Depuis hier, 2022mag consacre une série aux grands techniciens arabes d’hier et d’aujourd’hui. Après avoir débuté par le multi-titré Shehata, nous poursuivons avec Rachid Mekhloufi, l’ancien stratège de l’équipe du FLN devenu très rapidement sélectionneur de l’Algérie post-indépendance.
Peut-on avoir été un joueur d’exception et réussir la transition en devenant ensuite un grand entraîneur ? Peu nombreux sont les Grands du football international à être parvenu justement à poursuivre sur les bancs ce qu’ils avaient commencé quand ils étaient encore en activité. Johan Cruyff fut de ceux-là, Didier Deschamps dans une certaines mesure aussi, Diego Simeone également.
Bien avant tous ces noms, Rachid Mekhloufi a incarné l’excellence. Est-il besoin de rappeler ses états de service, que ce soit avec l’AS Saint-Etienne, le Servette de Genève ou encore Bastia, dans une carrière qui l’a conduit à jouer jusqu’à plus de 34 ans ? Fer de lance de l’équipe du FLN, cet ancien international français (4 capes) a évidemment porté sur tous les continents les idéaux d’indépendance du peuple algérien pendant la guerre avant de s’investir plus encore dans le sport algérien dès la naissance officielle du pays. C’est d’abord en tant qu’entraîneur-joueur que Rachid a développé son goût pour le métier de coach à Bastia (1968-70).
Au lendemain de la mort de son ami des années de lutte Abdelaziz Bentifour, Mekhloufi succède à Hamid Zouba sur le banc de la jeune équipe nationale d’Algérie (1971-72). Une première incursion technique sur le banc des Fennecs, qui en appelle d’autres, même si elle ne débouche sur aucune participation à un tournoi majeur.
Quelques années s’écoulent avant que Mekhloufi ne réapparaisse sur un banc, ce sera encore celui de l’Algérie. Joueur fin et technique, il a également continué de professer un jeu offensif puissant forcément dans les qualités naturelles du joueur algérien. Rachid est rappelé à l’occasion des Jeux Méditerranéens qu’organise l’Algérie. Un tournoi que la jeune formation assemblée va remporter en disposant de la France (3-2) en finale. Malheureusement, l’Algérie manque les qualifications pour les CAN 1976 et 1978, ainsi que la qualification pour la Coupe du Monde 78 face à la Tunisie, qui ira en Argentine.
1978 permettra cependant à l’Algérie de Mekhloufi d’asseoir sa position de nation montante en remportant les Jeux Africains en juillet à Alger, face au Nigeria. Un titre qui, s’il n’a pas le retentissement d’une victoire à la CAN, lui vaut un grand respect. Il se retire en 1979. Installé en Tunisie, il dirige l’Avenir de la Marsa (ASM) en 81-82 avant d’être rappelé sur le banc de l’Algérie pour le Mundial espagnol 1982, en qualité de directeur technique, aux côtés de Mahieddine Khalef. L’Algérie domine la RFA et l’Autriche mais, victime du match de la honte (arrangement entre la RFA et l’Autriche), est éliminée au 1er tour, malgré deux victoires. L’Algérie de Belloumi, Assad et Madjer a séduit, et elle le doit aux préceptes de beau jeu de Mekhloufi, qui aura enfin vécu un tournoi FIFA avec son pays. Le grand Rachid fera une dernière pige sur un banc, celui de l’AS La Marsa, dix ans plus tard, avant de prendre une retraite bien méritée.
L’un des grands mérites de Mekhloufi aura été de jeter un pont entre les pionniers de l’équipe du FLN, prélude à la naissance de la sélection algérienne, et les générations suivantes, post indépendance. Apôtre du beau jeu, il aura également, par son travail inlassable de recherche des talents, contribué aux succès des années 1980 même s’il n’était plus sur le banc. Il a également occupé, très peu de temps (1988) la présidence de la fédération algérienne. Mais Rachid est un homme de terrain plus que de bureau et c’est sur les rectangles verts que son œuvre a pris forme. Le natif de Sétif, désormais âgé de 83 ans, continue de couler des jours paisibles entre la Tunisie et l’Algérie.
Grand observateur du football africain et européen, français et algérien, Rachid mérite amplement sa place de Grand parmi les grands dans ce panthéon des techniciens du football arabe qui ont contribué aux succès de leurs nations et clubs respectifs.
@Samir Farasha