Six mois après la disparition de Johan Cruyff, les éditions Solar ont eu la bonne idée de prolonger la pensée footballisque de l’un des plus grands talents de l’histoire du ballon rond en publiant Johan Cruyff, Mémoires.
Un livre authentique et sans concession pour cet amoureux du jeu et des beaux joueurs qui avouera avoir été éduqué dans son club fétiche de l’Ajax d’Amsterdam. Son premier contact avec l’institution Rouge et Blanche remonte assez tôt dans l’histoire du Batave. C’est à l’âge de 5 ans que tout commence. Cet amour pour la mythique équipe amstellodamoise naitra de la proximité de la boutique familiale avec le vieux stade de Meer et de l’attachement inconditionnel de la figure paternelle qui ne ratait aucune rencontre des Ajacides (surnoms des joueurs). Il sera aussi ancré par un personnage qui fera figure de second père pour le jeune Johann : Rinus Michel. L’homme qui a modernisé l’Ajax en développant le concept de football total (une polyvalence des joueurs sur le terrain). Celui qui fera aussi venir Cruyff en Catalogne.
Le Batave découvrira à ce moment, et à son insu, que le football peut être très politisé au sein d’une région fortement autonomiste. Après l’expérience catalane, le départ vers les Etats Unis apparaitra comme l’une de ses meilleures décisions. Une véritable révélation sur l’organisation à l’américaine et la place accordée aux personnes handicapées. Un signe du destin qui changera sa vision de la chose sportive et qui fera naitre l’idée de sa propre fondation.
Madjer aurait dû rejoindre l’Ajax et Zidane le FC Barcelone…
Après cette parenthèse enchantée, le retour dans un football hollandais dépassé finira par précipiter la fin de carrière du célèbre numéro 14. C’est à 37 ans qu’il raccrochera les crampons au Feyenoord Rotterdam après être repassé par la case Ajax. Pour continuer à rester proche de sa pelouse chérie, il se lancera dans le métier d’entraineur.D’abord à l’Ajax avant de poser les fondations victorieuses du Barcelone actuel.Un technicien exigeant qui visait toujours le haut niveau mais qui ressentait avant tout le cuir sous sa forme émotionnelle et ludique. Il se désolera d’ailleurs dans les dernières années de sa vie que le football soit devenu un business confisqué par les managers. Un jeu dévitalisé, pauvre techniquement et mondialisé. Une perte d’identité nuisible à l’identification d’un public à son équipe.
On apprendra au fil des pages que l’homme à la sucette, substitut à l’addiction qu’il vouait à la cigarette, avait presque conclu le transfert de Rabah Madjer avec l’Ajax après la victoire du FC Porto, en 1987, en coupe d’Europe. Ou que le Zinedine Zidane de Bordeaux aurait pu ne jamais être madrilène si les dirigeants de « l’ennemi » barcelonais avaient suivi les desiderata de son entraineur. Autres regrets dans le parcours fabuleux du Batave, celui de ne pas avoir évolué dans le championnat d’Angleterre, ni d’avoir pris en main les rênes de la sélection nationale. « Il a construit une Cathédrale, c’est à nous de l’entretenir» confiait un jour Pep Guardiola. A voir la façon dont le Barça récite sa partition sur les terrains d’Espagne et d’Europe, l’héritage cruyffien est bel et bien vivant.
@Nasser Mabrouk