Naïm Sliti a vécu une fin de saison formidable. Avec le Red Star, le meneur de jeu a espéré jusqu’au bout qu’une montée en première division était possible. Grâce à ses belles prestations en club, le stratège audonien a été nominé au titre de meilleur joueur de Ligue 2, aux trophées de l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels, pour finalement apparaitre dans le onze type. Cette reconnaissance du football français s’est accompagnée de celle du sélectionneur national, Henry Kasperczak, qui le convoque pour la première fois avec les Aigles de Carthage pour le stage de juin. Affable, souriant et disponible, le natif de Marseille a pris le temps pour 2022mag.com de revenir sur cette année pas comme les autres.
Je suis très attaché à la Tunisie
2022mag.: Quelle a été votre réaction au moment de recevoir votre première convocation pour la sélection tunisienne?
Naim Sliti : Je suis très content d’avoir été appelé et de faire partie de ce groupe. Je suis aussi heureux pour ma famille.
Henry Kasperczak a tenu des propos élogieux à votre égard. « C’est un garçon très intéressant, technique et doté d’une belle intelligence dans le jeu ».Quand on lit cela, qu’est ce qu’on se dit?
Cela fait plaisir. Je sais qu’ils me suivent de très près. J’ai failli venir au dernier regroupement.J’espère en être en juin. C’est bien de connaitre un peu le groupe, les joueurs importants.
Avez vous eu l’occasion d’échanger avec lui?
Je l’ai eu à plusieurs reprises au téléphone pour la sélection du mois de mars. Il m’a même appelé pour me dire qu’il n’allait pas me prendre. Cela montre qu’il me fait confiance. Il aurait pu ne rien me dire. Il m’a dit qu’il avait fait un choix mais qu’il comptait toujours sur moi.
Jouer pour les Aigles de Carthage a-t-il toujours fait partie de vos objectifs ?
Oui. C’est un autre statut que d’être international. On joue pour son deuxième pays. J’ai vraiment envie d’y aller.
Vous êtes convoqué avec les A. Aviez vous été approché par la fédération quand vous étiez plus jeune?
Un peu mais ils n’ont pas été très sérieux avec moi. On m’a promis de me rappeler. Au final, il n’y a rien eu. Le plus important, c’est l’équipe A.
A quelques centaines de kilomètres de votre ville de naissance Marseille se trouve la Tunisie. Quels liens entretenez vous avec ce pays?
De très, très bon rapports. Je suis très attaché à ce pays.J’y vais souvent. Toute la famille du coté de mon père est d’El Krib, à 120 km de Tunis. A coté des ruines de Douga. Cela ferait plaisir et ce serait une fierté pour ma famille si j’allais en sélection. Pour eux, j’espère que je vais faire une bonne carrière.
Vos belles prestations cette année avec le Red Star ne sont pas passées inaperçues puisque vous avez été nominé aux trophées UNFP pour le titre de meilleur joueur de L2.Comment vit-on cette reconnaissance ?
J’étais content. Je pensais à ma famille, à mon parcours. J’ai pas mal galéré il y a deux ans. J’ai fait une année en National. En Ligue 2, cela s’est bien passé. Une récompense comme celle fait toujours plaisir.
Même si vous n’avez pas décroché ce titre, vous faites néanmoins partie de l’équipe type de L2. On imagine que c’est une belle satisfaction pour votre retour chez les professionnels?
Tout à fait. C’est d’autant plus gratifiant que ce sont les joueurs qui ont voté. J’avais déjà évolué en Ligue 2. Je savais que cela était faisable. Je pense que mes cinquante matchs à ce niveau m’ont servi. Il fallait juste que je reste concentré et que je travaille. C’est ce que j’ai fait. Avec mes qualités, j’ai réussi à montrer ce que je savais faire.Cela a payé.
Bouazza est un bon exemple
Votre coéquipier Hameur Bouazza y figure aussi. Au regard de ses performances, on a l’impression qu’il est sous-estimé?
