Il était l’un des deux favoris, avec le Sheikh Salman, président de la Confédération Asiatique. Depuis ce vendredi soir, l’homme au crâne rasé est désormais le nouvel homme fort de la FIFA, élu au deuxième tour.
C’est arrivé en fin d’après-midi, du côté de Zurich, et franchement, on ne peut pas vraiment dire que l’on ait été surpris quand le communiqué est tombé. Gianni Infantino, secrétaire général et cheville ouvrière de l’UEFA, a été élu au second tour de l’élection par 115 voix contre 88 à son grand rival et principal concurrent, le Bahreini Sheikh Salman. Une « grande émotion » selon le nouvel homme fort de la FIFA, qui s’est exprimé très rapidement à la tribune et a tenu à remercier les autres candidats.
Au premier tour, seules trois voix (88 contre 85) séparaient les deux favoris. Mais le jeu des reports et les traditionnelles tractations des dernières heures avant le scrutin ont permis à Infantino de récupérer 27 voix supplémentaires lors du second tour. Il lui en fallait un minimum de 104 (207 pays sur 209 pouvaient voter, deux étant suspendus dont le Koweit) pour succéder officiellement à Sepp Blatter, mais aussi au Camerounais Issa Hayatou, président par intérim de l’instance faîtière depuis octobre.
Qui est donc le souriant Infantino ? Un technicien et surtout un juriste qui a longtemps travaillé avec Michel Platini, son ex bras droit et en quelque sorte son « héritier », après que le Français ait dû renoncer à faire campagne pour les raisons que l’on sait. Homme de confiance de Platini, dont il s’est rapidement émancipé pour monter rapidement son dossier et le conduire à terme. Un peu à la façon de la fable de La Fontaine, le lièvre et la tortue, Infantino a démontré que « rien ne sert de courir, il faut partir à point ». En clair, une candidature tardive n’est pas forcément vouée à l’échec.
Candidat de la rupture, forcément, le Suisso-italien Infantino (45 ans), né à Brigue de parents italiens, est apparu au grand jour en tant que candidat il y a quelques mois seulement (depuis fin octobre 2015), suppléant Platini quand ce dernier fut suspendu par le comité d’éthique pour huit ans (sanction finalement ramenée à six) pour un versement de 2M de francs suisses reçus de Sepp Blatter. Arrivé à l’UEFA en 2000, ce parfait polyglotte a gravi tous les échelons dans l’institution européenne, jusqu’à se hisser au poste de numéro 2, derrière Platini. On se souvient de lui notamment pour son rôle de cheville ouvrière des différents tirages au sort de compétitions.
Son premier mot, à l’annonce de son élection, a été « ouf ». Soutenu par l’Europe et l’Amérique du Sud, mais très certainement aussi par quelques votes africains -même si la CAF avait annoncé qu’elle militait pour Sheikh Salman- et peut-être ceux du Français Jérôme Champagne, qui en avait récolté sept, le Suisse italien milite pour l’élargissement de la Coupe du monde à quarante qualifiés, contre trente deux actuellement.
Pour être élu, Infantino n’a pas économisé son temps ni sa salive ces dernières semaines. Il a visiblement beaucoup voyagé et tenu à rencontrer des dizaines de représentants de fédérations pour promouvoir ses idées. Son programme, on l’a compris en l’écoutant s’exprimer à la tribune vendredi soir, s’articule autour de quelques grandes idées : rendre sa crédibilité à l’instance internationale, « restaurer son image, appliquer la bonne gouvernance, la transparence ». « Les moments de crise », c’est fini, s’est lancé le successeur de Blatter, avant de lancer, la main sur le cœur, un appel à l’union : « travaillons ensemble. Je veux être le président de toutes les fédérations ». Celui des petites nations mais aussi celui du fair play financier.
Son élection, pour le moins imprévisible il y a quatre mois en arrière lorsqu’il se déclara, indique que l’ancien professeur de droit de l’Université de Neuchâtel possède un certain flair, celui qui permet de renifler les bons coups. Quand Platini a été écarté, il est devenu le plan B de l’instance européenne et a su, à force de gesticulation, comme on dit en géostratégie, sortir de l’ombre pour coiffer sur le poteau son adversaire bahreini. Il lui reste désormais à devenir le président de la Réforme, attendue et appelée de leurs vœux par des millions de pratiquants, et pas seulement par les fédérations. Il a désormais un peu moins de quatre années (jusqu’en 2019) pour imposer sa personnalité et ses choix forts. Et justifier, ce n’est pas le moindre des challenges, la confiance de ceux qui l’ont élu.
@Samir Farasha