Dans les années 80 quatre jeunes footballeurs au diapason, d’abord insouciants puis matures, constituèrent la plaque tournante de l’équipe de France de football. Quatre garçons doués pour sentir le cuir, au sein d’une sélection nationale dirigée par le romantique Michel Hidalgo puis par le taiseux Henri Michel, qui écriront l’une des plus belles pages de l’histoire du ballon rond hexagonal. Platini-Giresse-Tigana-Genghini dans sa première mouture puis Luis Fernandez remplaçant Genghini dans sa seconde version constitueront ce carré, au milieu de terrain, qui sera très vite qualifié de magique par tous les observateurs. Auteur du délicieux « Le carré magique » (aux éditions Talent Sport), Patrick Lemoine fait revivre le temps d’une lecture une époque et un certain esprit du jeu que l’écrivain Philippe Delerme, préfacier du livre, résume parfaitement : « le carré était la création même, le goût du risque et le pouvoir de nous faire frissonner… ». Une façon de jouer que le quatuor a su magnifier en donnant à la mémorable défaite de Séville, face à l’Allemagne en demi-finale du mondial espagnol, un cachet indélébile qui construira la future victoire française à l’Euro 84 et la remarquable campagne mexicaine de 86. Dans ce récit collectif un homme revient avec force : Michel Platini. Un Zlatan des temps anciens qui écrasait de son talent et de son autorité le groupe France. Un meneur d’hommes qui n’hésitait pas, après le discours du coach, à improviser des réunions informels sur la façon de contrer les adversaires du jour, à convoquer la presse pour dire lui ses quatre vérités sur une couverture médiatique désagréable ou à prendre en main la réorganisation tactique des Bleus, face au Brésil en 86, sans qu’Henri Michel n’ait eu son mot à dire. Outre cette plongée dans l’intimité tricolore, l’autre intérêt de cet ouvrage est de nous immerger au coeur d’une époque que les moins de trente cinq ans ne peuvent pas connaître. Une période où les journalistes avaient droit à leur quart d’heure d’interview dans le vestiaire, où ils pouvaient appeler chez eux les artistes du rectangle vert, où ils dictaient par téléphone leur papier à une sténographe. Une parenthèse révolue où le Walkman, le tarot, l’aérobic, la télévision à écran bombée servaient de distraction. Un temps où les salles de musculation, les terrains synthétiques et la cryothérapie ne faisaient pas encore florès. Sans tomber dans la nostalgie l’auteur nous invite donc à rembobiner ces quelques années – mars 81 à juin 86 -qui ont semé les germes d’une France du ballon rond qui s’est dépouillée de son complexe d’infériorité pour adopter un style élégamment conquérant. On n’aurait donc tort de ne pas accepter cette invitation….
@nassermabrouk