En exclusivité, le défenseur international du Zamalek qui avait refusé de jouer contre ENPPI après avoir été informé de la mort de ses supporters, a accepté de se confier à 2022mag.com.
Etudiant en commerce, fils d’un ancien joueur, Mohamed Gaber, devenu entraîneur du Ahly Tripoli, Omar Gaber est un jeune homme brillant. Latéral gauche de talent ayant participé à la CM U20 avec Mohamed Salah, il avait failli partir en Ligue 1 française il y a deux ans quand Valenciennes avait formulé un offre. Aujourd’hui, après plusieurs semaines de crise avec le Zamalek, le jeune international a repris le cours de sa carrière. S’il avoue que tout n’est pas réglé, on le sent désireux d’aider les « Chevaliers Blancs » à remporter le titre. Après quoi, sans doute, prendra-t-il le chemin de l’exil en Europe où les clubs se bousculent pour lui offrir un premier contrat. Rencontre.
« Omar, bonjour. Quelle est votre situation actuelle au Zamalek, qui vous a suspendu puis envoyé vous entraîner avec les jeunes du club, à la suite de votre refus de jouer contre ENPPI, le soir du drame ?
Il y a deux jours (l’interview a été réalisée mercredi soir, NDLR), j’ai eu une réunion avec les gens du club chargés de l’enquête. L’enquêteur m’a dit que le président Mortada Mansour voulait me rencontrer. J’ai refusé dans un premier temps car le président avait tenu des propos déplacés me concernant ainsi que sur mon père. Le fils du président, qui est membre du comité directeur, a passé une heure à tenter de me convaincre. J’ai finalement accepté de voir le président.
Que vous a-t-il dit ?
Qu’il m’appréciait, qu’il appréciait mon père ! Que je ne devais pas être fâché, et que je devrais retourner m’entraîner avec mes coéquipiers. Il m’a dit qu’il ne me punirait pas, et qu’il n’y aurait plus de plainte contre moi. J’ai juste dit OK. Mardi, je suis donc retourné m’entraîner avec le groupe pro. Ferreira, le nouveau coach, m’a préparé un programme spécifique parce que je ne m’étais plus entraîné depuis l’avant match contre ENPPI. Je suis resté chez moi tout ce temps. J’ai débuté ce programme mercredi.
Y a-t-il eu réconciliation avec le président ?
Non. Pour moi, le problème n’est pas réglé. Le président nous a insultés trop souvent par le passé… Mais le Zamalek est mon club, ma maison. Vous savez, je suis dans ce club depuis l’âge de cinq ans. Si je dois rester, je le ferais pour nos supporters. Ils m’aiment beaucoup et c’est réciproque.
Avant le drame du stade du Caire, vous aviez signé une prolongation de contrat et le club vous a remis une prime de signature d’1M de livres égyptiennes. Apparemment, vous n’avez pas reçu cet argent. Qu’en est-il exactement ?
J’ai prolongé mon contrat il y a un mois avec Zamalek. On m’a donné un chèque d’un million, et je suis allé le déposer à la banque, quelques jours après le drame du 7 février. Mais le comité directeur du club a bloqué le chèque au niveau de ma banque. La banque m’a prévenu. Mais, comme vous le savez, j’avais fait le deuil de tout ça puisque j’ai déclaré dans les médias égyptiens que je ne jouerai plus pour le Zamalek après le drame. J’ai dit que je n’ai pas besoin de cet argent ! Après le 7 février, le club a refusé de son côté à l’époque de me redonner le contrat. J’ai été écarté du groupe pro, et une enquête a été diligentée contre moi.
« Les supporters nous ont dit : ne jouez pas! «
Pourquoi êtes-vous resté chez vous pendant plusieurs semaines ?
Personne ne m’a donné le planning des heures d’entraînement ! J’ai reçu une offre d’un club belge à cette période (350 000 euros). Je compte de nombreux soutiens au sein du comité directeur, et on m’a demandé de rester au club, car je suis le « fils » du Zamalek. La situation depuis s’est améliorée.
