Dans Magique Système (Les éditions Marabout), Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes sont partis enquêter en Afrique sur les coulisses de ce business florissant.Les deux journalistes nous narrent une traite sportive des temps modernes
6000, le chiffre suffit à imaginer l’ampleur du phénomène. C’est le nombre d’adolescents africains qui partiraient chaque année pour espérer se faire une place au soleil sur les rives rémunératrices du football professionnel. Et au sein de cette vaste armée en crampons, on estime à 70% le nombre de ceux qui seraient en situation d’échec, qui à évoluer dans des divisions amateurs, qui à zoner en attendant qu’une opportunité puisse voir le jour. Dans Magique Système (Les éditions Marabout), Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes sont partis enquêter en Afrique sur les coulisses de ce business florissant.Les deux journalistes nous narrent une traite sportive des temps modernes où les coups bas sont bien plus douloureux qu’un tacle assassin de Claudio Gentile *. Le Nigeria, la Cote d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal et le Ghana sont, à l’échelle du continent, les principaux pays pourvoyeurs de talents.
On n’hésite pas à y institutionnaliser le trafic d’identités des apprentis footballeurs soit en les rajeunissant pour qu’ils soient potentiellement « bankables » plusieurs fois, et qu’ils dominent les classes d’âge auxquelles ils sont rattachés tout en rapportant des titres à leurs nations, soit en leur conférant une virginité administrative afin d’échapper au radar des fédérations nationales, lesquelles ferment allègrement les yeux quand elles ne sont pas elles-mêmes complaisantes. Une complicité qui se fait grâce aux agents ou rabatteurs véreux qui sont le premier maillon de la chaine. En échange de plusieurs milliers d’euros, ils promettent monts et merveilles à cette multitude de gamins qui rêvent d’un futur doré à la Samuel Eto’o.
Une crédulité de la jeunesse qui est d’ailleurs à l’origine du foisonnement d’académies dirigés par des bonimenteurs sans foi ni loi. Rien que pour la seule Cote d’Ivoire, on compte près de 400 structures dont seulement 5 sont agréées par la fédération. Les deux auteurs nous rappellent également qu’en aval, quand un prodige arrive à éclore au nord de la Méditerranée, les grands gagnants sont les clubs européens. Ces derniers s’accommodent d’autant mieux des tricheries diverses qu’ils peuvent exploiter cette main (pied) d’oeuvre avant d’en espérer une belle plus value à la revente. Le tout sans bourse délier vis à vis des clubs africains qui sont toujours en attente du versement des indemnités de formation qui leur sont dues. Outre la qualité du travail d’explication de cette face sombre du ballon rond, Magique Système donne la parole aux vraies victimes de cette vaste escroquerie et tente d’alerter les jeunes pousses naïves que derrière le succès pécuniaire et sportif de certains se cache la misère du plus grand nombre.
@ Nasser Mabrouk
* défenseur central italien des années 70 et 80 qui avait la particularité d’être très rugueux