’ai commencé il y a plus de vingt ans maintenant, dans les années 1990. C’était difficile à l’époque pour une femme journaliste d’accéder à la scène sportive locale, dans les médias. J’ai débuté lors des Jeux Africains en Egypte (1991). C’est là que tout a commencé ! Je me suis présentée au rédacteur en chef de l’Hebdo « Al Ahram Weekly », qui lançait son édition en anglais. Il m’a demandée quelle rubrique je voulais intégrer et j’ai répondu les Sports ! « Comprenez-vous les sports ? Oui bien sûr ! lui ai-je répondu !
Votre responsable ne s’attendait pas à rencontrer une Egyptienne capable de relever ce challenge ?
J’ai pratiqué différentes disciplines mais je n’ai jamais pu percer parce que je suivais mon père dans différents pays du monde arabe, l’Arabie Saoudite, la Libye, etc. Quand on est revenus au Caire, j’avais seize ans, c’était tard. J’ai fait du basket, du hand, de la natation, donc je connaissais les milieux sportifs. Mais j’étais surtout une grande suiveuse du football égyptien, du championnat, des Coupes d’Afrique, même de la Coupe du monde !
Comment ça ?
Quand mon père faisait les mots croisés, je l’aidais à remplir pour le sport. A l’université, j’ai suivi des cours de journalisme. J’ai intégré le journal de l’université « La voix de l’Uni » et je faisais évidemment des papiers sport.
Revenons à 1991 et cette première expérience…
Ma première mission fut les Jeux Africains. Au début, les collègues me regardaient de travers, du genre « rentre chez toi ! Marie toi ! » Ils ne m’acceptaient pas vraiment. Mais durant ces trois semaines, je suis devenu amie avec eux. Ils ont compris que je pouvais les aider, y compris dans la traduction, etc. J’étais toujours volontaire pour les aider, dans tous les sports. Peu à peu, les dirigeants ont commencé à me connaître. J’ai travaillé auprès de différentes fédérations, j’étais là pour traduire, j’ai été media officer en différentes occasions. Ma première mission remonte à 2004, pour accompagner le dossier Egypte 2010. Je me suis rendue en Suisse auprès de la FIFA. J’ai écrit aussi pour la FIFA, sur le football féminin. J’étais toujours là pour demander à Blatter : quand aura-t-on une femme au Comité Exécutif ! Depuis, j’ai été media officer pour l’Egypte lors des Jeux de Rio 2016, à Nankin en Chine pour les Jeux de la jeunesse, mais aussi à la Confed Cup 2009 en Afrique du sud.
En tant que journaliste de radio et presse écrite, est-ce difficile de garder ses distances lorsqu’on passe de l’autre côté de la barrière ?
C’est quelque chose de fondamental. Quand j’ai accepté, mes collègues pensaient que je les aiderais. Mais je suis liaison officer et donc parfois ils ne comprennent pas que je ne leur facilite pas les choses. Mais on a des règles à respecter, celles de la fédération, de la CAF et de la FIFA. C’est un vrai challenge, il faut se montrer à la hauteur de la fonction.
Comment cela se passe-t-il depuis le début de cette mission ?
Je suis auprès de l’équipe depuis début janvier. Je ne connaissais que quatre d’entre eux, les anciens. Donc, il a fallu que je me familiarise avec eux, ainsi que le staff technique. Je suis restée dix jours avec eux pendant la préparation. Il fallait qu’ils comprennent que je ne suis pas là en tant que journaliste mais bien en tant que media officer attachée à eux.
Quelles autres difficultés rencontrez-vous ?
Parfois, il n’est pas facile de faire admettre certaines choses aux dirigeants. Pour un joueur blessé, je les encourage à publier un communiqué destiné à la presse, mais ils n’en comprennent pas toujours le bienfondé. Pourquoi ? me répond-t-on. Il s’agit pour moi de les convaincre de l’importance des médias. Certains dirigeants pensent qu’il faudrait quelqu’un qui n’est pas un journaliste pour exercer cette fonction. Mais est-ce que cette personne comprendrait les demandes des médias ? Au final, j’essaie de faire de mon mieux et de satisfaire tout le monde autant que je peux.
Quel est votre meilleur souvenir, ici au Gabon ?
Atteindre la finale était au-delà de toutes nos attentes ! On voulait juste faire une bonne impression après sept ans d’absence. Mais plus on gagne, plus on devient ambitieux ! On reçoit des messages du pays qui nous poussent. Depuis la victoire en quart contre le Maroc, un derby nord-africain, c’est comme si on avait gagné le tournoi ! J’étais le directeur media du tournoi lors de la CAN Egypte 2006, j’étais là en 2008 en tant que journaliste de la BBC. C’est quelque chose de très, très fort, émouvant même.
Comment votre famille prend-t-elle la chose ?
Mes enfants sont grands et ils sont contents de ma réussite professionnelle, j’ai un fils et une fille. Ils sont fiers de moi, notamment du fait que je sois la représentante de l’Egypte pour le Ballon d’or France Football. Ca a été un vote de confiance extraordinaire pour moi. Mes collègues étaient surpris à l’époque que ce soit moi ! Je suis toujours là, ça fait dix ans pour FF. C’est quelque chose qui m’a donné de la reconnaissance dans mon pays. Vous savez, dans le monde arabe et chez moi, quand quelque chose vient d’Europe, du monde occidental, cette reconnaissance prend une valeur immense. Cela signifie beaucoup pour eux et moi ».
@Samir Farasha, à Libreville