Cela fait plaisir. C’est un super joueur avec lequel je m’entends bien sur et en dehors du terrain.On est tout le temps ensemble. Je suis très content pour lui car cela a été un pari pour lui que de revenir en France. Il a surtout fait sa carrière en Angleterre. C’est une belle revanche qu’il prend.Il est encore jeune. Il lui reste encore deux ou trois belles années. Je les lui souhaite au plus haut niveau.
Sur le terrain vous avez une belle complicité.Vous donne-t-il des conseils ?
Il a une grosse expérience. Il en fait part même s’il n’aime pas trop parler, par modestie, de son vécu. Il arrive à me conseiller sur et en dehors du terrain. Il me dit de faire attention à l’entourage et aux médias, d’avoir la tête sur les épaules.
Quels genres de conseils a-t-il pu vous délivrer sur le terrain,?
Il a côtoyé de grands joueurs. Il me dit qu’au plus haut niveau, il faut jouer plus simple et lâcher plus vite le ballon. Je peux avoir tendance à trop le garder. On le voit, il est efficace dans tout ce qu’il fait. Il a une belle frappe. Je dois prendre exemple sur lui. Il donne envie de progresser. A l’entrainement, il bouge comme s’il avait 22 ans. Il ne se relâche jamais. Il est toujours à fond.
Vous avez connu tous les deux le monde professionnel précédemment avant de repartir en amateur, en National. C’est une belle preuve d’humilité?
Oui. Il faut savoir redescendre de niveau. Personnellement, je n’avais pas le choix. J’aurais préféré rester en Ligue 2 mais parfois, il vaut mieux reculer pour mieux sauter. C’est ce qu’on a réussi à faire. Nous étions deux paris pour le Red Star. Je tiens à cette occasion à remercier le club qui nous a relancés.
A t-il été facile de se remettre en question?
Cela se fait naturellement. Nous sommes assez intelligents. A 18 ans, j’étais en Ligue 2. J’ai fait 48 matchs, puis je me suis retrouvé en National à ne pas jouer (nldr, au PFC et au début au Red Star). On est obligé de se remettre en question parce qu’on se dit que cela ne va pas. C’est trop facile de penser que c’est de la faute du coach. Dans la vie, les choses ne viennent pas par hasard. Si cela arrive, c’est qu’on l’a mérité. Il y a aussi l’aide de ma femme. Je n’en parle pas trop mais elle m’a beaucoup aidé. Au niveau de l’hygiène de vie, de la stabilité. Cela a été un gros coup d’accélérateur pour ma carrière. Je n’en suis qu’au début.
Quelles sont les petites choses que vous avez gommées en redescendant de niveau?
Il y a l’expérience que j’avais accumulée. Il est important de bien manger, de bien dormir. Quand on est marié, on reste plus à la maison. A Sedan, je ne faisais pas n’importe quoi pour autant. J’avais mon appartement alors que j’étais jeune. C’est plus difficile. On ne fait pas trop attention à la nourriture. Sur le terrain, j’ai appris à dribbler au bon moment, à m’améliorer dos au jeu. Il y a plein de choses qu’on apprend et qui font que ça avance. Je dois progresser dans beaucoup de domaines sur ou en dehors du rectangle vert.
Quelle différence y a-t-il entre la Ligue 2 et le National?
Elle n’est pas grande. Tactiquement et au niveau de l’agressivité, il n’y a pas trop de différences. Cela va un peu plus vite. Je remarque surtout l’efficacité. En Ligue 2, on n’a pas besoin de deux occasions pour la mettre au fond. Techniquement, c’est un peu plus propre et le potentiel offensif est supérieur.
La Ligue 2 a-t-elle évolué depuis que vous l’avez connue?
