En hommage à Pape Diouf décédé mardi soir à Dakar du coronavirus, 2022mag a décidé de partager le long et passionnant entretien que l’ancien président de l’Olympique de Marseille avait accordé en octobre 2005 à notre directeur de la publication qui était à l’époque le rédacteur en chef du magazine Foot-Africa Premier partie. Pape Diouf, l’agent de joueurs.
Dans le confort de la voiture qui file vers la Commanderie située dans la banlieue de Marseille, le téléphone n’arrête pas de sonner. Pape Diouf que ses poches collaborateurs appelant affectueusement « Papé », est un homme hyper occupé.José Anigo, Jean-Philippe Durant, Laurent Robert, le service communication… Un défilé interminable. Le Manager de l‘Olympique de Marseille prend tous les appels. De sa voix grave, il donne des réponses aux uns, promet aux autres de les rappeler plus tard, confirme un rendez-vous, en fixe un nouveau.
À Marseille, le climat est un tantinet tendu. Nous sommes au lendemain d’un d »devant et miraculeux match nul arraché à Saint-Étienne devant 57 000 supporters. Mais Diouf est zen. Il sait que sur le Vieux Port la tendance est toujours à l’exagération. Et puis, il sait aussi que les atermoiements des uns et les intrigues des autres ne feront pas dévier d’un pouce la volonté,té des dirigeants. Pour Pape Diouf, l’heure est à la reconstruction . À l’image du nouveau siège que le clu compte inaugurer. Tout le monde reconnaît que son calme légendaire , son charisme , ses talents de négociateur, son incontestable passion pour l’OM, sa complémentarité avec Christophe Bouchet ne peuvent qu’aider Marseille à avancer. Marseillais d’adoption, Pape Diouf est aussi un Africain de coeur.
Le Franco-Sénégalais est une valeur sûre. Il fait preuve de talent et de compétence dans tous les métiers qu’il a pratiqués. Postier, journaliste, agent de joueurs est aujourd’hui manager d’und es plus grands clubs d’Europe. C’est cet homme aux qualités multiples que nous avons pour vivre la prolongation de notre grand dossier consacré à l’OM. Paroles de Pape.
Vous souvenez-vous du premier joueur dont vous aviez négocié le transfert? Pape Diouf : À la fin de mon expérience de correspondant à Marseille du quotidien Le Sport, j’avais pris une année sabbatique. J’avais besoin de faire le point sur ma vie. Certains joueurs, qui étaient à l’époque aussi des amis, m’ont demandé de leur donner un coup demain dans la gestion demeure carrière. Je pense par exemple à Basile Boli et Josephe-Antoine Bell. Je suis passé à l’action. Par amitié, au départ, puis c’est devenu une passion et un métier;
Quel est le joueur qui vous est resté le plus fidèle ? Lorsqu’on parle de fidélité, ceux qui connaissent mon groupe pensent tout de suite à Marcel Desailly, que j’ai rencontré alors qu’il avait vingt ans et qu’il faisait ses débuts au FC Nantes. Ils ont raison. Marcel et moi avion fait un long chemin ensemble.Mais pur dire la vérité, j’ai eut es fidèles et non un fidèle. Parmi les plus connus, je peux citer Gregory Coupet, David Sommeil, Laurent Robert…
Quels étaient les arguments qui pouvaient vous pousser à vous séparer d’un joueur ? Je n’ai pas souvenance d’une séparation. Par contre, il m’arrivait souvent de donner suite à la demande d’un joueur. Je répondais négativement lorsque je n’étais pas convaincu par la sincérité de l’interlocuteur ou par ses exigences très éloignées de la réalité du moment. Vous savez, j’avais aussi les moyens et le devoir de me renseigner sur le joueur qui aspirait à rejoindre mon groupe.
