Si ce n’est pas en Russie, l’ancienne ville de York, un endroit autrefois gouverné par les rois Viking, aurait semblé être le lieu approprié pour assister aux quarts de finale de la Coupe du monde entre l’Angleterre et la Suède. Une chronique de notre correspondant à Londres, James Gordon.
Un samedi après-midi étouffant, plus conforme à une journée d’été russe, nous nous sommes entassés dans un bar bondé près de la gare et avons regardé l’Angleterre progressivement démanteler un onze suédois solide. Sous nos yeux, une Angleterre méconnaissable par rapport à l’équipe qui n’a pas réussi à sortir des phases de groupes de la dernière Coupe du Monde, et qui a perdu face à une équipe islandaise extrêmement moyenne il y a deux ans en France pendant l’Euro.
Gareth Southgate – ou Sir Gareth – comme on le verra s’il rapporte la coupe à la maison, a trouvé la formule gagnante en mettant l’accent sur les forces de l’Angleterre – le rythme, le contrôle et le volume athlétique. En tant qu’ancien joueur ayant raté un penalty à l’Euro 96, il comprend parfaitement l’importance du côté mental du jeu pour ses joueurs. Avec une préparation mentale, la pierre angulaire du succès de l’Angleterre, il n’est peut-être pas surprenant qu’ils aient remporté leur première séance de tirs au but en Coupe du monde contre la Colombie en huitièmes.
Mais, alors que l’Angleterre se prépare à affronter la Croatie en demi-finale de la Coupe du monde et que la France affronte la Belgique dans l’autre demi-finale européenne, le football sur le continent africain est au plus bas. En Russie, aucune équipe africaine n’a atteint les huitièmes de finale, la pire performance du continent en 36 ans. L’ancien attaquant ivoirien Didier Drogba a confié à Fox News que le football africain avait subi un « grand recul », alors que l’ancien arrière camerounais, Lauren, était tout aussi pessimiste, lorsqu’il a déclaré à la BBC avant le tournoi qu’une équipe africaine en demi-finale ne serait « pas la réalité ». Alors, les équipes africaines pourraient-elles apprendre quelque chose de l’Angleterre, une nation qui a si souvent « sous-performé » dans le football international ? Et si oui, que pourraient apprendre les fédérations africaines de Southgate et de ses hommes ?
Prendre le bon coach
La nomination d’un coach de très haut niveau ne fonctionne pas toujours, ce que l’Angleterre et la Russie ont appris à leurs dépens. Tous deux ont nommé Fabio Capello. Mais aucun des deux n’a récolté de récompense en le recrutant. Mais est-il si surprenant que Capello n’ait pas pu transférer son succès en clubs sur la scène internationale ? Le jeu tel qu’il est pratiqué au niveau international est très différent des défis quotidiens du football en club. Il exige une compétence différente, que Southgate a perfectionnée en tant que manager des moins de 21 ans en Angleterre, ce qui a fait de lui le candidat idéal pour entraîner l’équipe senior d’Angleterre.
Choisir la bonne équipe et jouer en équipe
L’équipe de Southgate en Angleterre est très différente de celle qui a perdu contre l’Islande il y a deux ans. Seuls six joueurs ont survécu à cet échec et sont présents. Certains ont pris leur retraite. D’autres ont été abandonnés. Et de plus jeunes joueurs ont été promus dans l’équipe. Aujourd’hui, l’Angleterre n’a pas de stars, mais plutôt plusieurs joueurs exceptionnellement talentueux. La génération dorée de Beckham, Lampard et Gerrard n’a pas réussi à rapporter de trophées, mais cette équipe – une équipe où le tout est plus grand que la somme de ses parties – pourrait tout simplement réussir à le faire !
Quand les équipes africaines jouent de cette manière, c’est toujours une formule gagnante. Prenons l’exemple du Cameroun en 1990, qui était à deux doigts d’atteindre les demi-finales de la Coupe du Monde en Italie. Largement issu des équipes françaises de première et deuxième divisions et de la ligue nationale camerounaise, cette équipe possédait une infatigable et incassable état d’esprit, qui a toujours fait la différence. Il semble que les Lions indomptables d’aujourd’hui ne soient pas si « indomptables ».
Jouer selon vos forces
Les sélections anglaises qui ont réussi ont toujours joué avec un tempo élevé. Elles ont aussi toujours été excellentes sur coups de pieds arrêtés. Dans cette Coupe du monde, l’Angleterre est justement la reine des coup de pied arrêtés ! Southgate et son staff ont également tiré le meilleur parti de sa jeune équipe en imposant un rythme intéressant sur les ailes, avec un effet remarquable. Finalement, après avoir expérimenté différentes formations, il a réalisé que jouer avec trois défenseurs centraux était le meilleur moyen de consolider les vulnérabilités défensives de l’Angleterre.
L’équipe nigériane la plus excitante que j’ai regardée – celle de 1994 – a clairement joué à l’époque sur ses points forts. Les Super Eagles ont joué à chaque match en utilisant un rythme puissant qui les rendait très dangereux à affronter. Cette formation emblématique avait aussi de la personnalité et de la passion en elle. Il suffit de revoir les images de feu Rachid Yekini déchirer le filet après avoir célébré un but contre la Bulgarie pour s’en rappeler.
Fédérations, payez aux joueurs leur dû !
Lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil, le Daily Telegraph a rapporté que la fédération ghanéenne avait dû convoyer 1,8 millions de livres en espèces pour éviter une grève des joueurs. Il y a quatre ans, les équipes nigérianes et camerounaises ont également exigé que leurs frais d’apparition soient payés avant la Coupe du monde.
Il est impossible de dire que si cela a nui à leurs chances de progresser au Brésil, mais dans une interview au NY Times, Stephen Keshi, l’entraîneur des Super Eagles en 2014 aujourd’hui décédé, a laissé entendre que l’incertitude entourant les bonus aurait pu avoir un impact sur la performance de l’équipe. Il a déclaré : « peut-être certains joueurs ne sont pas totalement concentrés sur le jeu, probablement parce que beaucoup de choses se passent. »
Le succès dans le football est cyclique. L’heure de l’Afrique viendra …
Comme dans la vie, le succès sur le terrain est cyclique. Pelé a peut-être eu tort quand il a dit qu’une équipe africaine gagnerait la Coupe du monde avant l’an 2000, mais je suis convaincu qu’une nation africaine lèvera le trophée – et le fera le plus tôt possible. Prenez l‘Espagne et la France. L’Espagne a été la plus mauvaise équipe du football jusqu’à ce qu’elle remporte la Coupe d’Europe des Nations en 2008. La Coupe du monde a suivi et soudain les journalistes et les experts les ont décrits comme une superpuissance footballistique. La France a connu beaucoup plus de succès après avoir terminé troisième à deux reprises, mais en 1998, elle a finalement gagné. Et comme l’Espagne, les Bleus sont maintenant considérés comme une puissance mondiale du football. Si l’Angleterre lève la Coupe du monde pour la deuxième fois dimanche, son histoire récente d’échec glorieux sera également oubliée.
Pour tout footballeur africain, équipe, fédération ou supporter qui lit ceci, peut-être que le prochain chapitre de ce récit captivant et fascinant vous appartiendra …
@James Gordon (Londres )