Sélectionneur de la Mauritanie pour les deux ans à venir, l’ancien coach du Stade Brestois de passage de Paris a accepté d’évoquer ses premiers mois à la tête des Mourabitounes, ses objectifs et un pays qu’il découvre.
Corentin Martins, dans quelles circonstances vous êtes-vous retrouvé à la tête des Mourabitounes, l’équipe nationale mauritanienne ?
Les premiers contacts téléphoniques remontent à août. On s’est ensuite rencontré en septembre sur Paris avec le Président de la FFRIM Ahmed Yahya. On était plusieurs entraîneurs sur la liste et puis ça s’est réduit au fur et à mesure.
Cela correspondait-il à une volonté de votre part de connaître une expérience à l’étranger ou en tant que sélectionneur national ?
C’était surtout en fonction des opportunités qui se présentaient. J’avais été directeur sportif et entraîneur dans un club. Donc, s’il y a avait aussi une possibilité qui se présentait dans ces deux domaines-là, c’était à réfléchir. Et puis à saisir. Un an auparavant, un agent m’avait demandé si devenir sélectionneur m’intéresserait. Comme c’était en juin et que la saison venait de se terminer avec Brest, j’avais encore la tête dans le seau de l’expérience malheureuse de la descente. J’ai répondu que je ne voulais pas entendre parler de ça. Et puis j’ai eu un autre contact avec une sélection en novembre de l’année dernière.
Laquelle ?
C’était le Mali mais ça ce n’est pas fait. Et puis il y a eu la Mauritanie. Cela va être une expérience intéressante et différente de ce que j’ai vécu.
Vous êtes-vous intéressé au potentiel des Mourabitounes avant de vous engager ?
Je connaissais déjà des joueurs, Adama Ba, que j’avais lancé en L1 à Brest, et Guidileye Diallo que j’étais allé recruter à Troyes pour Brest. Adama m’avait du bien d’un autre Mauritanien, Bessam, c’était en décembre dernier avant le CHAN. Je l’ai suivi via la vidéo en Afrique du Sud et j’ai même eu un contact téléphonique avec lui. Voilà.
Quels objectifs la FFRIM vous a-t-elle assignés, et de quels moyens disposez-vous pour les mener à bien ?
Les objectifs, il faut qu’ils soient élevés ! En premier lieu la qualification pour la CAN 2017, et une nouvelle qualification pour le CHAN 2016. 2017, ce ne sera pas facile à réaliser parce qu’on sait que la Mauritanie n’est pas une grande nation de football. Mais ce n’est pas pour ça qu’on ne va pas se présenter avec une grande motivation aux échéances qui se présenteront à nous. On verra où cela va nous mener. Je pars du principe qu’il faut se montrer ambitieux à chaque match et essayer de le gagner.
Les moyens correspondent-ils à votre attente ?
Un sélectionneur bouge tout le temps. Pour pouvoir suivre les joueurs, en France ou ailleurs. Il y a aussi un championnat à suivre localement, même si j’ai mes deux adjoints sur place pour m’y aider. Il faut le suivre parce que ces joueurs nous permettront de nous qualifier pour le CHAN. Je suis responsable des A mais aussi des locaux, il faut donc monter un groupe compétitif pour cette échéance de 2016.
Quel est votre calendrier de travail ?
On sait que pour préparer une CAN, on ne peut s’appuyer que sur les dates FIFA. Donc je ne peux pas prévoir de rassemblements hors ces périodes. Par contre, pour le CHAN, j’espère pouvoir faire des rassemblements toutes les six semaines. Le premier est prévu fin janvier au Sénégal, à l’institut Diambars. Il doit durer dix jours. Aujourd’hui, je ne sais pas exactement ce que sera le budget dévolu aux sélections pour 2015 mais je ne suis pas quelqu’un d’exigeant. Si ça doit se faire à Nouakchott, ce n’est pas un souci.
Avez-vous lancé des matches de préparation ?
Rien d’officiel. On sait que fin mars, il y a une date FIFA pour les A. D’ici là, j’espère pouvoir organiser encore un autre rassemblement des locaux, entre début février et fin mars.
On vous a vus échanger avec vos futurs joueurs dès votre nomination. Le contact a t-il été bon ?
C’était le rassemblement au Maroc, suivi d’un match amical. Le président m’avait demandé de venir. C’était avant tout une prise de contact et de l’observation. J’ai pu discuter avec le staff et quelques joueurs aussi. J’ai trouvé des gens accueillants et le contact s’est bien passé.
