Vainqueur des Jeux Olympiques 2000 et champion d’Afrique 2002 avec les Lions indomptables, l’ancien ailier droit du Cameroun, mais aussi de Bochum et du Panathinaïkos, Joël Epalle a terminé sa carrière internationale sur une finale, celle perdue lors de la CAN 2008 à Accra contre l’Egypte (1-0). Ancien adversaire des Pharaons, celui qui est devenu coach dans la région parisienne nous livre son sentiment sur la nouvelle génération du Cameroun, qui défie l’Egypte ce dimanche. Une exclusivité 2022mag.
Joël bonjour. Quel souvenir conservez-vous de la finale de 2008 à Accra contre les Pharaons ?
Le souvenir que je garde de la finale 2008, c’est juste un souvenir de frustration car non seulement on joue une finale pour la gagner mais on perd une fois de plus contre notre pire adversaire les Pharaons d’Egypte. Au-delà de cette frustration, j’ai été content de notre parcours car personne ne nous voyait aller aussi loin dans cette CAN. Un peu comme ce que font mes jeunes frères en ce moment.
Ce Cameroun-Egypte sera la 3e opposition entre les deux pays. Les Lions indomptables ont perdu les deux premières. La rivalité est particulière. Pourquoi ?
Il y a toujours une grosse rivalité entre le Cameroun et l’Egypte tout simplement parce que ce sont deux grosses pointures du football africain. Mais aussi parce que les Pharaons on très souvent eu raison sur nous, du fait qu’ils allient la puissance physique et mentale des équipes subsahariennes et la technique et tactique de celles du Maghreb.
Est-ce que ces garçons dirigés par le Belge Hugo Broos sont capables de mettre fin à cette série de défaites contre l’Egypte ?
J’ai la très, très, forte conviction que mes jeunes frères qui nous représentent valablement dans cette CAN vont -contre toute attente- briser le signe Indien et mettre fin à cette malheureuse série qui nous suit depuis de nombreuses années. S’ils y parviennent, ils feront tout simplement un double exploit et je m’inclinerais tout simplement devant eux. Je n’ose même pas imaginer l’accueil qui leur sera réservé par le peuple camerounais !
Qu’est-ce qui vous a plu dans cette équipe ? Quelle est la clé selon vous de ce match ?
La première chose qui m’a poussé à croire que ces jeunes iraient loin dans cette compétition, c’est l’état d’esprit et l’ambiance qui règne en ce moment dans la tanière. Il y fait apparemment bon vivre et je trouve qu’au-delà de leur force mentale, c’est le secret de leur réussite. La clé de ce match, ce sera l’attaque parce que -sachant qu’on a déjà une bonne défense- il faudra marquer les premiers pour gagner ce match.
En tant qu’international et coach désormais, quelle est votre vision du travail accompli par le sélectionneur Hugo Broos, tellement critiqué jusqu’à présent ?
Je trouve que le désistement de certains joueurs et le fait qu’on ne croyait pas trop au groupe qu’il avait constitué pour cette CAN lui a permis de s’affirmer en faisant des choix forts sur les différentes compos. C’est toujours compliqué de travailler librement au Cameroun ou en Afrique en général car vous avez des millions d’entraîneurs en face ! Je pense qu’il aura désormais plus de crédit pour diriger cette équipe mais le plus dur est à venir car il va falloir confirmer le bon parcours qu’il fait en ce moment avec ses poulains, tant sur la tactique que sur le choix des joueurs qu’il a eu à faire tout au long de cette compétition. Je lui tire mon coup de chapeau tout en lui souhaitant une belle finale et j’espère désormais qu’on le laissera travailler librement afin de juger ses réelles compétences.
Vous attendiez-vous à un aussi beau parcours après quelques années compliquées sur le plan international ?
Sincèrement, je ne m’y attendais pas du tout comme la plupart des Camerounais d’ailleurs. Mais, comme je l’ai dit auparavant, certains éléments extérieurs ont interpellé mon expérience et mon vécu dans cette tanière des Lions et m’ont donné très tôt espoir. C’est en observant le comportement des cadres tels que Nkoulou, Aboubakar et Zoua qui avaient perdu leur place de titulaire et Clinton N’jie, un joueur très prometteur garder leur calme et ravaler leur fierté en venant jubiler la victoire avec les autres que j’ai compris qu’il se passait quelque chose de fort entre eux, contrairement aux années où ils avaient du mal à cohabiter ensemble.
On découvre un certain Christian Bassogog au plus haut niveau. Que pensez-vous de ce garçon qui évolue à un poste que vous connaissez si bien ?
Je ne pense que beaucoup de bien de lui, c’est une sacrée découverte, la révélation de cette CAN pour moi. Je ne le connaissais pas avant mais c’est un plaisir de le voir jouer sa 1ère CAN avec autant d’assurance. Il très généreux dans l’effort, rapide et virevoltant, ce qui est un atout considérable pour un joueur de couloir. Le seul conseil que je peux lui donner, ainsi qu’à son entourage, c’est de garder la tête sur les épaules, de ne pas s’enflammer et surtout de continuer à travailler pour progresser davantage. Parce que désormais on attendra beaucoup de lui, comme ce fut le cas pour Clinton N’Jie à une certaine période.
Sur sa lancée, le Cameroun peut-il passer devant le Nigeria en éliminatoires de la Coupe du monde ?
Si on tire les bons enseignements, qu’on garde la même dynamique et surtout si l’on préserve notre humilité, il est certainement possible qu’on passe au finish devant le Nigeria, bien qu’il possède une bonne longueur d’avance sur nous. Cette qualification pour la Coupe du monde 2018 se jouera beaucoup plus au mental. C’est justement l’une de nos forces, que nous avions perdue pendant un bon moment.
Pour conclure cet entretien, quel est votre coup de cœur dans cette CAN ?
C’est notre gardien Ondoa qui confirme le fait que le Cameroun est un pays qui crée et invente les gardiens. Il s’inscrit dans la lignée des grands gardiens camerounais tels que Thomas Nkono, Bell, Songo’o, Alioum Boukar et Kameni. Il nous a remis dans le match à plusieurs reprises et possède une grosse maturité par rapport à son jeune âge. Bref, il respire la sérénité. C’est le joueur providentiel de notre équipe. Je croise les doigts pour cette finale car au vu de ce que nous avons réalisés en demie contre le Ghana (2-0) et au vu de cette longue traversée du désert, ces jeunes méritent de ramener cette coupe à la maison ! »
Propos recueillis à Libreville par @Samir Farasha