Manchester United – Manchester City, 1-2. Le Théâtre des Rêves a vibré samedi après-midi pour le duel au sommet entre les deux frères ennemis de la Premier League anglaise.
Au bout d’un match passionnant et d’une grande intensité physique, les Citizens se sont imposés grâce notamment à une première période maîtrisée et concrétisée par deux buts inscrits par l’international belge Kevin De Bruyne (15′) et l’attaquant international nigérian Kelechi Iheanacho (36′). La réduction du score par l’inévitable Zlatan Ibrahimovic eut le mérite de relancer le match. Mais les hommes de Jose Mourinho n’ont pas réussi à recoller au score malgré une forte pression au début et à la fin de la deuxième période. De leur côté,les protégés de Pep Guardiola ont eu deux ou trois occasions de tuer le match. Première défaite pour les Diables Rouges qui laissent leurs voisins seuls en tête de la Premier League. Focus sur les acteurs d’un premier derby qui a annoncé sans doute une saison à venir exceptionnelle pour la métropole des bords du Mersey.
Un duel pour la suprématie locale
Si Londres peut se targuer d’abriter quelques ténors du ballon rond (Chelsea, Arsenal, Tottenham), la partie septentrionale du pays peut quant à elle s’enorgueillir d’héberger l’âme du football britannique. Avec pas moins de quatre cadors (les deux de Manchester, Liverpool, Everton), le nord de l’Angleterre constitue le coeur de la passion supportériste du pays qui a inventé le football moderne. Et à l’intérieur de ce quatuor d’équipes, Man U et City sont aujourd’hui les deux locomotives, par ailleurs concurrentes, de la région. Cette rivalité entre les deux géants de Manchester a été revivifiée quand, en septembre 2008, le fond d’investissement d’Abu Dhabi United Group a racheté les Citizens. Les dirigeants du Golfe n’ont pas hésité à injecter des sommes faramineuses pour venir concurrencer leur voisin. Une stratégie payante qui a permis au club du président Khaldoon Al Mubarak d’engranger plusieurs trophées depuis 2011 (deux championnats, une Coupe d’Angleterre,un Community Shield et une coupe de la ligue). Cette renaissance a curieusement coïncidé avec la fin de règne d’Alex Ferguson à la tête des Red Devils. Après le retrait en 2013 de l’inoxydable écossais, le natif de Glasgow a passé vingt-sept années à la barre technique de l’équipe, les approximations managériales de la famille Glazer (le propriétaire américain) – avec les nominations de David Moyse puis de Louis Van Gaal- et les nombreuses erreurs dans le recrutement ont grippé la belle machine à titres. La conséquence de cette politique aventureuse, c’est que les Bleu Ciel et Blanc en ont profité pour réduire l’écart avec les Mancuniens. Ainsi depuis que les Emiratis ont repris en main le destin des Blues, le club affiche une parfaite symétrie en matière de résultats avec United, soit sept victoires et deux nuls en seize confrontations directes. L’arrivée au début de l’été de José Mourinho arrive donc à point nommé pour tenter de redorer le blason du champion d’Angleterre 2013 en reprenant le large sur City
Un duel d’entraineurs
Si le spectacle sera avant tout sur le rectangle vert, les bancs de touche devraient aussi polariser l’attention des médias. Depuis que les noms de José Mourinho et Pep Guardiola sont annoncés du coté de l’Angleterre, la presse locale n’a pas attendu que le calendrier du championnat soit révélé pour créer le bourdonnement médiatique autour des deux protagonistes. La venue du Portugais à Manchester United exacerbe encore plus une inimitié, entre les deux hommes, qui est née à l’époque où ces derniers officiaient au Real Madrid et à Barcelone. Au delà de la guerre psychologique à laquelle se livrent régulièrement les deux techniciens, on devrait assister au « Théâtre des rêves » (surnom d’Old Trafford), ce samedi, à une opposition de style entre deux approches du football totalement différente. Si le Lusitanien est connu pour sa propension à privilégier le résultat, fut-il obtenu sans la manière et au prix d’un don de soi de tous les instants, c’est tout le contraire d’un Pep Guardiola qui apparait comme un intellectuel épris de beau jeu. Un esthète du ballon rond qui pousse l’innovation à son paroxysme en imaginant, y compris pendant les matches, plusieurs schémas tactiques qui obligent ses joueurs à être polyvalents. Difficile donc d’imaginer qui du réalisme mourinhesque ou du romantisme guardiolesque sortira vainqueur de ce duel?
Un duel pour le titre
Si le dernier exercice n’a pas souri aux deux formations de Manchester, avec respectivement une quatrième et une cinquième places pour les Citizens et les Mancuniens, pour un nombre de points identiques (66 pts), le titre de champion devrait en revanche concerner les deux équipes cette saison. Pour parvenir à cet objectif qui fut majoritairement la chasse gardée de la ville sur ces dernières années, avec cinq titres pour United (2007/2008/2009/2011/2013) et deux pour City (2012/2014), les états majors des deux clubs ont massivement investi lors du mercato estival. Quand Pep Guardiola a eu le droit de « claquer » une enveloppe de 213 millions d’euros (Gundogan, Bravo, Sané, Nolito, Stones..), José Mourinho s’est contenté de menues étrennes estimées à 200 millions d’euros (Ibrahimovic, Pogba, Mkhitaryan, Bailly..). Ces dépenses somptuaires permettent ainsi aux deux formations d’entrer dans les annales en faisant du match de samedi le plus cher de l’histoire avec un probable onze de départ, des deux cotés, qui devrait approcher les 800 millions d’euros déboursés rien qu’en transferts (416 pour United et 383 pour les Sky Blues). Après trois journées de championnat, les moyens mis en oeuvre pour se renforcer semblent donner raison à leurs promoteurs. Avec trois victoires de rang, les deux rivales trônent déjà en tête du classement, à égalité de points avec le Chelsea d’Antonio Conte. Même si le derby de ce samedi n’est pas encore décisif à ce stade de la compétition, nul doute qu’une défaite pourrait avoir un réel impact sur le malheureux vaincu.
@ Nasser Mabrouk