Depuis, avez-vous continué à rencontrer ou discuter avec vos joueurs ?
Oui, il y a eu des coups de fil depuis novembre. J’ai passé 17 jours à Nouakchott en novembre où j’en ai profité pour superviser huit matches. J’ai aussi pris contact ici avec des joueurs qui évoluent en France et sont déjà internationaux.
Quelle sont vos premières impressions du pays et de son football ?
J’ai trouvé qu’il y avait un certain niveau technique. Les Mauritaniens, je l’ai senti, aiment bien le ballon. Au niveau des infrastructures, il y a un peu de manque mais c’est convenable comme dans beaucoup de nations africaines. Je sais qu’à Nouakchott, il y a deux synthétiques qui permettent aux sept clubs de D1 de s’entraîner. Du coup, les clubs tournent. J’ai pu assister à deux entraînements.
C’est aussi votre première expérience à l’étranger. Vous n’êtes pas inquiet ?
Je la prends avec beaucoup de motivation et avec l’envie de réaliser de belles choses, de gagner un maximum de matches, d’atteindre des objectifs jamais atteints. Même si j’ai dit que ce serait compliqué. On verra si on mérite de se qualifier pour la CAN ou non.
« Le favori de la CAN 2015, c’est l’Algérie »
La CAN justement, vous y intéressiez-vous avant ?
Je la suivais sans vraiment la suivre. Je regardais les matches de Coupe d’Afrique. Ce qui se dégage, c’est les ambiances dans les stades, les couleurs, c’est festif.
C’est aussi une compétition très disputée au delà du folklore qui tend à se perdre…
Il y a des équipes avec des joueurs de très haut niveau, Côte d’Ivoire, Mali, Cameroun, avec leurs expatriés dans les plus grands clubs d’Europe. On va se présenter sur le terrain et donner le maximum.
Allez-vous suivre l’édition 2015 ?
Je vais surtout observer les pays que je ne connais pas. Il faudra être attentif, on sera aussi en stage au Sénégal à cette période. J’essaierai de la suivre avec mon staff en vue de futures confrontations.
Quels sont vos favoris ? L’Algérie a-t-elle ses chances ?
La facilité, c’est l’Algérie. Tout le monde pense qu’elle va gagner cette CAN, et ce serait assez logique par rapport aux résultats de la dernière Coupe du monde et des éliminatoires où ils ont été très impressionnants. Maintenant, une compétition c’est différent. Comment vont-ils la gérer sur le plan émotionnel, on ne le sait pas. Il y a toujours une équipe surprise. Le Cameroun revient bien. La Côte d’Ivoire ? Point d’interrogation.
Vous avez été entraîneur de club, aujourd’hui sélectionneur. On entend régulièrement les clubs se plaindre des départs de joueurs à la CAN. Maintenant que vous êtes de l’autre côté de la barrière, comment envisagez-vous ce débat ?
Déjà, je n’appelle les joueurs qu’aux dates FIFA. La CAN c’est la même chose. Quand on recrute un joueur, on connaît déjà les dates de la compétition quelques mois auparavant. Ou alors, on ne recrute pas le joueur ! Peut-être qu’on sera amené à discuter au cas par cas pour un match ou un joueur. Je suis ouvert au dialogue.
Vous vous inscrivez dans la lignée des coaches français d’Afrique…
C’est vrai qu’il y a des Français qui font de l’excellent boulot. Renard avec les Ivoiriens par exemple. J’ai eu de bons échos sur lui et il n’est pas passé loin de l’exploit avec Sochaux la saison passée.
Y aura t-il justement des entraîneurs français avec vous ?
Oui : un entraîneur des gardiens de but, Vincent Fernandez, et Vincent Rautureau en tant qu’adjoint, ainsi qu’un kiné français.
Ce métier de sélectionneur que vous découvrez au quotidien, y prenez-vous plaisir ?
J’ai hâte de vraiment commencer et d’être sur le terrain ! Là, c’est une phase surtout d’observation de joueurs sélectionnables. Pendant mes 17 jours passés à Nouakchott, j’ai apprécié parce que j’ai pu découvrir le niveau du championnat et un certain nombre de joueurs que je ne connaissais pas. J’ai dégagé une liste de sélectionnables. Je me fais une base de données avec les âges, les vrais postes. D’où l’importance d’avoir des nationaux dans le staff, qui sont les garants de toutes ces infos.»
Samir Farasha et Fayçal Chehat
Rédaction @2022mag.com