L’élimination de l’équipe du Maroc U23 défaite par son homologue tunisienne, pour la phase finale de la CAN U23 qualificative pour les JO 2016, n’en finit pas de provoquer des remous au pays. Pour calmer un peu le jeu après l’énorme déception suscitée par la médiocre prestation des poulains d’Hassan Benabicha en Tunisie (défaite 2-0), Nasser Larguet a décidé de s’exprimer. Le Directeur Technique National endosse une partie du fiasco des Lionceaux en se déclarant « responsable des résultats de l’équipe nationale olympique ». Avant d’assener crûment certaines vérités : « Nos joueurs n’ont pas été à la hauteur. Ils étaient mauvais. Nous devons tous prendre nos responsabilités en main, joueurs et staff technique». Le courroux du patron du foot marocain traduit l’échec patent, sur la durée, d’une politique de formation mise en place depuis plusieurs années par la Fédération royale marocaine de football (FRMF).
Ce ne sont pourtant pas les hommes et les importants moyens mobilisés qui ont manqué dans ce dispositif. Ainsi le Maroc jouit depuis six ans d’un centre de formation unique sur le continent africain et qui ferait pâlir d’envie beaucoup de pays y compris européens : l’Académie Mohamed VI de football. Cet outil a vu le jour en septembre 2009 et a couté la jolie somme de 140 millions de dirhams (13 millions d’euros). Il s’étend sur une superficie de 18 hectares et se compose de cinq pôles spécifiques (hébergement, pédagogique, médico-sportif, technique – 5 terrains de football- et administratif). Basée sur le modèle des sports-études européens, l’Académie s’organise autour de la préformation avec les minimes (12-14 ans), la spécialisation avec les cadets (14-16 ans) et la professionnalisation des juniors (16-18 ans). A ces sections, s’ajoute l’école de football (6-12 ans) qui compte 800 footballeurs en herbe. Lors de l’inauguration de son joyau, le ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, Moncef Belkhayat voyait à travers ce complexe « la nouvelle stratégie du ministère en matière de formation et d’encadrement » qui « représentera une grande motivation pour la jeunesse marocaine puisque grand nombre de jeunes aspirent à devenir des footballeurs de haut niveau ». De son coté, l’ex-président de la Fédération, M.Ali Fassi Fihri rappelait que l’Académie est « une réalisation extraordinaire non seulement du point de vue de l’infrastructure mais aussi de son cursus de formation« .Pour diriger ce magnifique écrin, les autorités royales marocaines ont fait appel à des techniciens dont la compétence est incontestable : Nacer Larguet et Pascal Théau. Le premier a été à la tête des centres de formation de Rouen, Cannes, Caen et Strasbourg tandis que le second est l’ancien directeur de l’académie Mimosifcom en Côte d’Ivoire. Deux personnalités issus de la formation française qui reste à ce jour une référence mondiale.
Coté pelouse, les dirigeants de la FRMF avaient jeté leur dévolu sur Pim Verbeek. Le Hollandais a hérité du titre de Directeur Sportif des équipes nationales des jeunes, de 2010 à 2014. Un bail de quatre ans au cours duquel l’expérimenté entraineur batave, plus de trente années de pratique et moult pays traversés (la Corée du Sud, le Japon, l’Allemagne, les Emirats Unis ou encore l’Australie), supervisera les U17 et U19, les joueurs à potentiel évoluant à l’étranger ainsi que la sélection olympique. Au cours de son mandat, l’ex sélectionneur de l’Australie réussira à qualifier les Lionceaux pour les JO 2012 de Londres. Compétition durant laquelle ils n’auront jamais démérité. Les coéquipiers de Nordin Amrabat auront même offert un visage plaisant en réalisant deux matches nuls – face au Honduras (2-2) et à l’Espagne (0-0) – pour une courte défaite devant le futur demi finaliste, le Japon (1-0).
De belles promesses qui bénéficieront à son successeur, Hassan Benabicha. Le Marocain de 51 ans saura bien exploiter cet héritage en réalisant un magnifique tournoi de Toulon 2015. Sous sa coupe, l’équipe finira première d’un groupe composé de l’Angleterre, du Mexique ou de la Côte d’Ivoire. Cette pôle position vaudra aux camarades d’Achraf Bencharki, co-meilleur buteur de la compétition avec 4 réalisations, d’atteindre la finale. Face au pays hôte la France, les jeunes Marocains s’inclineront avec les honneurs (3-1). Au regard de ce travail de fond effectué depuis plusieurs années, et qui a su porter ses fruits lors des grandes compétitions internationales, on peut légitimement se demander pourquoi les U23 ont tant de mal à confirmer sur la durée. Dans les colonnes du journal le Matin, Nasser Larguet avance plusieurs explications. « Il faut reconnaître que sur le plan mental et la préparation de haut niveau, nos équipes ne sont pas encore performantes, s’emporte le DTN marocain. Et de poursuivre : » La majorité des joueurs U23 doivent jouer régulièrement avec leurs équipes premières.Il faut qu’ils soient confrontés aux problèmes que posent les défaites et à la nécessité d’aller chercher un résultat quand il le faut. Un joueur de haut niveau doit jouer entre 20 et 30 matchs par saison avec son club. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas ». Fort de ce constat le premier responsable du foot chérifien a décidé d’opérer deux changements importants: renforcer l’encadrement technique des équipes de jeunes et ne convoquer que les éléments qui auront un temps de jeu régulier dans leurs clubs. Quid de Benabicha à la tête de la sélection ou des réformes à venir dans le football marocain pour permettre a ces jeunes d’exprimer tout leur potentiel ? Une chose est sûre, ce n’est pas en fermant ses frontières aux joueurs étrangers que le problème se réglera. La solution se trouve plutôt du coté des présidents de clubs qui n’ont du ballon rond qu’une vision clinquante et aucune stratégie sur le long terme…
@ Mansour Fodil