Pas trop. Je dirais qu’elle n’a pas progressé. Il y a moins de dribbleurs, moins de joueurs portés vers l’avant. Le potentiel offensif a diminué. A l’époque où je jouais à Sedan, le niveau était meilleur. On avait une très bonne équipe et pourtant nous ne sommes pas montés. Cela veut dire qu’il y avait encore plus forts que nous. Cette année les équipes ont peur. Elles ne prennent pas beaucoup de risques. C’est dommage car il y a de très bons joueurs.
Red Star: un vrai collectif, voilà le secret
Vous êtes deux joueurs du Red Star à figurer dans l’équipe type de L2. N’est-ce pas un peu surprenant avec toutes les difficultés organisationnelles que vous avez connues cette saison (domiciliation à Beauvais, entrainement à Sannois Saint Gratien)?
Ce n’est pas vraiment surprenant. Au niveau des infrastructures, cela a été un peu difficile mais on a montré sur le terrain que le Red Star était une grosse équipe de Ligue 2. On a essayé de donner le maximum. C’est le plus important. On a un peu fait parler du club. J’espère que cela va continuer.
Qu’est ce qui a fait votre force cette année?
J’ai rarement vu une ambiance pareille. On pouvait se retrouver à quinze à manger après un entrainement. Il n’y a pas de secret dans le football. Quand une équipe réussit, c’est qu’il y a un vrai collectif.
Vous avez vu débarquer un nouvel entraineur cet été, le Portugais Rui Almeida, qui ne maitrisait pas le français. Comment se sont passés vos débuts avec lui?
Très bien. Il a instauré une rigueur. Il a amené sa patte étrangère qui est basée sur le travail. Il n’y avait pas de repos. C’était des entrainements à fond avec le ballon. Lors de la préparation, on n’a pas couru une seule fois. Cela nous a fait plaisir. En France, on n’aime pas courir pendant deux heures. Au final, on est tous contents des méthodes du coach. Il s’est bien adapté à la Ligue 2.
Que vous a-t-il apporté de sa culture étrangère?
Le travail et la rigueur tactique. A la vidéo, il nous a montré des choses qui nous ont fait progresser. Qu’on gagne ou qu’on perde, à l’entrainement ou en match, il fallait être à 100%. Il n’y avait pas de relâchement.
Il venait du championnat d’Egypte avant de débarquer en France. Vous a-t-il parlé de son expérience dans ce pays arabe?
Jamais. J’en ai discuté rapidement avec lui. Il m’a dit que le Zamalek était un gros club avec de bonnes infrastructures. Il a vraiment aimé. Il était choqué de voir autant de bons joueurs.
A titre personnel qu’est ce qu’il vous a apporté?
Tactiquement, dans le repli défensif et dans le replacement. Offensivement, il me laissait faire. Il me demandait de rester collé à la ligne et de faire l’appel au moment ou l’arrière gauche avait le ballon. Il me disait tout le temps : « reste la tête tranquille » (rires) car il savait que j’étais convoité cette saison.
Y a-t-il une consigne ou un aspect du jeu que vous aviez du mal à appliquer et que vous comprenez mieux maintenant?
A la base, je suis un numéro 10. J’aime bien être au coeur du jeu et toucher le ballon. L’entraineur préférait que je reste sur mon coté et que je rentre avec le ballon.
Je suis satisfaits de ma saison, pas de mes statistiques
Avec 4 buts et 5 passes décisives, êtes vous satisfait de votre saison?
Je ne suis pas content de mes statistiques. Je les trouve faible pour un joueur qui évolue à ce poste. Je me dois d’être plus efficace et plus décisif. Cela dit, j’ai apporté offensivement à cette équipe. J’ai essayé de faire des différences, de provoquer des pénalties. Je suis satisfait de ma saison car je sais que j’ai encore une marge de progression.
Avoir participé à tous les matchs, c’est la preuve que vous êtes un joueur important de l’équipe. De quelle manière l’entraineur vous le faisait il sentir?
