Revenu sur le banc de l’ASEC d’Abidjan il y a quelques mois, après le passage raté de Jean-Marie Issiémou, le technicien ivoirien réaffirme les ambitions de son club en C1. Et peu importe si l’adversité a pour nom WAC, Zesco Utd ou Ahly du Caire… Premier adversaire ce samedi, le Wydad.
« Siaka Traoré « Gigi » bonjour. Merci de nous accueillir à Sol Béni, le QG de l’ASEC. C’est compliqué de relancer une mécanique quand on arrive en cours de route ?
Non, je ne le pense pas. En plus, je suis déjà de la maison. CA fait près de 5 ans que je suis là. Par le passé, j’ai été adjoint, coach principal, j’ai aussi fait un tour par l’Académie du club. J’y ai passé un an dernièrement auprès du Français Julien Chevalier. Je ne me suis jamais éloigné de l’ASE, j’en connais les réalités. Je connais la plupart des joueurs, ça m’a facilité la tâche.
On sent que cette envie de regagner la suprématie nationale est une obsession chez vos dirigeants. Et pour vous ?
C’est sûr. J’ai gagné deux fois la coupe nationale. En 2014, j’ai joué la phase de poule de la Coupe de la CAF. Là, on rentre en phase de poule en C1. Mais je n’ai toujours pas gagné le titre suprême. Ce serait une immense joie, un rêve absolu de devenir champion.
Pourquoi est-ce si difficile dans ce championnat ivoirien. L’adversité ne paraît pas insurmontable…
Je pense que les joueurs ont à peu près le niveau, d’un club à l’autre. Les matches ne sont jamais faciles. On retrouve souvent des anciens de l’ASEC aussi. L’expérience me fait dire que les joueurs, pour la plupart s’entraînent sur de mauvaises surfaces. Mais dès qu’ils sont sur un bon terrain, ils se surpassent. Aujourd’hui, les matches de l’ASEC sont compliqués. Beaucoup de joueurs aspirent à jouer ici et donnent tout contre nous. Ils sont ultra motivés et font tout pour se faire remarquer.
Etre le club rescapé du football ivoirien en compétition africaine, c’est une fierté ? Une responsabilité aussi ?
C’est une fierté pour les Actionnaires (les supporters du club), les dirigeants, mais aussi pour notre pays. Il est dommage que les trois autres clubs aient été éliminés. L’ASEC est habituée à ces compétitions, ce n’est pas étonnant qu’on y poursuive notre chemin.
Ca a été un parcours compliqué, tortueux, jusqu’aux poules ?
Contre les Libyens du Ahly, en huitième, j’avais dit avant la manche aller chez nous qu’il fallait gagner par deux buts d’écart sans en prendre. La qualification serait facilitée. Le message est passé, on a gagné 2-0. En Tunisie, pour le match retour, on a réussi à marquer là-bas, et on a serré les coudes jusqu’au bout. Après ce but, les Libyens devaient nous en inscrire jusqu’à quatre. Et ils ont baissé les bras.
Entraîner l’Asec était un de mes rêves
Vous connaissez vos adversaires de poule. Deux géants du football africain (Ahly, Wydad) et des Zambiens ambitieux, Zesco. Quelle est votre analyse ?
Je pense que c’est jouable. Quand on intègre les poules, on rejoint les grands d’Afrique. Nous avons l’habitude de ces équipes-là. Seul Zesco n’a jamais gagné un trophée africain. A titre personnel, je préfère les matches « compliqués ». J’ai constaté que les joueurs sont beaucoup plus concentrés pour préparer un match contre un adversaire relevé. Et puis, lorsqu’on ne part pas favori, on s’en sort !
De quels moyens disposez-vous pour affronter Ahly et Wydad, les favoris ? Des vidéos, des rapports sur ces équipes ?
