Après la Zambie, l’Angola et la Côte d’Ivoire, le technicien français débarque officiellement au Maroc où il vient d’être nommé ce mardi en remplacement de Badou Zaki.
Qui aujourd’hui sur le continent africain, ne rêverait pas d’un technicien aussi chevronné qu’Hervé Renard pour conduire les affaires de sa sélection ou de son club ? Jusqu’à sa nomination officielle sur le banc des Lions de l’Atlas du Maroc, intervenue ce mardi matin au siège de la FRMF, le Cameroun s’est intéressé au Français, avant de confier les clés au Belge Hugo Broos. Et de nombreux clubs de renom en Egypte pensaient encore à lui avant qu’il ne se mette d’accord avec la FRMF.
Présenté par le président de la FRMF, Fouzi Lekjaa, Renard aura la responsabilité des A mais aussi de l’équipe locale engagée en éliminatoires du CHAN, sans oublier les olympiques (U23), une charge qui ressemble à celle qui était la sienne lors de son passage en Zambie. Premier technicien à remporter deux Coupes d’Afrique (CAN) avec deux nations distinctes – 2012 avec la Zambie, 2015 avec la Côte d’Ivoire – et médaillé de bronze au CHAN 2009, l’ancien pensionnaire du centre de formation de l’AS Cannes dispose d’une immense cote de popularité hors de France que ses échecs relatifs dans son propre pays (relégation de Sochaux malgré un superbe parcours, renvoi précoce du LOSC) n’ont pas ternie, loin s’en faut. « Un jour en haut, un jour en bas. Tout va tellement vite dans le football, je le sais, alors je ne m’enflamme jamais ». Renard, dans un entretien donné à France Football après son premier sacre de 2012, relativisait évidemment son succès du moment. Et d’une certaine façon, anticipait ce qui lui arriva en novembre dernier quand la direction de Lille décida de lui retirer la conduite de l’équipe après moins de cinq mois passés sur le banc des Dogues. C’est que le temps du football en Europe n’est pas nécessairement le même en Afrique.
« Un beau challenge ». Voilà ce qui a naturellement conduit le Français à orienter sa réflexion en faveur du Maroc, même si ses émoluments – un salaire de l’ordre de 55 000 euros hors primes (600 000 dirhams, 800 000 en cas de qualification pour le Mondial) – étaient aussi de nature à favoriser ce choix au détriment d’une aventure plus compliquée du côté de Yaoundé, où l’instabilité décourage les plus courageux. Mais pas seulement. Pour n’avoir encore jamais disputé de phase finale de Coupe du monde, ce qui fut son grand regret avec la Zambie, Renard s’est certainement donné les chances de jouer cette carte avec les Lions de l’Atlas, dont le potentiel sportif, de Belhanda à Benatia en passant par Ziyech et El Arabi, voire Boufal, ne doit pas être mésestimé.
Renard, son parcours en atteste, ne craint pas l’adversité. Qu’elle vienne des médias, des dirigeants ou du public lui-même. Ramer à contre courant n’est pas pour l’effrayer, s’il considère qu’il vaut mieux dans un sens plutôt que dans un autre pour le bien de sa mission. « Les critiques, je les comprends. C’est normal, il faut persuader les gens, montrer, prouver. Mais plutôt qu’évoquer ceux qui critiquent, je veux rendre hommage à ceux qui m’ont donné la chance ».
Le voici donc au pied de l’Everest, avec un ticket pour le Mondial à décrocher. C’est vrai, le Maroc n’a plus participé depuis 1998 à un Mondial, mais vingt ans plus tard l’occasion paraît belle de renouer avec cette compétition. La motivation du nouvel arrivant est réelle, l’ambition du pays est connue, et les moyens mis à disposition du groupe plutôt conséquents, qu’il s’agisse des déplacements, des stage ou des matches amicaux. Reste à valider cette promesse. Sur le terrain.
Beaucoup de techniciens chevronnés s’y sont essayés, on pense naturellement à Badou Zaki, recalé notamment à l’automne 2005 par la Tunisie. Renard, dont les qualités de meneur d’hommes ne sont plus à présenter, n’a pas toujours brillé en éliminatoires des compétitions comme la CM ou la CAN par le passé, on le sait plus à l’aise dans la gestion d’une phase finale. C’est forcément l’un de ses challenges personnels. Le Français est-il revanchard par rapport à sa dernière mission écourtée avec le LOSC ? Difficile de l’affirmer avec certitude. Coacher une sélection et diriger au quotidien un club ne recouvrent pas exactement les mêmes contours sur les plans technique, psychologique, organisationnel et tactique. Renard retrouve un terrain qu’il maîtrise bien, et sera appuyé dans cette tâche par son adjoint historique, Patrice Beaumelle, qui fut de toutes ses précédentes aventures africaines, ainsi que de Mustappha Hadji, entre autres.
Respectueux de ses confrères, Renard prendra certainement ses distances avec son prédécesseur, l’immense Badou Zaki. Mais il le fera avec respect, sans chercher à démolir ou à critiquer publiquement une façon de faire. Fidèle en cela à une ligne de conduite qui est la sienne depuis une dizaine d’années qu’il parfait sa philosophie d’entraîneur et sa méthode. « Je félicite le sélectionneur précédent pour ses bons résultats », a t-il d’ailleurs déclaré lors de sa présentation.
Ecorché vif même s’il ne le montre pas, Renard n’a pas forcément goûté puis digéré la défiance du microcosme du foot français à son égard. Un milieu qui pensait de lui qu’il n’avait pas la capacité de diriger de grands joueurs. « J’ai la fierté d’avoir mené des hommes comme Yaya et Kolo Touré, Gervinho, Wilfried Bony, Aurier, jusqu’à la victoire. On dit toujours de moi : « Il n’est peut-être pas capable de gérer des stars… » Je pense que j’ai répondu ! » expliquait-il dans les colonnes de l’hebdomadaire spécialisé français France Football quelques heures après avoir remporté sa deuxième CAN.
Renard, dont la mission contractuelle est triple (qualification à la CAN 2017 et demi-finale du tournoi, qualification pour le Mondial 2018) est habité par une confiance inébranlable qui lui a toujours permis d’avancer : « Entraîner, c’est toujours croire en soi, ne jamais douter, on est d’une fibre différente. Je fais un métier fantastique, j’ai la chance d’être là » disait-il encore à FF.Ses statistiques à la CAN plaident également en sa faveur : « Je suis sur une série de quinze matches sans défaite en phase finale de CAN. J’ai besoin de la compétition parce qu’il y a toujours quelque chose à aller chercher. J’ai besoin de challenges importants même s’ils sont difficiles. J’ai soif de compétitions, de challenges, et ce n’est pas fini. » Dès le mois prochain, Renard entrera dans le vif du sujet avec la reprise des éliminatoires de la CAN 2017, et une double confrontation contre le Cap Vert, les 23 et 27 mars, pour les 3e et 4e journées des poules. Les deux formations sont à égalité de points (6) après les deux journées initiales.
@Samir Farasha