Revenons aux tristes évènements qui ont provoqué cette situation… Apparemment, les Ultras du Zamalek vous ont contacté alors que vous arriviez au stade, pour vous prévenir qu’il y avait déjà des morts…
Oui. Je vais vous raconter les circonstances. Le bus du Zamalek a été arrêté par nos supporters juste avant le stade. Ils nous ont demandé de ne pas jouer. « On nous a battus, et il y a déjà quatre morts ». Ils nous ont montré les photos sur leurs téléphones portables… Avez-vous vu les vidéos ? Les supporters se sont adressés à nous, au capitaine de l’équipe Hazem Emam, à moi-même et au directeur sportif Ismail Youssef : « Ne jouez pas ! » On a parlé ensemble à ce moment-là et convenu de ne pas jouer puisqu’il y avait des morts. Cette décision a été prise avant d’arriver au stade. Pendant une heure et demi, on est resté éloigné de la zone du stade. La police est venue sur place ramasser les victimes. Elle a jeté des gaz lacrymogènes pour disperser les supporters, et ces gaz sont arrivés jusque dans notre bus. Les supporters se sont dispersés dans le désert aux alentours.
Et ensuite ?
Après ça, la police nous a escortés au stade. Une fois dans le vestiaire, le président du Zamalek nous a répété : « vous devez jouer, personne n’est mort ». Le coup d’envoi du match a été reporté à 20h. De mon côté, j’ai décidé de ne pas jouer. Les autres joueurs n’étaient vraiment pas sûrs qu’il y ait eu des victimes. Mais moi qui suis si proche des supporters, je savais que c’était vrai.
Vous avez été soutenu par des personnalités du football égyptien durant cette période…
Oui, Mohamed Aboutreika. Il m’a soutenu dans la presse après ce match contre ENPPI. Je l’apprécie et respecte énormément. C’est un grand monsieur et un joueur fantastique.
« Si je reste, ce sera pour nos supporters »
Le championnat doit reprendre courant mars…
Mercredi, les autorités ont pris la décision de le recommencer le 20 mars (40 jours après le drame, NDLR).
Comment vivez-vous le fait de ne pas pouvoir jouer devant un public, depuis tant d’années ?
Sans public, c’est comme si vous jouiez une séance d’entraînement. Difficile d’être motivé. Il n’y a pas de public non plus pour les compétitions africaines. Moi, je joue au football pour rendre les gens heureux.
Le Zamalek devra également accueillir son match de Coupe de Confédération africaine à Gouna…
C’est exact. C’est une ville sur les bords de la mer Rouge, loin du Caire.
Tout à l’heure, vous avez évoqué la possibilité de quitter Zamalek pour aller jouer à l’étranger. Est-ce une piste solide ?
Mon agent m’a appelé récemment pour me dire qu’il avait reçu deux offres, l’une de Belgique, l’autre du Portugal. Je vais discuter avec les membres du comité directeur dont je suis proche. La situation n’est pas simple pour moi. Si je dois continuer au Zamalek, ce sera pour nos supporters qui me demandent de rester. Je ne pourrais jouer pour aucun autre club en Egypte.
Et puis votre club est leader actuellement du championnat, il fait sa meilleure saison depuis très longtemps…
C’est vrai, nous sommes en tête du classement. Je vais vous dire une chose : j’ai remporté deux Coupes avec Zamalek, mais je n’ai jamais gagné le championnat. C’est vraiment notre saison, on fait de bons matches, donc ce serait vraiment fantastique d’être sacrés. En même temps, il y a ce différend avec le président. J’espère que les choses vont se calmer. J’ai 23 ans, mon ambition est de remporter le titre avant de partir en Europe. Il y a deux ans, Valenciennes (L1 FRA) avait fait une offre pour moi mais Zamalek la trouvait insuffisante.
Vous êtes également international A égyptien et malheureusement, vous n’avez pas eu l’occasion de briller en compétition internationale, comme la CAN…
L’équipe nationale redeviendra une grande sélection ! La fédération n’a pas encore choisi qui sera notre prochain sélectionneur. Nous avons de très bons joueurs comme Mohamed Salah (Fiorentina), je ne suis pas inquiet.
Parlez-vous de votre père, Mahmoud Gaber…
Il est l’entraîneur du Ahly Tripoli, le club libyen qui doit affronter Smouha en Ligue des champions. Du coup, il se trouve actuellement en Egypte.»
Propos recueillis par @Samir Farasha