Hamdoulilah, je ne me suis pas blessé depuis deux ans. C’est rare de jouer tous les matchs. Il ne doit y avoir que quelques joueurs dans ce cas là. Les gens parlent de stats mais jouer toutes les rencontres, c’est bien. J’étais important pour le coach car il me faisait jouer. Quand il me faisait sortir, cela m’énervait un peu.
Vous expliquait-il pourquoi il vous sortait?
Non, mais je comprenais. Cela se passait souvent quand on gagnait et qu’il fallait préserver le résultat.
Votre progression passe-t-elle par un passage à l’étage supérieur?
C’est automatique. Plus on joue avec de meilleurs footballeurs, plus on progresse. J’aimerais que cette étape se fasse l’an prochain. En Ligue 1 ou à l’étranger. Le plus important n’est pas le club où je serais mais que j’atteigne le maximum de mon potentiel. Je ne veux pas avoir de regrets. Je veux m’amuser.
Vous avez accepté de reculer avec le Red Star en National pour mieux sauter vers l’élite. Vous sentez vous apte à passer ce cap?
Bien sûr. Serais je prêt? On ne le sait jamais à l’avance. J’essaie de faire le maximum. Il n’y a pas de limites. Jouer dans un club de l’élite en France ou ailleurs, c’est l’objectif depuis le début.
Quel type d’équipe correspondrait le mieux à votre manière de jouer?
Une formation qui joue et laisse libre cours à ses joueurs offensifs. Le football est en train d’évoluer. On voit que les équipes qui gagnent sont celles qui jouent au ballon. Celles qui sont agressives ensemble défensivement et offensivement. L’Espagne prend le dessus sur tout le monde avec de petits gabarits. En France, Lorient développe un beau jeu.
Y-a-t-il système de jeu qui a votre préférence?
Pas vraiment. Cela dépend des joueurs autour de soi, de la façon dont le coach pense.
Quels sont les championnats que vous aimez regarder à la télévision?
J’aime bien regarder la Ligue 1 française car il y a des footballeurs que je connais. A l’étranger, ce sont les gros matchs.
Sont-ce des pelouses que vous aimeriez fouler?
Je souhaiterais évoluer sur toutes les belles pelouses. J’aimerais bien jouer au Vélodrome mais contre l’OM. Ce serait beau dans ma ville.
A la trêve vous étiez à deux doigts de signer à Reims. En voyant la deuxième partie de saison du club et son statut de relégable, on peut se dire que vous avez eu du nez?
Je remercie le Red Star qui m’a un peu retenu. Même si au début j’étais tenté, la décision a été la bonne. C’est le destin.
En restant vous avez confirmé vos bonnes prestations. A en lire la presse, les prétendants sont plus nombreux aujourd’hui. Vous avez donc bien fait de ne pas bouger?
Oui. Je lis la presse mais il n’y a rien du tout en ce qui concerne certains clubs. J’étais à Nice avec mon agent. Nous avons été invités par Cyril Rool qui est son ami et pas par le club. Aujourd’hui, aucune équipe ne s’est manifestée.
Un club comme le LOSC avec un entraineur comme Antonetti peut-il être un lieu idéal pour progresser?
Oui. On s’est mis d’accord avec le Red Star pour que je parte cet été. J’ai pas mal progressé ici. C’est le moment d’aller voir au dessus. Je verrais le projet de chaque club et le coach qui me veut vraiment.
La presse belge annonce que le Standard de Liège se serait également positionné ces derniers temps. Un départ vers la Belgique peut-il être envisagé?
J’ai un ami qui joue à Bruges. C’est l’un des meilleurs buteurs. Il me dit du bien de ce championnat qui recèle de grandes équipes. Pourquoi pas? Toutes ces questions viendront sur la table en juin.Ce qui est sûr,c’est qu’il n’y a rien. Ce n’est pas de la langue de bois.
@nassermabrouk