Vous avez toujours refusé de faire dans le communautarisme en vous occupant de joueurs issus d’horizons différentes… J’ai commencé avec des joueurs africains, mais il n’a jamais été question pour moi de devenir « l’agent des joueurs africains « . Je ne voyais pas les choses ainsi. Dans mon esprit, j’était un agent point barre. Me cantonner à l’Afrique, c’était tout simplement me mettre une camisole de force. Je voulais que les joueurs me sollicitent pour mes compétences professionnelles et non pas pour mon origine ethnique ou géographique. Le problème ne s’est d’ailleurs pas posé. Puisque j’ai pu m’occuper dès le début d’Antillais et d’Africains mais assied Hollandais ou de Français.
Durant votre longue carrière, vous aviez négocié des contrats avec les clubs des grands pays de football comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre ou la France. L’approche était elle plus facile dans un pays en particulier ? Je dois avouer que j’aimais bien traiter les affaires en Italie et en Angleterre. Dans ces deux pays, les agents de joueurs ont toujours bénéficié d’une grande considération. Personne n’y a jamais remis en cause notre utilité. Les clubs italiens et anglais sot toujours ravis d’avoir des interlocuteurs sérieux et compétents.Ils ont ainsi la certitude de gagner du temps et de l’argent en traitant avec la bonne personne.
En même temps, depuis quelques mois en France la profession est montrée du doigt .Que pensez-vous de cette polémique ? (Catégorique) . Vous venez de le dire, ce débat a lieu surtout en France. On a tendance à généraliser et à porter l’opprobre sur une profession tout entière. C’est injuste. Les gens indélicats, les auteurs de gains faciles, les malhonnêtes sont une poignée. On en trouve dans tous les secteurs de l’activité économique et sociale.
Il se dit que les agents ne sont pas étrangers à l’inflation des salaires depuis que quinzaine d’années… Si l’on devait écouter tout ce qui se dit, les agents sont les responsables de tous les maux du football mondial. C’est leur accorder trip de pouvoir; Soyons sérieux, l’inflation est avant tout le fait de la mégalomanie de certains dirigeants de clubs. Sous couvert de réussite, ils ont perdu la raison. Pour les uns, il faut absolument recruter les meilleurs. À n’importe quel prix, surtout si cela devait priver le concurrent de munitions. Un agent n’a jamais imposé un joueur quelque part. C’est la loi de l’offre et de la demande. À un certain moment la demande était tout simplement devenue folle. Néanmoins, je crois que nous sommes revenus à plus de réalisme. Le coût des transferts et celui des salaires sont en train de stabiliser à un niveau plus raisonnable.
Vous étiez un agent plutôt atypique, proche des joueurs. Vous étiez le confident, parfois même l’ami… (Attendri). Oui, je reconnais que j’assurais une sorte de « service après-vente » (rire). Dans ce métier, les fondamentaux sont la confiance , la loyauté et la fidélité. J’ai besoin d’avoir des liens « vrais » avec mes interlocuteurs. Vous savez, dans le domaine des relations humaines je n’ai jamais eu à forcer ma nature. Je suis ainsi. J’aime être à l’écoute. Alors les joueurs savent que ma porte leur est ouverte et pas seulement pour les questions d’ordre professionnel.
Avez-vous été un chasseur de talents en Afrique ? Non, jamais. Je n’ai été ni superviseur recruteur. Je me sis occupé de joueurs confirmés. Maintenant je ne dis pas que des informations ne sont pas arrivées à mes oreilles par différents canaux.
Vous avez eu un grand nombre de joueurs dans votre écurie, parmi eux y en a-t-il qui ont raté leur carrière? Le terme de ratage est un peu excessif. Disons que certains n’ont pas été à la hauteur des espoirs placés en eux au départ de l’aventure. J’ai eu des regrets. Lorsque c’est arrivé, je me suis demandé ce qui m’avait échappé et j’étais triste pour le joueur. Car mon premier objectif était de voir mes footballeurs épanouis et heureux.
Pouvez-vous nous résumer en quelques mots les principales qualités d’un bon agent ? Il doit posséder une réelle capacité de discernement, une bonne connaissance de la psychologie du joueur de haut niveau, un Gran sens de la négociation, beaucoup de patience et un joli carnet d’adresses.
Propos recueillis par Faycal Chehat ( Foot-Africa, Octobre 2005)
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