Je pense qu’aujourd’hui on a ce qu’il faut, de même que ces équipes peuvent avoir des vidéos de nos matches. A notre époque, c’est plus facile qu’auparavant. Tactiquement, il a fallu beaucoup travailler. On a trois matches à domicile, il faut absolument faire le plein de victoires. Neuf points, c’est presque la deuxième place assurée. Nous, on va tout faire pour bien négocier à Abidjan. En déplacement, on n’est jamais ridicules. On a notre mot à dire. Le championnat nous permet aussi de préparer ces échéances africaines.
Vu de l’extérieur, on a le sentiment que ce n’est pas un championnat relevé. Est-ce que cela ne vous complique pas la tâche quand il faut jouer des clubs très forts tactiquement et athlétiquement ? Le Wydad a sorti le tenant, Mazembe, et le Ahly du Caire est le plus titré des clubs africains…
Sincèrement, je pense que cela nous aide, le championnat est difficile. Techniquement, le niveau est moyen mais physiquement ça va. Donc, je ne nous sens pas pénalisés. AU-delà de ça, on prépare bien nos échéances africaines.
Lors des dernières prestations ou entraînements, on a découvert votre pépite offensive, le jeune Yohoré, qui a été désigné meilleur joueur du Tournoi international U17 de Marignane. On a aussi aperçu votre international togolais Kossivi Nouwoklo, recruté en avril et qui a fait des débuts remarqués en milieu offensif gauche….
Yohoré, c’est juste pour le championnat car il est encore très jeune. Je l’ai connu à l’Académie. Actuellement, on a aussi Yssouf Dao, le buteur, et Baba Lamine Traoré qui comme Yohoré sont issus de l’Académie. Le Togolais, on ne le connaissait pas avant. Mais dès la première séance, j’ai senti qu’il nous apporterait un plus au plan technique. Il a une expérience qui peut nous apporter beaucoup. Il s’est intégré facilement, c’est une bonne pêche. De ce point de vue, les recrues sont bonnes : en novembre, on a accueilli Hervé Kouakou Koffi, notre gardien de but actuel, qui arrivait du Burkina Faso. Il nous a épatés. En Afrique du Sud, il a été exceptionnel et nous a permis d’éliminer les Kaizer Chiefs en seizièmes de la Ligue des champions. C’est dire. On a aussi notre capitaine Goua Marc aussi, qui a été présélectionné aussi chez les Eléphants. L’équipe s’est bonifiée au fur et à mesure.
Pas de souci donc pour se motiver !
Non, les joueurs savent que c’est un beau challenge. Quand on en a l’occasion, il faut en profiter. Ils ont compris que cette compétition pouvait être un tremplin pour eux, s’ils veulent partir. Le fait d’être bien remontés au classement les a aussi aidés. On sait que rien ne sera facile, mais l’objectif principal ça reste de devenir champions de Côte d’Ivoire. On a fini les matches aller avec la meilleure défense du pays et offensivement, on n’est pas mal non plus !
Ce n’est pas la première fois que vous vous asseyez sur ce banc mythique du football africain. Vous vous pincez parfois pour vous dire, « je suis à l’ASEC » ?
Je pense que c’était l’un de mes rêves. Je suis venu ici en 2003, dans la foulée du coach français Pascal Théault, qui avait pris l’Académie. Je disais à l’intendant de l’ASEC que je souhaitais prendre l’équipe première. Un jour. J’ai fait un an avec Théault jusqu’en 2004 puis j’ai rejoint le Sabé de Bouna, pendant quatre ans. Je suis revenu ici comme adjoint. Mais j’avais en tête de prendre l’équipe. Jusqu’au moment où le président Ouégnin m’a donné le poste, après le départ d’un autre Français, Sébastien Desabre, dont j’étais l’adjoint. J’ai su que je devais saisir cette chance. Mais je le répète, je n’ai pas encore remporté le titre national. Cela reste mon objectif. Le cadre permet de bien travailler à Sol Béni. Ici, tout t’est facilité. Je suis à 100% dans le travail ».
Samir Farasha, à Abidjan